SIDA : une mutation accélère l'évolution de la maladie
Une double mutation sur un des co-récepteurs du VIH semble accélerer la progression de la maladie vers le SIDA. Ce résultat est la conclusion de recherches réalisées par des équipes du CNRS, de l'INSERM, d'hopitaux français (Bicêtre) et du NIAID (National Institute of Allergy and Infectious Diseases) américain. Ces travaux ont fait l'objet d'une publication dans le dernier numéro de Science.
Certaines mutations sur des co-récepteurs du VIH sont connues pour modifier la transmission du virus et la progression de la maladie. Ainsi la mutation CCR5delta2 conduit à la synthèse de récepteurs CCR5 tronqués : les sujets hétérozygotes pour cette mutation présentent une évolution plus lente de la maladie tandis que les homozygotes résistent mieux à la contamination. Une autre mutation sur le site de promotion du gène CCR5 accélère l'évolution de la maladie, vraisemblablement en modulant la transcription du gène.
Les auteurs se sont intéressés au récepteur CX3CR1, un récepteur de la chimiokine "fractalkine". Ce récepteur est exprimé dans de nombreux tissus et des taux élevé de CX3CR1 ont été retrouvés dans le cerveau et dans certains lymphocytes. Ce récepteur interagit avec un nombre limité d'enveloppes virales du VIH mais des études antérieures ont montré que la fractalkine pouvait inhiber la fixation du virus sur CX3CR1. Le récepteur pourrait jouer un rôle important dans la réponse immutaire en renforçant les contacts inter-cellulaires.
L'analyse des séquences codantes pour CX3CR1 chez 78 donneurs de sang français de type caucasien a mis en évidence 5 mutations ponctuelles localisées dans le secteur transmembranaire du récepteur. Deux d'entre elles sont fréquentes dans la population caucasienne non infectée : V249I (substitution de la valine par l'isoleucine en position 249; 25,7 % de la population testée) et T280M (substitution de la thréonine par la méthionine en position 280; 13,5 % de la population testée). Ces mutations semblent spécifiques de la population caucasienne puisqu'elles n'ont pas été détectées dans la population asiatique ou africaine.
Sophie Faure (Laboratoire d'Immunologie Cellulaire et Tissulaire, CNRS, Hopital Pitié-Salpétrière) et ses collaborateurs ont étudié la distribution de ces deux mutations dans des cohortes (565 patients au total) ANRS de personnes infectées par le VIH. La double mutation I249 (isoleucine en position 249) et M280 (méthionine en position 280) est retrouvée chez 16,2 % de la population caucasienne infectée. Les auteurs précisent que cette fréquence est la même selon que l'on considère les patients infectés ou non.
L'analyse de cette fréquence en fonction de la progression de la maladie montre que cette double mutation (I249 M280) est plus fréquente chez les patients présentant une progression de la maladie vers le SIDA que chez les patients asymptomatiques à long terme.
Ce résultat semble indiquer que la mutation I249 M280 favorise la progression de la maladie.
La progression de la maladie est similaire chez les patients hétérozygotes (pour la double mutation I249 M280) et chez les patients homozygotes pour le gène sauvage de CX3CR1 : la mutation I249 M280 serait donc récessive.
Selon un communiqué de l'INSERM : "Les résultats montrent, schématiquement, que les patients […] homozygotes (pour la mutation I249 M280) évoluent 2 fois plus vite vers la maladie SIDA". "Par ailleurs, la présence de ces mutations à l'état homozygote pourrait augmenter la susceptibilité à l'infection des personnes en contact avec le virus".
L'analyse fonctionnelle de CX3CR1 chez les patients homozygotes a montré une diminution de l'affinité de la fractalkine pour son récepteur. Il apparaît également que le nombre de récepteurs CX3CR1 présents à la surface cellulaire est considérablement réduit chez ces patients.
La diminution du nombre de récepteurs pourrait avoir un effet négatif sur la réponse immunitaire qui expliquerait la progression accélérée de la maladie chez les porteurs homozygotes de la double mutation. L'identification de ces patients séropositif permettrait vraisemblablement une surveillance étroite de l'évolution de la maladie.
De plus, comme le soulignent les auteurs, le récepteur CX3CR1 pourrait être envisagé comme une cible thérapeutique potentielle.
Source : Science, 24 march 2000; Vol. 287: 2274-77. Communiqué de presse de l'Inserm.
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