Cancer du sein et effets à long terme de la radiothérapie
Une méta-analyse vient d'évaluer les effets à long terme de la radiothérapie dans le traitement du cancer du sein. L'analyse de 40 essais cliniques débutés avant 1990 indique que la radiothérapie réduit le nombre de récidives locales ainsi que la mortalité associée au cancer. Cependant, elle est associée à une augmentation de la fréquence des décès par maladies vasculaires.
Au vu de cette étude, la radiothérapie apporte un bénéfice significatif chez les femmes de moins de 50 ans avec un envahissement ganglionnaire. Néanmoins, en raison des risques associés à ce traitement, les bénéfices chez les femmes les plus âgées et chez les femmes à faible risque de récidive sont plus discutables selon le Dr Collins, coordinateur de cette étude.
Cette étude, publiée dans le Lancet du 20 mai, a été réalisée par le Early Breast Cancer Trailists' Collaborative Group. Les auteurs ont revu les données de 40 essais cliniques randomisés portant sur la radiothérapie dans le traitement du cancer du sein. Le suivi était de 10 à 20 ans et concernait près de 20.000 patientes. L'analyse a porté sur la mortalité et la fréquence des récidives. La moitié des patientes présentaient un envahissement ganglionnaire.
Dans tous les essais analysés, la radiothérapie a été associée à une réduction de deux tiers du nombre de récidives locales et ce indépendamment du type de patient ou de radiothérapie mise en œuvre (8,8 % de récidives locales à 10 ans contre 27,2 %).
Les données de tous les essais ont été combinées afin d'évaluer les conséquence du contrôle locorégional sur la mortalité.
La radiothérapie a permis de diminuer la mortalité directement liée au cancer du sein mais elle est associée à une augmentation des décès par maladies vasculaires. Néanmoins, le bénéfice global de la radiothérapie après 20 ans de suivi n'est pas remis en cause : le taux de survie est de 37,1 % avec la radiothérapie contre 35,9 % dans le groupe contrôle.
La mortalité précoce était comparable chez les femmes traitées par radiothérapie ou non. Deux ans après le début du traitement, la mortalité par cancer du sein était réduite de 13,2 % dans le groupe radiothérapie mais on notait en parallèle une augmentation de 21,2 % des décès causés par d'autres affections.
Les auteurs précisent que "l'envahissement ganglionnaire, l'âge, et la décennie durant laquelle le suivi a été accompli ont fortement influencé le rapport entre la mortalité par cancer du sein et la mortalité par d'autres causes". Ces facteurs ont donc affecté le rapport bénéfice / risque.
Les auteurs concluent que la radiothérapie (mise en œuvre durant ces années) assure un bénéfice modéré mais réel après 10 ou 20 ans. Elle est également associée à un risque limité, risque qui s'intensifie avec la durée du suivi.
Les bénéfices démontrent que le contrôle locorégional précoce permet de diminuer de façon modérée mais définitive le risque de décès par cancer du sein à long terme. Les risques consécutifs à la radiothérapie augmentent le nombre de décès par maladie cardiovasculaire, particulièrement après la première décennie.
L'analyse des résultats en fonction des tranches d'âge montre que le bénéfice est vraiment significatif chez les femmes à haut risque (envahissement ganglionnaire) de moins de 50 ans. Cependant, le bénéfice paraît plus discutable chez les femmes plus âgées et chez les patientes de tous les âges à faible risque (cancers de petite taille au dépistage ou pas d'envahissement ganglionnaire après mastectomie et évidement axillaire).
Les auteurs indiquent que des techniques de radiothérapie qui permettent d'éviter l'exposition de structures internes sensibles pourraient amener aux même bénéfices en écartant la plupart des risques associés aux rayonnements.
A ce propos, le Dr Kurtz (Hôpital Universitaire de Genève) souligne dans un éditorial du Lancet que les techniques employées dans ces essais cliniques diffèrent beaucoup de celles employées aujourd'hui et considère que ces résultats sont "une bonne nouvelle pour la radiothérapie". Selon lui, "l'éventuelle morbidité vasculaire de la radiothérapie ne doit pas dissuader les cliniciens de continuer à privilégier la chirurgie conservatrice avec les avantages de l'irradiation du sein par des champs tangentiels en photons". Cette technique ne semble pas avoir de répercussion particulière au niveau vasculaire.
Les techniques actuelles et le contrôle précis de l'irradiation permettraient d'obtenir des bénéfices identiques tout en évitant les effets secondaires mis en évidence dans l'étude du Early Breast Cancer Trailists' Collaborative Group.
Source : Lancet 2000;355:1757-1770,1739-1740
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