Fibrillation atriale : Les recommandations pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ne sont pas suivies de façon systématique
Les données préliminaire du registre GARFIELD, présentées lors du CONGRÈS 2013 de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) révèlent que les traitements anticoagulants, connus pour réduire de manière significative le risque d'AVC chez les patients atteints de fibrillation atriale, sont insuffisamment utilisés chez ces patients à risque.
2% de la population mondiale, plus de 6 millions d'Européens sont atteints de fibrillation atriale (FA) et on estime que sa prévalence aura au moins doublé d'ici à 2050 compte tenu du vieillissement de la population, pour atteindre les 12 millions. La FA multiplie par cinq le risque d'AVC et un AVC sur cinq est imputable à cette forme d'arythmie. Les AVC ischémiques associés à la FA sont souvent mortels et les patients qui survivent sont souvent atteints de séquelles graves et sont plus susceptibles de subir une récidive que les patients victimes d'un AVC pour d'autres raisons. Par conséquent, le risque de décès imputable à un AVC provoqué par une FA double et le coût des soins augmente de 50 %.
La maladie survient lorsque des parties des oreillettes émettent des signaux électriques non coordonnés, les cavités pompent alors trop rapidement et de manière irrégulière, ne permettant pas au sang d'être expulsé complètement à l'extérieur des oreillettes. Par conséquent, le sang peut s'accumuler, coaguler et provoquer une thrombose, première cause de mortalité dans les pays développés et dans ceux en développement.
Piloté par le Thrombosis Research Institute (TRI) de Londres, le registre GARFIELD est une étude prospective multicentrique internationale observationnelle d'hommes et de femmes souffrant d'une FA récemment diagnostiquée et présentant un ou plusieurs autres facteurs de risque d'AVC. Le registre suivra prospectivement 50 000 patients avec un diagnostic récent de FA, originaires d'au moins 1000 centres répartis dans 50 pays, dans les Amériques, en Europe de l'Ouest et de l'Est, en Asie, en Afrique et en Australie.
GARFIELD est le plus important registre prospectif de patients souffrant de FA et courant un risque d'AVC. Son objectif est de décrire le véritable fardeau de cette maladie et de fournir des perspectives sur l'impact des complications thromboemboliques et hémorragiques observées chez ces patients. Il fournira une meilleure compréhension des schémas de traitement antithrombotique et les possibilités d'amélioration de prise en charge et des résultats cliniques à partir d'un groupe de patients représentatif et diversifié et de populations spécifiques. Le but étant d'aider les médecins et les systèmes de santé à adopter les innovations de façon appropriée afin de garantir les meilleurs résultats, pour les patients et les populations.
Les données présentées lors du Congrès 2013 de l’ESC sont tirées de la première des cinq cohortes de GARFIELD. La première cohorte comprend au total 10 614 patients souffrant de FA non valvulaire et présentant au moins un facteur de risque d'AVC supplémentaire déterminé par l’investigateur. Ces patients ont été recrutés dans 540 sites choisis de façon aléatoire dans 19 pays. Sur ces patients, 5 089 ont été recrutés rétrospectivement pour constituer une cohorte de validation, et 5 525 ont été recrutés de façon prospective pour former les populations d'étude de ces abstracts. Les recommandations de l’ESC pour la prise en charge de la fibrillation atriale préconisent la prescription d'un traitement anticoagulant à base d’antivitamine K (AVK) à tous les patients présentant un risque élevé d'AVC, sauf en cas de contre-indications.
Un risque élevé d'AVC est défini par un score CHA2DS2-VASc ≥ 2. Les données de base présentées précédemment indiquaient que dans la cohorte 1, 82,6 % des patients avaient un score CHA2DS2-VASc ≥ 2 mais que seulement 62 % d'entre eux recevaient un traitement anticoagulant.
Les recherches sur la stratification du risque d'AVC, présentées lors du Congrès 2013 de l’ESC, ont fourni des données sur 5 523 patients recrutés de façon prospective entre décembre 2009 et octobre 2011.
Ces données à un an, qui sont d'ordre préliminaires et qui doivent donc être interprétées avec prudence, ont été incluses dans une présentation orale et sur sept posters. La présentation orale s’est déroulée lors de la session State of the Art: Acute coronary syndromes - current guidelines and future prospects (État de l'art - Syndromes coronariens aigus - Directives actuelles et perspectives d'avenir), session mettant en évidence les quatre abstracts les mieux notés sur ce sujet.
Les données marquantes, qui ont été ajustées pour tenir compte des facteurs de confusion significatifs, indiquent ce qui suit :
Présentation orale
• Les AVK sont significativement moins utilisés chez les patients FA souffrant de syndrome coronarien aigu (SCA) comparés aux patients non atteints de SCA (48,9 % vs 51,7 %, respectivement) en dépit d'un risque comparable de décès toutes causes confondues, d'AVC/embolie systémique (ES), d'hémorragie majeure et de SCA récurrent après un an :
o 10,1 % (n = 559) des patients avaient des antécédents de SCA, 44,0 % (n = 246) d'entre eux avaient une endoprothèse antérieure.
Présentation des posters
• Le profil de risque était plus élevé et la prescription d'un traitement antithrombotique était plus fréquente chez les patients FA présentant des antécédents d’AVC ou accident ischémique transitoire (AIT) :
o Les patients FA avec antécédents d’AVC/AIT présentaient un risque de décès plus élevé de 44 % (HR 1,44, p = 0,037) et étaient deux fois plus susceptibles d'être victimes d'AVC/ES (HR 2,27, p = 0,004) dans l'année suivant le diagnostic que les patients qui n'avaient jamais eu d'AVC/AIT.
o Plus de patients FA avec antécédents d’AVC/AIT avaient reçu des AVK (58,1 % vs 50,5 % pour ceux n'ayant jamais eu d'AVC/AIT), bien que l'utilisation de ces anticoagulants était sensiblement insuffisante dans les deux groupes.
• Le risque de décès était plus faible chez les patients FA suivant un traitement pour contrôler le rythme cardiaque (utilisation de médicaments visant à restaurer un rythme cardiaque normal) que chez les patients FA suivant un traitement pour contrôler la fréquence cardiaque (utilisation de médicaments visant à diminuer la fréquence cardiaque pour qu'elle se rapproche de la normale)
o Parmi les patients de l'étude, 38,1 % (n = 2 107) suivaient un traitement pour contrôler le rythme cardiaque et 49,8 % (n = 2 754) suivaient un traitement pour contrôler la fréquence cardiaque.
o Les patients FA suivant un traitement pour contrôler le rythme cardiaque présentaient un risque de décès plus faible de 28 % (HR 0,72, p = 0,041) par rapport aux patients suivant un traitement pour contrôler la fréquence cardiaque.
o Les patients suivant un traitement pour le contrôle du rythme cardiaque étaient plus jeunes et présentaient un score de risque d'AVC plus faible.
o Les deux groupes présentaient de nombreuses divergences, aussi, certaines variables de confusion résiduelles peuvent affecter les conclusions.
• Le profil de risque global était plus élevé pour les patients FA souffrant d'une maladie coronarienne
o 19,3 % (n = 1 066) des patients de l'étude souffraient d'une maladie coronarienne. Ces patients étaient plus âgés, le plus souvent de sexe masculin et plus susceptibles de recevoir des AVK combinés à un traitement antiplaquettaire (AP) que les patients ne souffrant pas de maladie coronarienne.
o Les patients FA souffrant d'une maladie coronarienne présentaient un risque deux fois plus élevé de SCA que les patients ne souffrant pas de maladie coronarienne (HR 2,49, p = 0,016) mais tous présentaient un risque comparable de décès, d'AVC/AIT et d'hémorragies majeures.
• Les AVK étaient moins prescrits chez les patients souffrant d'une FA paroxystique que chez les patients souffrant d'une FA permanente malgré un niveau de risque d'AVC ou d'embolie systémique comparable
o 24,4 % (n = 1 348) des patients de l'étude avaient une FA paroxystique vs 14,2 % (n = 785) avec une FA permanente.
o Les AVK, seuls ou combinés à un traitement AP, étaient prescrits chez 39,1 % des patients souffrant d'une FA paroxystique et 61,0 % des patients souffrant d'une FA permanente.
o Le risque de décès était plus faible de 38 % chez les patients souffrant d'une FA paroxystique comparé aux patients souffrant d'une FA permanente (HR 0,62, p = 0,057).
o Le risque d'AVC/d'embolie systémique était similaire dans les deux groupes de patients (HR = 1,18, p = 0,72).
• Le risque d'AVC était plus faible et l'utilisation d'anticoagulants était moins fréquente chez les patients FA récemment diagnostiqués d'origine asiatique vs d'origine européenne
o 28,7 % (n = 1 587) des patients ont été recrutés en Asie et 58,6 % (n = 3 237) en Europe.
o Les patients asiatiques étaient en moyenne plus susceptibles d'être de sexe masculin, plus jeunes, avec un indice de masse corporelle plus faible et moins de comorbidités que les patients européens.
o Indépendamment du niveau de risque, les AVK étaient significativement plus utilisés en Europe (61,4 %) qu'en Asie (35,8 %), soulignant les différences substantielles dans l'utilisation des traitements disponibles pour la prévention des AVC.
• Les AVK étaient moins souvent utilisés chez les patients souffrant d'une FA récente que chez ceux souffrant d'une FA permanente, malgré un taux de décès et d'AVC similaire dans les deux groupes
o 44,8 % (n = 2 477) des patients souffraient d'une FA récente vs 14,2 % (n = 785) d'une FA permanente.
o Les AVK, seuls ou combinés à des traitements AP, étaient moins utilisés chez les patients souffrant d'une FA récente (52,1 %) que chez les patients souffrant d'une FA permanente (61,0 %).
o Le risque d'AVC/d'embolie systémique était supérieur de 47 % chez les patients souffrant d'une FA permanente par rapport aux patients souffrant d'une FA récente, même si cette différence n'était pas statistiquement significative (HR 1,47, p = 0,36).
o Les patients souffrant d'une FA récente étaient légèrement plus jeunes.
• L'utilisation d'anticoagulants était insuffisante chez une part importante des patients FA suivant une cardioversion (Direct Current Conversion, DCC+), technique visant à ramener le cœur à un rythme sinusal normal, en dépit des directives qui recommandent leur utilisation pour la prévention des AVC
o Peu de patients du registre (11,1 % (n = 614) des patients) avaient subi une DCC dans les quatre mois suivant le diagnostic, même si leur FA avait été récemment diagnostiquée.
o Les patients ayant subi une DCC étaient plus susceptibles de recevoir des AVK que les patients qui ne suivaient pas cette procédure. Cependant, 6,9 % des patients DCC+ n'avaient suivi aucun traitement antithrombotique et 12,5 % n'avaient suivi qu'un traitement AP.
o Les résultats en termes de décès toutes causes confondues, AVC/ES ou hémorragie majeure à un an ne différaient pas entre les groupes.
« Ces données à un an du registre GARFIELD, indiquent que les recommandations pour la prévention des AVC ne sont pas suivies de manière systématique dans la pratique clinique quotidienne », a déclaré le professeur Lord Ajay Kakkar, directeur du TRI et professeur de chirurgie à l'University College de Londres. « Considérées dans leur ensemble, ces nouvelles conclusions valident de façon indépendante ce que les essais cliniques ont permis d'observer concernant le risque d'AVC chez les patients FA. L'étude suggère que des opportunités existent pour améliorer la prise en charge de la maladie et favoriser l'adoption de stratégies innovantes pour la prévention des AVC chez les patients FA à risque. »
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