La grippe de l’enfant de moins de 2 ans rend compte d’un nombre substantiel d’hospitalisations
Deux études américaines publiées dans le New England Journal of Medicine montrent que l’impact de la grippe sur le taux d’hospitalisation pour pathologies cardio-pulmonaires aiguës, le nombre de visites chez le médecin, et la consommation d’antibiotiques imputables aux infections associées, est loin d’être négligeable. Selon les investigateurs, la vaccination systématique contre la grippe mérite d’être envisagée chez les enfants de moins de 18 mois.
Conduite par le Dr Katleen Maletic Neuzil (Puget Sound Health Care System, Seattle, Washington), la première étude a évalué, sur une période de 19 années consécutives le poids de la grippe dans une large cohorte d’enfants sains de moins de 15 ans. La morbidité associée à l’affection grippale a été évaluée sur une période d’observation de 2.035.143 personnes-années.
Cette vaste enquête rétrospective a montré qu’au cours des périodes où le virus Influenza a circulé entre 1974 et 1993, le nombre moyen d’hospitalisation pour des pathologies cardio-pulmonaires aiguës était en excès par rapport aux chiffres attendus : de 104 pour 10.000 enfants par année chez les moins de 6 ans, de 50 pour 10.000 enfants par année chez les bébés âgés de 6 à 12 mois, de 19 pour 10.000 enfants par année pour ceux dont l’âge était compris entre 1 an et 3 ans, et 9 pour 10.000 enfants chez ceux âgés de 5 à 15 ans.
Pour chaque groupe de 100 enfants et par an, la grippe a été rendue responsable d’une moyenne de 6 à 15 consultations et de 3 à 9 cures d’antibiotiques. Ainsi, les fréquences des traitements antibiotiques et des consultations sont apparues plus élevées pendant la saison de la grippe, avec 10 % à 30 % de traitements antibiotiques supplémentaires et jusqu’à 35 % d’augmentation du nombre de visites chez le médecin en hiver.
Les décès ont été rares parmi ces enfants en bonne santé, la plupart survenant chez des bébés de moins de 1 an. Tous âges et années confondus, le nombre des morts en excès d’origine cardio-pulmonaire a été 0,77 pour 10.000 enfants (IC 95 % : 0,001 à 0,154), autrement dit environ 8 décès pour un million d’enfants âgés de moins de 15 ans.
Globalement, ces donnés indiquent que, vis-à-vis de la grippe, les enfants de moins de 1 an sont ceux qui sont le plus à risque. Pour cette tranche d’âge, " le taux d’hospitalisation en excès est similaire à celui des adultes présentant un risque élevé d’affection grippale et chez lesquels la vaccination anti-grippale est recommandée ".
La seconde étude, coordonnée par le Dr William Thompson et ses collaborateurs des CDC d’Atlanta, a utilisé des données de surveillance virale de deux Etats (Washington, Caroline du Nord) pour chaque saison d’octobre à mai au cours d’une période allant de 1992 à 1997.
Elle a consisté à calculer les fréquences d’hospitalisations pour infection respiratoire chez les enfants ne présentant pas de pathologies les exposant à un haut risque de complications de la grippe et qui avaient moins de 2 ans. Celles-ci ont été de 231 pour 100.000 personnes-mois dans le centre situé en Caroline du Nord et de 193 pour 100.000 personnes-mois pour celui de Seattle (Etat de Washington).
Dans chaque centre, les taux d’hospitalisation pour maladie respiratoire aiguë parmi les enfants de moins de 2 ans ne présentant pas de risque de complications étaient 12 fois plus élevés que ceux enregistrés pour les enfants âgés de 5 à 17 ans.
Par ailleurs, les enfants qui présentaient une pathologie chronique avaient un risque d’être hospitalisés pour un problème aigu respiratoire 4 à 21 fois plus élevé que les enfants indemnes d’une telle maladie. Plus précisément, en moyenne, les risques relatifs étaient respectivement dans les deux centres de 5 et 4 pour les enfants de moins de 2 ans, de 13 et 21 pour les enfants âgés de 2 et 4 ans, et de 20 et 13 pour les enfants âgés de 5 à 17 ans.
Invités à commenter les résultats de ces deux études, des cliniciens de Boston font remarquer qu’elles ont toutes évidemment essayé, avec plus ou moins de réussite selon la méthode d’utilisée, de séparer le rôle du virus grippal de celui du virus respiratoire syncytial et d’autres virus respiratoires qui circulent beaucoup en hiver, parfois également sur un mode épidémique.
Vaccination de routine : une question très délicate
Pour les auteurs de ces deux études, le vaccin anti-grippal pourrait réduire le nombre des consultations et l’emploi des antibiotiques durant les mois d’hiver. Et de rappeler que des essais randomisés et contrôlés ont monté l’intérêt d’un nouveau vaccin administré par voie nasale, vivant et atténué, trivalent et adapté au froid. Il pourrait éviter d’avoir recours à deux doses de vaccin.
En tout état de cause, le coût, la faisabilité et la sécurité d’un tel vaccin devront être considérés avant d’élargir les indications de la vaccination anti-grippale. Outre de compliquer encore un peu plus le calendrier vaccinal, l’opportunité d’une vaccination systématique des enfants contre la grippe se heurte à des considérations immunologiques. En effet, on sait que la réponse immunitaire est médiocre avant l’âge de 6 mois.
Par ailleurs, les complications induites par la grippe s’observent quasi-exclusivement chez les enfants à risque qui relèvent déjà des indications de la vaccination. En d’autres termes, une vaccination de masse chez les enfants ne pourrait se justifier que si le rapport bénéfice-risque est très élevé étant donné le faible pourcentage de cas de maladie respiratoire sévère qui serait évité.
Enfin, d’importantes questions de logistique ne manqueraient pas de se poser. Ainsi, aux Etats-Unis, pas moins de 5,5 millions d’enfants, âgés de 6 à 24 mois, devraient recevoir une ou deux doses de vaccin pendant une courte période chaque automne.
Source : The New England Journal of Medicine, 27 janvier 2000, Vol.342, N°4, 225-31, 232-9, 275-6.
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