Reprise des activités chirurgicales hors covid-19 : les chirurgiens veulent se libérer de l’emprise bureaucratique
Le Bloc, premier syndicat des chirurgiens et le Syndicat National des Gynécologues et Obstétriciens (SYNGOF) demandent dans un communiqué la levée du plan blanc élargi et la reprise des activités chirurgicales hors Covid-19 en toute autonomie et en dehors de toute astreinte ou contrainte administrative des Agences régionales de Santé (ARS) ou des directions hospitalières. Si l’on se fie aux déclarations, de la directrice générale de l’offre de soins (DGOS) Katia Julienne à l’Assemblée nationale, les autorités de tutelle ne l’entendent pas ainsi et compte bien garder la main sur cette reprise d’activité hors covid-19.
Après 5 semaines de confinement les chirurgiens rappellent que « de nombreuses pathologies continuent d’évoluer mettant en danger les patients et imposent une réévaluation médicochirurgicale de chaque situation ».
Pour le bloc l’enjeu est très clair. Il s’agit avant tout de ne pas aggraver le bilan provisoire de l’épidémie COVID-19 par une morbi-mortalité due à des retards diagnostiques ou thérapeutiques dans les autres pathologies, en particulier les maladies chroniques et les affections de longue durée.
Pas d’ingérences administratives
Les chirurgiens fixent au rang de nécessité absolue la réévaluation des indications opératoires en précisant qu’il s’agit d’une prérogative exclusive du chirurgien et de l’anesthésiste.
« Ce ne sont ni aux agences régionales de santé ni aux directeurs d’établissements de définir les besoins médicaux des patients, et de fixer les indications opératoires. »
Les syndicats appellent donc les équipes opératoires de France à une reprise raisonnée et sécurisée des activités médicochirurgicales :
– dans le respect strict de filières COVID et COVID —, nécessitant des moyens matériels et humains spécifiques
– en garantissant toute sécurité nosocomiale pour les patients
– en proposant un dépistage virologique des patients les plus à risque ainsi que des soignants
– en garantissant la protection sans faille des équipes soignantes
– en garantissant la réversibilité rapide de toute programmation
– en respectant les capacités et les moyens des services de réanimation
– et en portant une attention particulière aux patients les plus à risque (obésité, diabète, pathologies cardio-respiratoires…).
« Cette stratégie sanitaire reposant sur des critères médicaux précis pourra être malheureusement mise en difficulté par l’insupportable pénurie de moyens, gérée de façon étatique. »
Pénurie d’hypnotiques et de curares
Car une nouvelle pénurie menace très sérieusement la reprise des activités médicochirurgicales : celles de deux hypnotiques (midazolam, propofol) et de trois curares (atracurium, cisatracurium, rocuronium) largement utilisés dans les services de réanimation des patients COVID-19. Une note du ministère évoquerait des « tensions d’approvisionnement extrêmement fortes » selon l’AFP.
À tel point qu’à compter du 27 avril, l’état aura le monopole sur l’achat de ces médicaments et sera le seul à gérer l’approvisionnement des établissements. Un plan de répartition des stocks serait alors arrêté tous les lundis matin par les ARS en concertation avec l’ANSM et les livraisons se feraient avant vendredi midi pour chaque établissement concerné.
Si l’on prend en considération les multiples ratés de l’organisation logistique de la fourniture de masques en France, confier à l’état la logistique des médicaments les plus en tensions a de quoi donner des sueurs froides a un grand nombre de chirurgiens et de patients.
Le ministère appelle d’ailleurs les services à se rationner autant que faire se peut. « Il est impératif que chaque service mette en œuvre dès à présent des mesures d’épargne de doses des médicaments concernés et ait recours à des alternatives thérapeutiques ».
Une reprise extrêmement prudente et extrêmement modérée pour la DGOS
La directrice générale de l’offre de soins (DGOS) Katia Julienne était auditionnée le 26 avril à l’Assemblée nationale. Si pour elle les conditions d’une reprise des activités chirurgicales hors COVID-19 sont réunies, elle entend garder une main ferme sur le curseur de cette reprise afin de garantir l’approvisionnement des unités covid en médicament et la réservisibilité de leurs moyens opérationnels en cas de résurgence de l’épidémie.
« La stabilisation et la décroissance progressive des patients en réanimation ainsi que la question de la perte de chance pour les malades, que ce soit à l’hôpital ou en ville, ont conduit à relancer de manière extrêmement prudente et extrêmement modérée l’activité, y compris au sein des établissements de santé »
Un communiqué de la DGOS daté du 23 avril semble par ailleurs déléguer aux ARS l’organisation pratique de cette reprise d’activité
« Dans chaque territoire, afin de concilier la poursuite des soins et le maintien des consignes de déprogrammation, une organisation sera mise en place sous la supervision des agences régionales de santé (ARS), en lien avec les professionnels libéraux et hospitaliers (publics comme privés) autour de 3 axes :
- maintenir des capacités de réanimation à un niveau élevé tout en garantissant leur redimensionnement rapide au regard des besoins constatés et de l’urgence potentielle de la situation
- contacter les patients non infectés par le Covid-19 ayant vu leur prise en charge ajournée (et la reprogrammer si nécessaire) ou atteints d’une maladie chronique nécessitant un suivi régulier pour prévenir les pertes de chance et organiser la chaîne de soins, y compris par téléconsultation
- soutenir la reprise, en cabinet, maison et centre de santé ainsi qu’en établissement hospitalier, des consultations, diagnostics et dépistages pour réduire le renoncement aux soins et les pertes de chance. Là aussi, le recours massif à la télémédecine, prise en charge à 100 % par l’assurance maladie durant l’épidémie, doit être encouragé.
Ces lignes directrices seront revues en fonction de l’évolution de l’épidémie et des premières préconisations du dispositif de préparation au déconfinement. »
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