Des prions dans le muscle squelettique

Sous ce titre à la fois clair et accrocheur, une équipe menée par Stanley Prusiner décrit dans la revue scientifique PNAS comment le muscle squelettique de souris peut propager des prions et les accumuler à des taux élevés. Ces travaux sur des souris expérimentalement infectées soulèvent une fois encore la question de la présence de prion dans le muscle du bétail infecté. Selon Prusiner et ses confrères, il est urgent de vérifier cette hypothèse, bien que les voies de transmission utilisées dans les expériences soient très différentes de celles relatives à la consommation humaine.

On pensait jusqu'à présent que les prions pathogènes s'accumulaient principalement dans le cerveau et les tissus lymphatiques des animaux infectés. Les nouveaux travaux coordonnés par Prusiner indiquent qu'ils pourraient également se répliquer dans le muscle.

Patrick Bosque, principal auteur de cette étude, et ses collaborateurs de l'Université de Californie à San Francisco ont travaillé sur des souris expérimentalement infectées par des homogénats de cerveaux de souris ou hamsters contaminés par des prions.

Dans un premier temps, les chercheurs ont vérifié et confirmé que la protéine prion normale (PrPC) était bien exprimée dans le muscle des souris non-infectées. En effet, PrPC est essentielle à la propagation du prion pathogène PrPSc.

Suite à une injection intracérébrale d'homogénats de cerveau infecté, les auteurs ont montré la présence anormalement élevée de PrPSc dans le muscle squelettique des souris.

L'accumulation de PrPSc dans le muscle n'était pas homogène. En effet, elle était limitée aux muscles de l'arrière-train et n'était pas retrouvée dans les muscles de la tête et du cou ou encore du dos.

Ces expériences montraient donc qu'après l'inoculation intracérébrale d'un homogénat infecté, on retrouvait dans le muscle des souris la présence anormalement élevée de prion PrPSc.

D'autres expériences ont permis d'établir que l'accumulation de PrPSc dans le muscle ne résultait pas d'une contamination générale des organes à partir de prions dérivés du cerveau.

Resultat important, Patrick Bosque et ses collaborateurs démontrent que la propagation de PrPSc avait bien lieu dans certains muscles alors qu'elle était très limitée dans d'autres organes. Ceci a été notamment démontré en utilisant de souris transgéniques qui expriment PrPC seulement dans le muscle. Après une injection intramusculaire de matériel infectieux, on observe la formation de nouveaux prions dans le muscle à une concentration élevée.

"Nous montrons ici que les prions se propagent et s'accumulent dans le muscle squelettique d'une manière spécifique selon la région, et à un niveau bien supérieur à celui généralement admis", écrivent les chercheurs.

Ces résultats expérimentaux doivent être interprétés avec beaucoup de précaution si l'on doit les replacer dans un contexte de santé humaine. Ils posent néanmoins le problème de la consommation par l'homme de viande provenant d'un animal infecté par le prion.

A ce propos, l'équipe de Prusiner insiste sur deux points essentiels. Le premier concerne l'accumulation du prion dans le muscle qui est variable selon l'hôte et la souche de prion en cause. Deuxièmement, cette contamination humaine ne pourrait se faire que par voie orale, une voie "inefficace comparée aux inoculations intracérébrales utilisées pour les bioassays rapportés dans cette étude", écrivent les chercheurs.

La présence éventuelle de prions infectieux dans les muscles pourrait considérablement faciliter le dépistage qui est à l'heure actuelle basé sur des analyses post-mortem.

Avant tout, Prusiner et son équipe estiment qu'il faut d'abord s'attacher à déterminer si l'accumulation des prions dans le muscle squelettique existe bien chez des animaux infectés (scrapie du mouton, ESB…). La distribution hétérogène de l'accumulation dans les différents muscles nécessite à ce titre un examen complet sur chaque animal, concluent-ils.

Source : Proc Natl Acad Sci USA 2002;99(6):3812-7.

SR

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