Le Prix Nobel de médecine à un colosse aux cheveux blancs
Chercheur en biologie cellulaire et moléculaire à l’Institut Rockefeller de New York, Günter Blobel, unique lauréat du Prix Nobel de médecine 1999, est un colosse de 1,90 m aux cheveux blancs éclatants, originaire de l’ex-Allemagne de l’Est.
Günter Blobel est né à Waltersdorf en Silésie, territoire appartenant aujourd'hui à la Pologne. Il est obligé de fuir devant l’avancée des troupes russes lors du dernier conflit mondial et se retrouve avec sa famille en Allemagne de l’Ouest.
Après avoir obtenu son doctorat de médecine à Tübingen, il émigre aux Etats-Unis et étudie la biologie à l’Université de Madison (Wisconsin). Il y décroche un doctorat en oncologie en 1967, année où il entre comme post-doc au laboratoire de biologie cellulaire de Goerge Palade à l’Institut Rockefeller de New York.
Des chercheurs y étudient depuis une vingtaine d’années la structure de la cellule et les principes de l’exportation des protéines nouvellement synthétisées hors de l’unité cellulaire. Pour ces travaux sur “l’industrie exportatrice de la cellule”, George Palade et les chercheurs belges Albert Claude et Christian de Duve obtiennent le Prix Nobel de médecine ou de physiologie en 1974, il y a tout juste 25 ans.
Prix Lasker en 1993
Günter Blobel, âgé de 63 ans, a fait toute sa carrière à l’Université Rockefeller où il fut nommé professeur en 1976. Il a reçu des mains d'Hillary Clinton et de Mary Lasker en 1993 le Prix Laser en sciences fondamentales, dont on dit souvent qu’il est l’anti-chambre du prix Nobel, ce qui se vérifie une nouvelle fois aujourd’hui.
“Günter fait partie d’une grande lignée. C’est le fils spirituel de George Palade et il est dans la continuité des Américains Brown et Golstein, Prix Nobel pour leurs travaux sur les récepteurs cellulaires du cholestérol”, indique à caducee.net Daniel Louvard, biologiste cellulaire et directeur de la section recherche à l’Institut Curie à Paris.
“Il a fait preuve d’une remarquable persévérance dans sa démarche intellectuelle. Ce n’est vraiment pas le genre de personne à se laisser entrâiner par des modes. C’est un grand organisateur de projet de recherche. Il a toujours eu autour de lui une vingtaine de collaborateurs et un important turn-over”, ajoute le chercheur français.
“Günter est un homme droit qui ne se commettra jamais. Il a toujours exprimé de qu’il pensait, jusqu’à être intransigeant. Il soutient beaucoup les jeunes chercheurs. Nous l’avions d’ailleurs reçu à l’Institut Curie en 1995 pour l’inauguration du bâtiment de biologie cellulaire”, poursuit Daniel Louvard, directeur de recherche au CNRS.
Jean-Claude Courvalin, médecin Inserm et chercheur CNRS dans le département de biologie cellulaire de l’Institut Jacques Monnod (Paris), a passé quatre ans, entre 1989 et 1992, dans le laboratoire de Blobel à l’Institut Rockefeller. Ses travaux portaient alors sur les pores nucléaires qui permettent de réguler les échanges entre noyau et le cytoplasme, un thème de recherche auquel Günter Blobel se consacre quasi-exclusivement depuis une huitaine d’années.
Il se souvient que son ex-patron de laboratoire parle anglais avec un accent germanique, mais qu’il ne s’adressait jamais dans sa langue maternelle aux chercheurs allemands de son équipe.
‘Très narcissique”, “ce n’est pas un homme facile”, confie Jean-Claude Courvalin qui s’empresse d’ajouter que Blobel, “comme tous les grands hommes, a un caractère d’exception”.
Un grand mélomane
“Günter Blobel est un grand mélomane qui aime l’opéra. Il s’est souvent rendu ces dernières années à Vienne au bal du Premier de l’An, et il m’emmenait au Metropolitan et au Carnegie Hall lorsqu’il avait des billets en trop”, se souvient Jean-Claude Courvalin.
“Très tourné vers l’Europe, Günter Blobel a une grande culture littéraire et historique, et s'intéresse à l'architecture. Il s’est impliqué aux Etats-Unis dans la collecte de fonds pour reconstruire la cathédrale de Dresde, la Frauenkirche”, aujourd’hui une ruine-mémorial, “qu’il a vu brûler quand il était petit pendant la guerre. Habitant à plusieurs kilomètres de là, il a vu des flammes toute la nuit”, raconte-t-il.
“Marié à une américaine d’origine italienne, Günter Blobel a une maison dans le Piémont. Sa femme, Laura Maioglio, tient à New York, pas très loin de Broadway, un restaurant chic italien, ‘le Barbetta’, qu’elle a hérité de son père”, ajoute-t-il.
Résidant sur Park Avenue, une des artères les plus chics de Manhattan, le Prix Nobel de médecine 1999, qui n’a pas d’enfants, “promène tous les matins dans Central Park ses deux petits chiens de chasse absolument adorables”.
“Il adore la France et a failli acheter une maison où Balzac avait vécu. Il aime le beau et était aux anges quand, invité à Paris, il apprit qu’il allait séjourner à l’Hôtel de Crillon”, précise Jean-Claude Courvalin qui conclut que Günter Blobel avait beaucoup aimé visité en sa compagnie les bâtiments historiques de l’hôpital Saint-Louis, de la Pitié-Salpétrière et du Val-de-Grâce.
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