Les revenus des professions libérales de santé plombés par un effet ciseaux dévastateur
L’Union Nationale des Associations Agréées a dévoilé son rapport annuel sur les revenus des professions libérales, basé sur les données recueillies auprès de 74 associations agréées membres. L’année 2022 se révèle probablement comme une des pires pour les professionnels de santé qui exercent en libéral : les recettes stagnent sous l’effet du carcan conventionnel, les charges explosent dans un contexte d’inflation forte et les bénéfices comptables sont logiquement en net recul.
Le volume d’activité stagne, les charges explosent, les revenus avant impôts chutent
Les 15 299 médecins généralistes dont les revenus ont été passés au crible ont vu leurs recettes diminuer de 0,6 % en 2022 pour se positionner en moyenne à 161 911 €. Si le volume d’activité stagne avec des tarifs stables, c’est peut-être que les médecins n’ont peut-être plus les ressources humaines de travailler plus alors que la demande de soins continue de croitre sous l’effet de la baisse de la démographie médicale et du vieillissement de la population. Rappelons à ce titre que la moitié des médecins libéraux présentent des signes de burnout.
« J'ai l'impression qu'on a atteint une sorte de plafond d'activité. Un médecin qui travaille déjà plus de 12 heures par jour ne peut pas exercer 14 heures », commente Béchir Chebbah pour le Quotidien du Médecin
Avec 90 141 € en moyenne, les revenus avant impôts des médecins généralistes sont donc en baisse de 7,0 % par rapport à 2021 et retrouve leur niveau de 2020. Cette chute brutale s’explique par une forte augmentation des charges ( 6,1% des charges externes, 17.8% d’Impôts et Taxe et 18,1% pour les frais de personnel)
Contexte inflationniste d’un côté, carcan conventionnel de l’autre, les revenus des médecins généralistes semblent donc contraints par un effet ciseaux redoutable que l’on retrouve peu ou prou pour toutes les professions libérales de santé. La seule marge de manœuvre qui peut leur rester et qui peut différencier les évolutions d’une profession à l’autre est leur capacité à prendre en charge plus de patients pour augmenter leur volume d’activité.
Les médecins remplaçants font probablement partie de ceux-là. Malgré une augmentation de 3,8 % de leurs recettes, ils ont néanmoins subi une baisse de leurs bénéfices de 3,0 %, avec un bénéfice net de 62 674 €. Les dentistes ont connu une évolution similaire avec des recettes en hausse de 3,6 %, mais des bénéfices en chute de 2,6 %. Que penser des pédicures / podologues qui ont vu leur recette augmenter de 5,9 % et leur bénéfice diminuer de 5% sous l’effet d’une augmentation de leurs charges externe de 12.9%.
Les cardiologues et les psychiatres ont connu une légère augmentation de leurs recettes en 2022, de 0,1 % et 1,2 % respectivement. Cependant, leurs bénéfices ont diminué, avec une baisse de 5,2 % pour les cardiologues et de 3,6 % pour les psychiatres. Les sages-femmes, malgré une augmentation de 1,2 % de leurs recettes, ont vu leurs bénéfices diminuer de 2,9 %.
Les kinésithérapeutes et les infirmiers sont plus dans la situation des médecins généralistes : leur activité stagne, leurs charges explosent, leurs bénéfices diminuent. Les kinésithérapeutes ont connu la plus forte baisse de bénéfices, avec une diminution de 10,6 %. Les infirmiers ont vu leurs recettes diminuer de 1,5 % et leurs bénéfices de 7,3 %.
Notons enfin que la situation financière des ostéopathes bien que libres de fixer leur tarif est peu reluisante. En dépit d’une hausse d’activité de 3.2%, leur bénéfice a chuté de plus de 10%.
Profession |
Montant net des recettes 2022 |
Bénéfice 2022 |
Variation des recettes vs 2021 |
Variation des bénéfices vs 2021 |
Médecin généraliste |
161 911 € |
90 141 € |
-0.6 % |
-7.0% |
Médecin remplaçant |
107 609 € |
62 674 € |
3.8 % |
-3.0% |
Cardiologue |
239 528 € |
123 235 € |
0.1% |
-5.2% |
Psychiatre |
133 215 € |
70 176 € |
1.2% |
-3.6% |
Dentiste |
284 604 € |
98 731 € |
3.6% |
-2.6% |
Kinésithérapeute |
78 350 € |
37 881 € |
0.5 % |
-10.6% |
Pédicure |
71 405 € |
27 553 € |
5.9 % |
-5.0% |
Infirmier |
83 580 € |
45 570 € |
-1.5% |
-7.3% |
Sage -Femme |
64 877 € |
29 267 € |
1.2% |
-2.9% |
Infirmier remplaçant |
69 716 € |
38 912 € |
1.0% |
-6.2% |
Orthophoniste |
56 712 € |
27 550 € |
0.7% |
-11.8% |
Orthoptiste |
62 549 € |
29 724 € |
0.7% |
-11.6% |
Ostéopathe |
58 448 € |
23 641 € |
3.2% |
-10,2% |
Psychologue |
47 045 € |
18 695 € |
-0.8 % |
- 17.5% |
La situation critique révélée par ce rapport souligne la nécessité d'un soutien accru et de nouvelles approches pour garantir la stabilité et la viabilité économique des professions de santé libérales. La recherche de solutions sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques des professions libérales devient une nécessité face à l'impact de l'inflation sur leur activité. Une piste envisagée il y a quelques mois par l'UNAPL pourrait être l'instauration de clauses de revoyure annuelles. D'autres stratégies, telles qu'un soutien dédié pour les professions les plus affectées, ou la révision automatique des tarifs conventionnels alignés sur le taux d'inflation, méritent également d'être considérées.
Un chantier urgent que le nouveau ministre de la santé Aurélien Rousseau pourrait peut être prendre à bras le corps.
Crédit photo : DepositPhotos
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