Quels mécanismes physiopathologiques et quelles cinétiques pour les thromboses dans la FANV et les récidives de thromboses veineuses ?
Compte-rendu du symposium, organisé avec le soutien institutionnel de Daiichi Sankyo, le 24 Mars 2016 “ Anticoagulants oraux directs : une même posologie peut-elle prévenirles AVC dans la FANV et les récidives de thromboses veineuses (TVP & EP) ? ” D’après la communication de Ludovic Drouet (Paris) « Il existe un risque d’hyperthrombogénicité à la phase aiguë des événements thrombo- emboliques veineux. »
La physiopathologie des thromboses est un phénomène complexe où de nombreux acteurs sont impliqués (conditions hémodynamiques, plaquettes, facteurs de coagulation). Par exemple la physiopathologie des événements thrombo-emboliques associés aux cancers comporte un phénomène de stimulation croisée, impliquant des cellules tumorales avec activité pro-coagulante et des facteurs de l’hémostase, de la coagulation et de la fibrinolyse. Le risque d’hyperthrombogénicité à la phase aiguë des événements thrombo-emboliques veineux peut se faire poser la question de l’intérêt d’une héparinothérapie initiale. Les caractéristiques pharmacocinétiques des AOD sont à prendre en compte lors du choix d’une administration en une ou deux prises par jour.
Si les conditions circulatoires de flux sanguin rapide au niveau artériel expliquent l’implication immédiate et préférentielle des plaquettes, il existe aussi une participation associée et coopérative de la coagulation et de la thrombine (enzyme clef de la coagulation, plus puissant inducteur de l’agrégation plaquettaire). La participation relative de ces différents systèmes - et en particulier de l’hémostase et de la coagulation – dépend des conditions hémodynamiques : les conditions de flux rapide favorisent l’implication des plaquettes et limitent la participation de la coagulation, à l’inverse, les conditions de flux lent favorisent la participation de la coagulation de cinétique lente et limitent l’implication des plaquettes qui n’ont pas d’énergie cinétique flux-dépendante. Plusieurs situations s’accompagnent d’une augmentation du facteur tissulaire circulant : périodes thrombotiques aiguës, diabète et hyperglycémie, états inflammatoires aigus et cancers. « La physiopathologie des événements thrombo-emboliques associés aux cancers comporte un phénomène de stimulation croisée, impliquant des cellules tumorales avec activité pro-coagulante et des facteurs de l’hémostase, de la coagulation et de la fibrinolyse. »
Des microparticules cellulaires circulantes portant du facteur tissulaire jouent un rôle thrombogène de même que les plaquettes par leurs interactions avec les cellules tumorales via la P-sélectine. Des données récentes sur la physiopathologie des thromboses associées aux cancers ont également mis en évidence la participation de nouveaux facteurs (NETs : neutrophil extracellular traps) libérés par les neutrophiles et impliqués à la fois dans la progression tumorale et la survenue de thromboses [1].
« L’hypercoagulabilité à la phase aigüe des évènements thromboemboliques veineux justifie- t-elle un traitement héparinique initial ? ».
La question peut se poser au vu des schémas d’administration des anticoagulants oraux directs : pas de traitement héparinique initial pour le rivaroxaban et l’apixaban (mais forte dose pendant – respectivement – 3 semaines et 7 jours) alors que l’héparine est initiée pendant 5 à 10 jours suivi d’un relais par AOD pour le dabigatran et l’edoxaban [2]. Il existe en effet des arguments en faveur de la nécessité d’une forte activité anticoagulante lors de la prise en charge initiale d’un événement thrombo-embolique veineux, en particulier dans les thromboses associées aux cancers. Pour autant, une méta-analyse récente réalisée dans un sous-groupe de patients cancéreux traités par AOD dans les études EINSTEIN, HOKUSAI, RECOVER et AMPLIFY ou par héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ne montre pas de différence significative entre les différentes stratégies proposées [3]. Dans ce contexte, les résultats de l’étude HOKUSAI VTE Cancer (1 000 patients traités soit par HBPM pendant 5 jours puis edoxaban 60 mg en une prise par jour soit par dalteparine 200 UI/kg pendant un mois puis 150 UI/kg – durée de traitement de 6 à 12 mois) devraient apporter de nouveaux éléments de réponse [4]. Dans les schémas avec dose initiale majorée d’AOD sans héparinothérapie initiale, quel est l’impact potentiel du traitement héparinique administré avant la randomisation ? Pour l’étude EINSTEIN-PE, la durée du traitement pré- randomisation par HBPM, héparine ou fondaparinux (qui a été administré chez 92,5 % des patients du bras rivaroxaban) a été de 1 (57,4 % des patients) ou 2 jours (33,1 %) mais cet effet a été considéré comme négligeable par les auteurs [5]. Pour l’étude AMPLIFY, le pourcentage de patients ayant reçu un traitement héparinique avant la randomisation a été de plus de 85 % (41,5 % pendant 12 à 24 heures, 21,8 % pendant 24 à 36 heures dans le bras apixaban) [6] mais là aussi, l’avis de la Commission de transparence (Avril 2015) conclut à l’absence d’effet du prétraitement par HBPM.
« Faut-il préférer l’administration d’un AOD en une ou deux prises par jour ? »
Alors que l’effet des antivitamines K est stable sur le nycthémère, les AOD sont caractérisés par une variabilité pharmacocinétique selon qu’ils sont administrés en une ou deux prises par jour. Ceci a été mis en évidence dans les études de phase II et dans les analyses pharmacocinétiques des études de phase III : l’impact – pour le rivaroxaban ou l’apixaban par exemple – est particulièrement net sur la Cmin, plus faible, et la Cmax légèrement plus élevée alors que les expositions totales (ASC) sont comparables. Dans une étude randomisée de recherche de dose dans la FANV, l’edoxaban a été étudié aux dosages de
30 mg et 60 mg en une ou deux prises par jour [7].
Les résultats ont montré que l’administration de 60 mg en une seule prise par jour était mieux tolérée qu’une biprise quotidienne de 30 mg (critère principal : 3,8 % de saignements majeurs et non majeurs cliniquement significatifs versus 7,8 % ; p < 0,05) et comparable à l’administration de la warfarine (3,8 % versus 3,2 %).
Comme pour les autres AOD, la Cmin était plus basse en cas de monoprise avec une relation directe entre le niveau de cette Cmin et la survenue de saignements.
Ce résultat n’est pas intuitif car plutôt que de trouver que le taux bas de la Cmin « protége » du risque hémorragique on se serait plutôt attendu à ce que ce soit le taux élevé de la Cmax qui aggrave le risque hémorragique : preuve que les études de phase 2 de recherche de dose ne peuvent pas être remplacées par des extrapolations.
Références bibliographiques
[1] Demers M, Wagner DD. NETosis: a new factor in tumor progression and cancer- associated thrombosis Semin Thromb Hemost. 2014; 40(3): 277–283
[2] Streiff MB, Agnelli G, Connors JM et al. Guidance for the treatment of deep vein thrombosis
and pulmonary embolism. J Thromb Thrombolysis 2016; 41(1):32–67
[3] Khorana AA, Carrier M, Garcia DA et al. Guidance for the prevention and treatment of cancer-associated venous thromboembolism. J Thromb Thrombolysis 2016; 41(1):81–91
[4] Van Es et al. Edoxaban for treatment of venous thromboembolism in patients with cancer. Rationale and design of the Hokusai VTE-cancer study. Thrombosis and Haemostasis- on line 2015-08-13
[5] Buller H for the EINSTEIN–PE Investigators. Oral Rivaroxaban for the Treatment of
Symptomatic Pulmonary Embolism N Engl J Med 2012; 366(14):1287-97
[6] Agnelli G et al for the Amplify investigator. Oral Apixaban for the Treatment of Acute
Venous Thromboembolism N Engl J Med 2013; 369(9):799-808
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