Une étude européenne confirme les troubles de l’odorat et du goût comme symptômes du COVID-19
L’étude qui porte sur 1420 patients européens permet de classifier l’anosmie et la dysgueusie comme symptômes du COVID-19 dans ses formes non sévères. Les femmes sont plus touchées que les hommes et les patients européens présentent des signes cliniques différents des patients chinois.
Depuis le début de la pandémie en Europe, les médecins et notamment les spécialistes en ORL (nez, gorge, oreilles) étudient les symptômes d’anosmie (perte partielle ou totale de l’odorat) et de dysgueusie (perte partielle ou totale du goût) liés au Covid19.
Alors qu’une étude préliminaire — coordonnée par le Dr Jérôme Lechien du service ORL de l’hôpital Foch et le Pr Sven Saussez, ORL et chercheur à l’université de Mons — a déjà été dévoilée début avril, les deux experts délivrent aujourd’hui les résultats complets d’une nouvelle étude enrichie. Le même groupe de spécialistes ORL de l’IFOS (la fédération internationale des sociétés d’ORL) a enrichi son étude clinique et épidémiologique menée du 22 mars au 10 avril 2020 chez des patients atteints d’une infection légère ou modérée au COVID-19. Plus de 50 médecins ORL et chercheurs de 18 hôpitaux européens ont analysé les résultats de 1420 patients (vs 417 pour l’étude préliminaire).
Ils ont notamment observé que les patients infectés par le coronavirus (COVID-19) présentaient des signes cliniques différents de ceux rapportés par les auteurs chinois.
Quels étaient les résultats et les recommandations de l’étude préliminaire ?
- Les troubles de l’odorat survenaient soit avant l’apparition des symptômes (généraux et ORL) (dans 12 % des cas), soit pendant (65 % des cas) ou soit après (23 % des cas).
- De manière surprenante, les femmes étaient nettement plus atteintes par cette anosmie.
- Quasiment la moitié des patients récupéraient leur odorat dans un délai court de 15 jours.
Que démontre cette nouvelle étude ?
Il s’agit de la première étude européenne épidémiologique (1) réalisée sur 1420 patients présentant une forme non sévère d’infection à COVID-19 (infection prouvée par un test PCR). Parmi ces patients, 962 étaient des femmes (67,7 %) et 459 des hommes (32,3 %). L’âge moyen était de 39 /— 12 ans.
Les symptômes les plus couramment observés sont les céphalées (70,3 %), la perte de l’odorat (70,2 %), l’obstruction nasale (67,8 %), la toux (63,2 %), l’asthénie (63,3 %), les myalgies (62,5 %), la rhinorrhée (60,1 %), la dysfonction gustative (54,2 %), les maux de gorge (52,9 %). La fièvre a quant à elle été signalée par 45,4 % des patients.
La durée moyenne des symptômes est de 11 /— 5 jours.
La prévalence des symptômes varie bien selon l’âge et le sexe. Les patients jeunes présentent plus souvent des troubles ORL (oreille, du nez et de la gorge) tandis que les patients âgés présentent souvent de la fièvre, de la fatigue et une perte d’appétit.
Les hommes souffrent plus fréquemment de toux et de fièvre. La perte d’odorat, les maux de tête, l’obstruction nasale et la fatigue sont plus fréquents chez les femmes.
La perte d’odorat était un symptôme clé chez les patients atteints de Covid-19 légère à modérée et n’était pas associée ni à une obstruction nasale ni à une rhinorrhée comme nous l’avions montré dans notre première étude (2).
Les chercheurs considèrent donc que l’anosmie est un symptôme spécifique de l’infection à COVID-19. Ce signe clinique a d’ailleurs été ajouté récemment à la liste des autres symptômes par l’OMS.
Quelles sont les déductions des chercheurs ORL ?
- Les symptômes des patients européens sont différents de ceux des patients chinois.
Les différentes publications chinoises rapportaient que les patients COVID-19 souffraient de fièvre, de toux et de dyspnée.
Plusieurs hypothèses sont aujourd’hui possibles pour expliquer les différences de symptômes entre les patients asiatiques et les patients européens :
- La majorité des patients chinois étaient hospitalisés avec des formes d’infection plus sévère. À ce titre, aucune étude chinoise n’a rapporté une cohorte de patients avec une forme non sévère d’infection à COVID-19 ;
- Les possibles mutations génétiques du virus pourraient être à l’origine de symptômes différents
- Le polymorphisme bien établi dans l’expression de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) dans les tissus humains peut également expliquer les différences cliniques. À ce titre, une étude récente suggère différents polymorphismes ACE2 et niveaux d’expression entre les populations asiatiques et européennes.
- La présentation clinique semble être influencée par le sexe.
Nos données pourraient corroborer les recherches démontrant les différences entre les hommes et les femmes dans la réponse immunitaire à l’infection à Covid-19 et aux maladies inflammatoires. Ainsi, il semble que les femmes, par rapport aux hommes, sont moins susceptibles d’avoir des complications liées aux infections virales fondées sur une immunité innée différente, des hormones stéroïdiennes et des facteurs liés aux chromosomes X. Précisément, les gènes régulateurs immunitaires codés par le chromosome X féminin peuvent entraîner des niveaux de charge virale plus faibles et, par conséquent, moins d’inflammation par rapport aux patients de sexe masculin.
- Une piste du côté du système nerveux central est à explorer pour expliquer l’anosmie.
L’inflammation nasale et l’obstruction associée ne sont pas les seuls facteurs étiologiques à l’origine du dysfonctionnement olfactif. La capacité du COVID-19 à envahir le bulbe olfactif et, par conséquent, le système nerveux central est probablement une piste.
Les troubles olfactifs et gustatifs pourraient être liés au potentiel neuro invasif du COVID-19, qui peut être plus répandu chez les patients européens (que les patients Chinois) en raison de l’expression plus élevée de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) dans la muqueuse nasale. À ce titre, les publications chinoises ne rapportaient que 5 % de troubles de l’odorat et du goût.
Études complètes :
- Lechien JR et al. Clinical and Epidemiological Characteristics of 1,420 European Patients with mild-to-moderate Coronavirus Disease 2019.J Intern Med. 2020 Apr 30. doi : 10.1111/joim.13089.
- Lechien JR et al. Olfactory and Gustatory Dysfunctions as a Clinical Presentation of Mild to Moderate forms of the Coronavirus Disease (COVID-19): A Multicenter European Study.Eur Arch Otorhinolaryngol. 2020 Apr 6. doi : 10,100 7/s00405-020-05965-1.
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