Une intensité grippale record : l’hôpital en tension
La première semaine de l’année 2025 confirme une progression significative des infections respiratoires aiguës (IRA). En ville, le taux d'incidence était de 501 cas pour 100 000 habitants en médecine générale ( 42 % par rapport à la semaine précédente) et 30,9 % des actes SOS Médecins concernaient des IRA basses (contre 29,1 % la semaine précédente). Alors que la bronchiolite montre des signes de recul, la COVID-19 conserve une circulation modérée.
La grippe : une intensité exceptionnelle
La France métropolitaine fait face à une activité grippale en nette augmentation, marquée par une intensité exceptionnelle des hospitalisations. Le taux de consultations pour syndrome grippal était de 352 pour 100 000 habitants en semaine 01, contre 278 la semaine précédente. L’activité grippale reste modérée chez les moins de 15 ans et les 15-64 ans, mais élevée chez les 65 ans et plus. En semaine 01, 18 391 passages aux urgences pour syndrome grippal ont été enregistrés, soit 5,2 % de l'ensemble des passages, avec 3 946 hospitalisations (5,4 % de toutes les hospitalisations). En semaine 01, la grippe représentait 22 % des passages aux urgences ayant conduit à une hospitalisation, un taux qui atteint 54 % chez les 65 ans et plus. Les données virologiques révèlent une majorité de virus de type A, notamment A(H1N1)pdm09, mais les virus B/Victoria et A(H3N2) circulent également.
La dynamique épidémique s’observe à différents niveaux selon les régions. En Outre-mer, la Guadeloupe et la Martinique sont en phase épidémique, tandis que Mayotte et la Guyane restent en pré-épidémie. Sur le plan national, les évaluations préliminaires indiquent que les souches présentes sont alignées avec celles du vaccin 2024-2025, bien que des données complémentaires soient attendues pour préciser son efficacité.
Cette activité soutenue de la grippe a également entraîné une augmentation des cas groupés dans les établissements médico-sociaux, notamment dans les Ehpad, où 52 % des épisodes recensés étaient attribués à ce virus.
Selon Emmanuel Maupu, médecin généraliste à Honfleur (Calvados) qui s'exprime dans lemonde.fr, les formes graves de la grippe observées cette année sont inhabituelles par rapport aux saisons précédentes. Il évoque une grippe A particulièrement virulente, présentant des symptômes sévères, y compris chez des personnes vaccinées. Les patients décrivent une maladie très symptomatique, marquée par une fièvre atteignant 40 °C et un épuisement persistant pendant plusieurs jours. Chez les jeunes, ces symptômes sont souvent intenses, tandis que chez les personnes âgées, des cas graves nécessitant une hospitalisation sont fréquemment associés à des surinfections bronchiques ou des détresses respiratoires.
Anne Launay, responsable du secrétariat général du centre hospitalier de Lisieux (Calvados), souligne également la gravité de la situation. Elle indique que des patients de moins de 60 ans, un profil inhabituel, ont été admis en réanimation pour grippe. Face à l’afflux de cas, une unité spéciale de dix lits dédiée aux patients grippés a été ouverte dès le 31 décembre 2024 pour désengorger les urgences. Les personnes les plus vulnérables face à ce virus restent principalement les plus de 65 ans, chez qui la grippe exacerbe souvent des maladies chroniques respiratoires ou des insuffisances cardiaques.
35 hopitaux activent le plan blanc
Dans les Vosges, les hôpitaux d’Épinal, Remiremont et ceux du groupement hospitalier de l’Ouest vosgien (Vittel et Neufchâteau) ont été parmi les premiers à déclencher le plan blanc. En Bretagne, la situation est tout aussi critique : le CHU de Rennes, les hôpitaux de Saint-Malo, Fougères et Saint-Brieuc, ainsi que le Groupement Hospitalier Rance Emeraude (Dinan, Saint-Malo et Cancale) ont également activé ce dispositif.
En Nouvelle-Aquitaine, l’hôpital Saint-Louis de La Rochelle a dû prendre des mesures similaires. Dans le Grand Est, le CHU de Reims a renforcé ses capacités pour gérer l’afflux de patients aux urgences. Enfin, en Auvergne-Rhône-Alpes, le centre hospitalier Pierre Oudot à Bourgoin-Jallieu et celui de Lucien Hussel à Vienne ont également déclenché leur plan blanc. Ce dernier a toutefois pu lever la mesure après une accalmie temporaire.
Avec près de 450 passages quotidiens en moyenne depuis une semaine, les services des urgences adultes de Purpan et Rangueil (CHU de Toulouse) font face à une augmentation significative de leur activité (+15 % par rapport à l'année dernière). Parmi les patients accueillis, 60 à 80 sont des personnes âgées de plus de 75 ans nécessitant, pour la plupart, une hospitalisation.
À l’échelle nationale, au moins 35 hôpitaux avaient activé leur plan blanc au 8 janvier 2025. Cette vague épidémique met en lumière la fragilité du système hospitalier face à des pics d’activité imprévus. Alors que la grippe continue de se propager rapidement, d’autres établissements pourraient être contraints d’adopter des mesures similaires dans les jours à venir.
Une mortalité en hausse ?
La grippe a été mentionnée comme cause dans 6,0 % des décès enregistrés par certificat électronique, soit une augmentation par rapport aux 3,9 % observés en semaine 52. Cette proportion dépasse les pics des deux saisons hivernales précédentes, qui étaient de 4,5 % en 2022-2023 et 4,0 % en 2023-2024. Parmi les décès attribués à la grippe, 92 % concernent des personnes âgées de 65 ans et plus, soulignant la vulnérabilité accrue de cette population face à l'épidémie.
Bronchiolite et COVID-19 : évolutions contrastées
Les indicateurs de la bronchiolite montrent une diminution pour la troisième semaine consécutive, reflétant un recul de l’épidémie après un pic observé en semaine 50. En semaine 01, 3 185 passages aux urgences pour bronchiolite ont été rapportés chez les enfants de moins de 2 ans, dont 1 023 hospitalisations (32,1 %), avec une proportion de 26,8 % d'hospitalisations après passage aux urgences dans cette tranche d'âge (contre 27,9 % la semaine précédente). Cependant, la pathologie continue d’affecter les jeunes enfants : 11 % des passages aux urgences pour les moins de 2 ans sont liés à la bronchiolite, et 27 % des hospitalisations dans cette tranche d’âge concernent des cas graves. Depuis septembre 2024, plus de 300 cas graves ont été signalés en réanimation pédiatrique, majoritairement causés par le virus respiratoire syncytial (VRS).
Du côté de la COVID-19, la situation reste stable avec des niveaux d’activité faibles. En milieu hospitalier, la proportion des passages pour COVID-19 est de 0,3 %, stable par rapport à la semaine précédente, avec un taux de positivé de 4,4 %. La surveillance des eaux usées montre également une tendance générale à la baisse, confirmant la faible circulation virale. Seulement 0,5 % des actes SOS Médecins concernaient des suspicions de COVID-19 en semaine 01 (contre 0,6 % la semaine précédente). En semaine 01, le taux d'incidence des cas confirmés de COVID-19 était estimé à 12 pour 100 000 habitants, contre 9 pour 100 000 en semaine 52. Le taux de positivé des tests en milieu hospitalier s’établit à 4,4 %, tandis que les indicateurs de surveillance des eaux usées montrent une légère baisse. En semaine 01, seulement 0,3 % des passages aux urgences étaient attribués à des suspicions de COVID-19.
Recommandations sanitaires : miser sur la prévention
Les autorités de santé rappellent l’importance de la vaccination pour prévenir les formes graves des infections respiratoires. Actuellement, 79 % des cas graves de grippe et 92 % des cas graves de COVID-19 signalés n'étaient pas vaccinés. Les campagnes de vaccination contre la grippe et la COVID-19, démarrées en octobre 2024, ciblent les populations à risque, notamment les personnes âgées, les immunodéprimés, les femmes enceintes et les nourrissons.
Emmanuel Piednoir, infectiologue à l'hôpital de Granville et professeur à l’université de Caen, alerte « sur une épidémie de grippe particulièrement virulente cette année. On constate, une augmentation marquée du nombre de cas ainsi que des formes plus sévères de la maladie, entraînant davantage de complications. Bien que l'efficacité du vaccin puisse varier selon les saisons et les souches qui circulent, il reste un outil essentiel pour prévenir les formes graves de la grippe. La propagation actuelle pourrait s'expliquer par une baisse de l'immunité collective après plusieurs saisons marquées par des mesures sanitaires strictes liées au Covid-19. Il est encore temps de se vacciner !Il faut se vacciner, même en cours de saison, afin de limiter la gravité des symptômes et la propagation du virus. »
Pour les infections à VRS, deux options de prévention sont disponibles pour les nourrissons : la vaccination des femmes enceintes avec le vaccin Abrysvo® ou l’immunisation passive par anticorps monoclonal (nirsevimab ou palivizumab). Depuis janvier 2025, ces stratégies ont été élargies à l’ensemble des nouveau-nés dans les régions prioritaires.
En complément des vaccinations, les gestes barrières restent essentiels pour limiter la propagation des virus hivernaux. Par exemple, le lavage des mains régulier, l’aération des pièces au moins 10 minutes plusieurs fois par jour et le port du masque en cas de symptômes (toux, fièvre ou mal de gorge) sont fortement recommandés. Ces mesures simples mais efficaces permettent de protéger les plus fragiles et de réduire la pression sur le système de santé.
(Source : Bulletin Infections Respiratoires Aiguës, Santé publique France, semaine 01, 2025)
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