Médicaments : 10 milliards d'euros d'économies sans nuire à la qualité des soins thérapeutiques

10 milliards d'euros d'économies sont réalisables sur les médicaments. C'est le message qu'ont fait passer lundi 21 septembre Michèle RIVASI, Elena PASCA et Serge RADER en dénonçant pêle-mêle le prix élevé des médicaments, le comportement des prescripteurs et  des Français, sur-consommateurs, la stratégie de l'industrie pharmaceutique et la réglementation qui semble montrer ses limites.

Des prix anormalement élevés : Le budget médicament est passé de 5 milliards d'euros en 1980  à plus de 37 milliards d'euros de nos jours. Selon l'INSEE, Entre 2000 et 2010, le prix net des médicaments a cru en moyenne de 0,6% chaque année. Les médicaments génériques coûtent beaucoup plus cher en France que chez nos voisins européens.

Ainsi, selon Michèle Rivasi, leur prix moyen est de 15 centimes contre 12 en Allemagne, 10 en Espagne et seulement 7 au Royaume-Uni ! "Par exemple le Plavix est  un antiagrégant plaquettaire dont le coût est estimé à 424,23 millions d’euros pour 8 millions d’unités. La boite est aujourd’hui à 37,11 euros, alors que ce médicament pourrait être remplacé dans bon nombre de cas (pas tous) par de l’aspirine (Kardégic par exemple, à 2,95 euros). Le générique de ce médicament, le Clopidogrel est à 26,09 euros. En Italie, le Plavix est à 18,35 euros et son générique à 16 euros, tandis qu’en Angleterre, le générique est à 2,26 euros!

"Les nouveaux médicaments présentant une avancée thérapeutique sans équivalent (ASMR I) sont payés 16 % plus chers qu'en Espagne et 10 % de plus qu'en  Italie.Enfin une étude de l'IRDES datant de 2008 a révélé des écarts de 400% sur les prix de médicaments appartenant à une même classe thérapeutique.Des consultations qui débouchent systématiquement sur des  prescriptions onéreuses et entrainent une surconsommation de médicaments

Aux Pays-Bas, 10 consultations donnent lieu à 4 ordonnances. En France, sur 10 consultations, il y a 9,7 ordonnances ! En France, une boîte délivrée sur 4 est un générique. C'est moins de 15% des dépenses de médicaments. En Grande Bretagne, le générique représente 80% des prescriptions,  60% en Allemagne.

De là découle une surconsommation :

•    d'anxiolytiques : 10 fois plus élevée  que l’Allemagne, les Pays-Bas et l'Angleterre, 5 fois plus que le Danemark et la Suède.  (2ème rang européen)

•    d'hypnotiques : 6 fois plus que l’Allemagne et les Pays-Bas, 3 fois plus que l'Angleterre et le Portugal (2ème rang européen). Les hypnotiques sont prescrits à 90% par les médecins généralistes.

•     d’antibiotiques : 2,6 fois plus que les Pays-Bas, 2 fois plus que l’Allemagne et la Suède, 1,6 fois plus que l'Angleterre et l’Espagne. (2ème rang européen). Les antibiotiques sont prescrits à 70% par les médecins généralistes.

•    de statines : 46% de plus que la moyenne européenne  

Absence d'analyse coût/ efficacité et efficience des médicaments

Selon Elena Pasca, depuis 15 ans,  l'industrie pharmaceutique est en panne d'innovation et c'est sur les doigts d'une main que l'on peut compter les médicaments qui apportent une avancée thérapeutique réelle parmi ceux nouvellement remboursés chaque année.Face à la pression du législateur et à l'arrivée des génériques, la stratégie des laboratoires pour maintenir leurs marges consiste le plus souvent à sortir une version légèrement modifiée d'un médicament pour la vendre à des prix plus élevés. Or dans la plupart des cas ces nouveautés, malgré leur majoration tarifaire, n'apportent aucun progrès thérapeutique. Et tout cela fonctionne pour deux raisons. La première est que la règlementation n'oblige pas les  industriels à mener des essais cliniques comparatifs entre les différentes versions du même médicament ni avant ni après l'autorisation de mise sur le marché des "nouveautés". Le seconde est liée à la pression discrète mais intense de l'industrie pharmaceutique sur les prescripteurs à travers la visite médicale, les leaders d'opinion et la nécessaire formation médicale continue qu'elle dispense gracieusement.

En 2011, la HAS a pris l'initiative d'évaluer le service médical rendu des 232 nouveaux médicaments autorisés sur le marché en France.Les résultats sont édifiants : ASMR 1 = majeure = 1 médicamentASMR 2 = importante = 0 médicamentASMR 3 = modérée = 2 médicamentsASMR 4 = mineure = 20 médicaments. ASMR 5 = aucune amélioration thérapeutique = 209 médicaments.

L'opacité des coûts de l'industrie pharmaceutique

Selon Elena Pasca, le discours de l'industrie pharmaceutique est rodé. Il s'est même unifié. Il consiste à dire que la Recherche & Développement pour mettre au point un médicament coûte très cher, que pour  une molécule commercialisée, 9 sont abandonnées. Ainsi la mise au point d'un médicament représenterait un investissement compris entre 802 milliards de dollars et 1 milliard d'euros.

Or selon la revue allemande indépendante Arznei-Telegramm, la réalité se situerait plus aux alentours de 43,5 millions de dollars.Elena Pasca précise qu'en fait pour arriver à un montant de 802 millions de dollars, il faut intégrer le coût de la visite médicale, de la FMC, du sponsoring de la presse médicale et des leaders d'opinions !

Pour les intervenants les dépenses de marketing de l'industrie pharmaceutique qui s'élèvent à 25 000 euros par an pour chacun de 90 000 prescripteurs sont scandaleusement trop élevées et ne doivent en aucun cas être financées par la sécurité sociale à travers le remboursement de médicaments onéreux et sans service médical rendu.  Ces  dysfonctionnements soulignent non seulement la trop grande complexité d'un système dont les acteurs ne se concertent pas suffisamment mais surtout révèlent les limites d'un système qui vise à faire converger intérêts économiques, industriels et sanitaires. A minima c'est une réforme des modalités de fixation des prix des médicaments qui s'impose.

 CM

Michèle RIVASI, membre de la Commission Santé et Environnement au Parlement Européen Elena PASCA,  rédactrice du blog Pharmacritique, membre du CA de  Sciences citoyennes Serge RADER, PharmacienRéférences : - "Recherche et développement: 802 millions de dollars par médicament? Une fiction balayée par Arznei-Telegramm"http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2011/06/24/le-medicament-a-800-millions-de-dollars-un-mythe-balaye-par.html- Un texte de 2003 de Prescrire sur le même sujet (R&D et prix des médicaments remboursables) décortique les mécanismes http://www.prescrire.org/editoriaux/EDI22918.pdf- rapport de l'IGAS de 2007 (sur l'information des généralistes), concernant les dépenses promotionnelles des laboratoires pharmaceutiques, P 8 et suivantes du rapport et annexes 4 et 5. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/074000703/0000.pdfDans le même rapport, voir les parties sur la politique publique du médicament, les DAM, etc. Voir également rapport du Sénat 2011 et rapport de l'IGAS de juin 2011- les 57 propositions de Prescrire : http://www.prescrire.org/fr/3/31/46848/0/NewsDetails.aspx- Des parties de l'étude de l'Insee de juillet dernier, sur le prix des médicaments. - "Déclaration de l'ISDB sur le progrès thérapeutique dans le domaine des médicaments" (2001, mais toujours référence incontestée):http://www.isdbweb.org/documents/uploads/Declaration/ISDB_Declaration_french1.pdf- Même si le texte est centré sur la non déclaration des effets indésirables et ses raisons et conséquences, la Déclaration de l'ISDB de 2003 sur la pharmacovigilance est elle aussi une référence sur les sujets que nous abordons, car elle parle de l'AMM, des nouveaux médicaments, de l'automédication, etc. dans une perspective internationale (surtout européenne) rare.http://www.isdbweb.org/documents/uploads/Declaration/ISDB_Declaration_french1.pdf - Une étude socio-économique par Hasbani et Lauzon, des 10 industries pharmaceutiques les plus puissantes, qui date certes de 2002, mais est la seule disponible pour ce qui est de ce type de chiffres majeurs sur une période de 10 ans et mettant en évidence le renversement entre dépenses de R&D et marketing.:http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2008/01/24/industrie-pharmaceutique-profit-marketing-interets-financier.html- Gagnon & Lexchin, The Cost of Pushing Pillshttp://www.plosmedicine.org/article/info:doi/10.1371/journal.pmed.0050001- Un article sur les AMM, en rapport avec un progrès thérapeutique nul (exemple de l'année 2008), avec des références dans le texte:- "Progrès thérapeutique nul en 2008, dit Prescrire. Multiples critiques de l'autorisation de mise sur le marché de médicaments mal évalués"http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2009/02/03/progres-therapeutique-nul-en-2008-dit-prescrire-multiples-cr.html

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