Bronchiolite du nourrisson : les recommandations de la HAS font débat
Les recommandations de la HAS sur la prise en charge du premier épisode de bronchiolite aiguë chez le nourrisson de moins de 12 mois ne font pas l’unanimité particulièrement en médecine ambulatoire. Les représentants de la profession de Kinésithérapeute sont les premiers à tousser face à ce qu’ils considèrent comme une interprétation erronée des conclusions du rapport de la HAS, notamment des médias. Ils regrettent également le manque de place accordé à la profession de kinésithérapeute dans ces recommandations, ainsi qu’aux usagers.
En France, mais aussi en Belgique et en Suisse, il est fréquent que le médecin qui diagnostique un cas de bronchiolite chez un nourrisson prescrive des séances de kinésithérapie respiratoire afin de désencombrer les bronches, d’améliorer le confort des enfants et de minimiser les risques en attendant la guérison spontanée.
En dépit de l’absence d’évaluation scientifique, cette pratique était justifiée en ces termes dans les recommandations sur la prise en charge de la bronchiolite publiée en septembre 2000 avec un niveau de preuve de grade C.
« l’indication de la kinésithérapie respiratoire dans les bronchiolites aiguës du nourrisson est basée sur la constatation de l’amélioration clinique franche qu’elle entraîne et repose sur un avis d’experts ».
Pour autant, la kinésithérapie respiratoire a progressivement été écartée des recommandations officielles dans de nombreux pays : États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Italie, Nouvelle-Zélande.
En France, en 2012, la revue Prescrire juge sa balance bénéfice-risque « défavorable ». Elle base son avis sur les résultats d’une synthèse de la revue Cochrane Library qui a analysé les cas de 891 enfants hospitalisés pour bronchiolite et qui n’a constaté aucune amélioration des techniques de kiné respiratoire ni sur l’évolution clinique des nourrissons ni sur la durée de leur maladie et de leur hospitalisation.
Dans le Figaro, Marik Fetouh, kinésithérapeute et responsable du réseau respiratoire d’Aquitaine nuançait les résultats de cette étude : « On sait depuis 2010 que la kinésithérapie respiratoire ne réduit pas le délai de guérison des bébés hospitalisés pour des bronchiolites sévères. De fait, le but de cette méthode n’est pas de guérir plus vite, mais d’améliorer la tolérance de l’épisode. Nous n’agissons que sur les symptômes, à savoir l’alimentation, le sommeil et le bien-être de l’enfant. »
La HAS a également basé ses nouvelles recommandations sur les résultats de cette étude sans pour autant parvenir à un consensus.
« À la différence des autres items examinés lors des travaux, les indications de la kinésithérapie respiratoire de désencombrement bronchique dans la prise en charge de la bronchiolite aiguë du nourrisson de moins de 12 mois n’ont pu faire l’objet d’un consensus au sein du groupe de travail. »
En dépit des débats internes, la HAS a fini par conclure ainsi :
« L’augmentation du flux expiratoire (AFE), n’est pas efficace dans la prise en charge des nourrissons hospitalisés pour une bronchiolite aiguë. N’ayant pas fait la preuve de son efficacité pour les formes de bronchiolites traitées en ambulatoire non plus, elle n’est donc pas recommandée » HAS
Cette formulation suscite des critiques à peine voilées du Collège de la Masso-Kinésithérapie (CMK) dans son avis rendu le 21/11 sur la recommandation de la HAS.
« Le CMK déplore que certaines questions soumises aux experts du Groupe de Lecture n’aient pas été reprises dans le texte, ou aient vu leur libellé modifié, les recommandations proposées ne correspondant plus à la question posée. Ceci rend une vision troublée du rôle impartial et de la rigueur attendus d’une institution telle que la HAS. »
« En général, la formulation de la HAS en l’absence de preuve ou dans le cadre de l’absence de consensus, est prudente et se traduit par “ option thérapeutique ” ou “ possible recours ”, formules non retrouvées dans ces nouvelles recommandations. »
« Nous notons également que la plupart des études présentées en kinésithérapie respiratoire sont hospitalières et ne sont pas transposables en ambulatoire, ce qui serait une grossière faute méthodologique. En effet, extrapoler les résultats d’une population hospitalisée, donc plus grave représentant environ 3 % des patients atteints de bronchiolite auprès des 97 % restants en ambulatoire est une erreur fondamentale en terme de santé publique.
Aujourd’hui, aucune étude ne montre l’intérêt de la kinésithérapie respiratoire chez le nourrisson de moins de 12 mois, mais aucune étude non plus ne permet de l’exclure des pratiques de ville.
Le CMK ne valide pas la réduction de la kinésithérapie respiratoire au seul désencombrement et à une seule technique, ici l’AFE. Ceci revient à occulter les autres techniques, et en particulier les techniques expiratoires lentes ou prolongées ELPr, ou aux techniques manuelles ou instrumentales permettant une meilleure ventilation distale.»
La Fédération française des masseurs, kinésithérapeutes et rééducateurs, a tenu également à défendre de façon plus générale la place du kinésithérapeute dans la prise en charge des bronchiolites. « Si, pour les 3 % d’enfants hospitalisés, la kinésithérapie ne diminue pas le temps d’hospitalisation, pour les 97 % des 460 000 enfants atteints de bronchiolite, le rôle du kinésithérapeute est essentiel.
Pour beaucoup de kinésithérapeutes, la position de la HAS sur la place des techniques de kinésithérapie respiratoire dans la prise en charge du premier épisode de bronchiolite aiguë devrait être résumée ainsi :
— Le plus important est désencombrer le nez et la gorge pour faciliter la respiration du nourrisson. La HAS ne recommande pas pour cela les techniques d’aspiration nasopharyngées.
— Les anciennes techniques de désencombrement bronchique (vibration, clapping et drainage postural) sont désormais clairement contre-indiquées et ne doivent en aucun cas être utilisées.
— les autres techniques de désencombrement bronchiques ne devraient pas être prescrites en routine, mais peuvent être envisagées au cas par cas dans les formes modérées en association avec d’autres pathologies (pathologie respiratoire ou maladie neuromusculaire)
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