Boissons sucrées : un cocktail mortel pour la santé mondiale

Boissons sucrées : un cocktail mortel pour la santé mondiale Une étude publiée dans Nature Medicine met en lumière les conséquences désastreuses des boissons sucrées sur la santé mondiale. Avec des millions de nouveaux cas de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires chaque année, ces produits apparaissent comme une menace majeure pour la santé publique, notamment dans les pays en développement.

2,2 millions de cas de diabète et 1,2 million de maladies cardiaques : l'addition amère des boissons sucrées

Une étude de l’Université Tufts, publiée en janvier 2025, estime que 2,2 millions de nouveaux cas de diabète de type 2 (DT2) et 1,2 million de cas de maladies cardiovasculaires (MCV) sont directement attribuables à la consommation mondiale de boissons sucrées chaque année. Ces chiffres représentent respectivement 9,8 % et 3,1 % de tous les cas mondiaux de ces pathologies. « Les boissons sucrées sont massivement consommées, notamment dans les pays à revenus faibles et intermédiaires, qui sont souvent mal équipés pour gérer les conséquences à long terme de ces maladies », explique Dariush Mozaffarian, auteur principal de l’étude et directeur de l’Institut Food is Medicine au Friedman School of Nutrition Science and Policy.

Les régions les plus touchées incluent l’Afrique subsaharienne, où les boissons sucrées contribuent à plus de 21 % des nouveaux cas de diabète, et l’Amérique latine et les Caraïbes, où cette proportion atteint près de 24 %. Dans ces régions, les cas de maladies cardiovasculaires liés aux boissons sucrées représentent respectivement 10,5 % et 11,3 %. « En Colombie, par exemple, près de 48 % des nouveaux cas de diabète sont attribués à la consommation de boissons sucrées. Ce pourcentage est de 30 % au Mexique et de 27,6 % en Afrique du Sud », précisent les auteurs de l’étude.

 

Boissons sucrées : un cocktail mortel pour la santé mondiale a, b : Incidence absolue de diabète de type 2 (DT2) attribuable aux boissons sucrées (a) et incidence absolue de maladies cardiovasculaires (MCV) attribuables aux boissons sucrées (b). 

Ces boissons, souvent bon marchées et massivement commercialisées, sont rapidement digérées, provoquant des pics de glycémie avec peu de valeur nutritionnelle. Une consommation régulière contribue à la prise de poids, à la résistance à l’insuline et à divers troubles métaboliques associés au diabète et aux maladies cardiovasculaires. « Nous avons besoin d’interventions basées sur des preuves scientifiques pour réduire la consommation mondiale de ces produits avant que davantage de vies ne soient raccourcies par leurs effets », alerte Laura Lara-Castor, première auteure de l’étude et chercheuse à l’Université de Washington, souligne que cette situation illustre une crise sanitaire mondiale qui nécessite des actions immédiates et concertées. Elle affirme que des mesures globales et ciblées sont essentielles pour inverser la tendance croissante de ces pathologies liées à une consommation excessive de boissons sucrées.

Des réponses politiques face à une crise sanitaire

Certains pays, comme le Mexique, ont pris des mesures concrètes pour limiter la consommation de boissons sucrées, offrant des exemples instructifs pour d'autres nations. Le Mexique a instauré une taxe sur ces produits en 2014, réduisant la consommation de 5,5 % dès la première année selon les évaluations officielles. Les premiers résultats montrent une diminution significative de la consommation, en particulier chez les ménages à faibles revenus, qui sont les plus touchés par les conséquences sanitaires des boissons sucrées. Cependant, les efforts sont souvent freinés par une industrie puissante qui utilise des stratégies de marketing agressives pour contourner ces mesures. En Colombie, une tentative de taxer les boissons sucrées en 2016 a échoué face à l’opposition des industriels, bien qu’une nouvelle taxe ait été adoptée en 2022.

En Afrique subsaharienne, la consommation de boissons sucrées a connu une progression rapide, alimentée par l’urbanisation et l’adoption de régimes alimentaires occidentaux. Malgré cette tendance, les politiques publiques ciblées restent très limitées. Selon les auteurs, cela s’explique en partie par un manque de données crédibles et l’opposition de l’industrie. « La transition nutritionnelle vers des régimes alimentaires occidentaux est déjà bien avancée dans de nombreuses régions, ce qui nécessite une action urgente en matière de politiques publiques », souligne Mozaffarian.

Des mesures efficaces pourraient inclure des taxes élevées, un étiquetage clair des produits, des restrictions sur la publicité et des campagnes de sensibilisation. « Il est également important d’améliorer l’accès à l’eau potable, car dans certaines régions, la consommation de boissons sucrées est en partie due à un manque d’alternatives saines », ajoutent les chercheurs.

Vers une coordination internationale pour réduire les boissons sucrées

Pour lutter efficacement contre le fléau des boissons sucrées, une approche globale et coordonnée est indispensable. Cela inclut des efforts internationaux pour réguler l’industrie, encourager la reformulation des produits et promouvoir des alternatives saines. Les auteurs insistent sur l’importance de cibler les jeunes adultes et les populations urbaines, qui sont les plus touchés par ces pathologies.

En conclusion, la réduction de la consommation de boissons sucrées est une priorité pour améliorer la santé publique mondiale. Des politiques ambitieuses, adaptées aux contextes locaux, et un engagement accru des gouvernements et des organisations de santé sont essentiels pour inverser cette tendance et réduire les maladies associées à ces produits.

 

Méthodologie et design de l'étude


Cette étude repose sur un design étendu et une modélisation rigoureuse des données alimentaires et sanitaires. Les chercheurs ont combiné des données provenant de 450 enquêtes alimentaires individuelles couvrant 118 pays, représentant près de 87 % de la population mondiale. Les chercheurs ont utilisé la base de données mondiale sur l'alimentation (Global Dietary Database), qui regroupe les habitudes alimentaires de 118 pays. L'impact des boissons sucrées a été mesuré en combinant des données individuelles sur la consommation, des analyses épidémiologiques et des modélisations probabilistes.

Les charges attribuables aux boissons sucrées, exprimées par million d'adultes, ont été calculées en divisant le nombre de cas attribués à ces produits par la population adulte. Les chercheurs ont ensuite appliqué une extrapolation à l'échelle mondiale tout en intégrant des ajustements démographiques : âge, sexe, éducation et lieu de résidence (urbain/rural). Le modèle développé inclut également des méthodes probabilistes avancées, comme les simulations Monte Carlo, pour fournir des estimations précises avec des intervalles de confiance robustes. Les résultats offrent ainsi une vue d'ensemble des impacts sanitaires, régionaux et démographiques de la consommation de ces produits.

Limites de l'étude

  1. Représentativité des données :
    Bien que l’étude s’appuie sur des enquêtes couvrant 118 pays, certains pays à faible revenu restent sous-représentés, ce qui peut introduire des biais dans l’estimation des impacts régionaux.

  2. Données alimentaires spécifiques :
    Les enquêtes alimentaires utilisées ne prennent pas en compte toutes les formes de consommation, comme les boissons sucrées artisanales ou les thés sucrés populaires dans certaines régions, ce qui peut sous-estimer les charges attribuables.

  3. Effets indirects non mesurés :
    L'étude se concentre sur le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires, mais d'autres conséquences des boissons sucrées, comme les caries dentaires ou l’obésité infantile, n’ont pas été incluses.

  4. Modélisation statistique :
    Les estimations reposent sur des modèles probabilistes, qui bien qu’issus de données robustes, ne peuvent exclure des incertitudes méthodologiques ou des marges d'erreur dues à des variables non mesurées.

  5. Limites temporelles :
    Les changements dans les habitudes alimentaires ou l’impact des politiques récentes pourraient ne pas être reflétés intégralement dans les données utilisées, certaines remontant à plusieurs années.

Lara-Castor, L., O’Hearn, M., Cudhea, F. et al. Burdens of type 2 diabetes and cardiovascular disease attributable to sugar-sweetened beverages in 184 countries. Nat Med (2025). https://doi.org/10.1038/s41591-024-03345-4

 

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