Le sibrafiban oral n’est pas plus efficace que l’aspirine après infarctus ou angor instable
Un traitement par voie orale avec le sibrafiban, antagoniste du récepteur plaquettaire GPIIb/IIIa, n’offre aucun bénéfice supplémentaire par rapport à l’aspirine dans la prévention secondaire des événements ischémiques majeurs chez les patients ayant fait un infarctus du myocarde ou un épisode d’angor instable. De plus, le sibrafiban est associé à la survenue d’un nombre plus élevé de manifestations hémorragiques dose-dépendantes. C’est ce qu’indiquent dans le Lancet les investigateurs d’une vaste étude internationale.
Conduite entre août 1997 et octobre 1998, l’étude SYMPHONY (Sibrafiban versus Aspirin to Yield Maximum Protection from Ischemic Heart Evcents Post-acute Cornary Syndromes) a inclus 9.233 patients de 33 pays, dont la France (94 patients).
Elle a comparé deux protocoles d’administration orale du sibrafiban (faible et forte dose) à l’aspirine (80 mg per os 2 fois par jour) chez des patients ayant présenté un accident coronarien aigu. Ces trois modalités ont été administrées au décours (dans un délai de 7 jours) après un accident coronarien aigu et poursuivies pendant 90 jours. La dose de sibrafiban (3 mg ou 4,5 mg ou 6 mg) dépendait du poids du patient et du taux de créatinine sérique.
Le critère composite principal d’évaluation comprenait le décès, la survenue d’un nouvel infarctus non mortel, d’un nouvel accident ischémique sévère dans les 90 jours. L’analyse était en intention de traiter.
A 90 jours, il n’a pas été observé de différence significative dans les taux entre les trois groupes : 9,8 % dans le groupe aspirine, 10,1 % dans le groupe sibrafiban faible dose, également 10,1 % dans le groupe sibrafiban forte dose.
Le Dr L. Kristin du Duke Clinical Research Institute (Durham, Caroline du Nord, Etats-Unis) et l’ensemble de l’équipe internationale ont noté un excès de complications hémorragiques (majeures et mineures), dose-dépendantes, avec le sibrafiban : 25,4 % dans le groupe sibrafiban forte dose, 18,7 % dans le groupe sibrafiban faible dose, 13 % dans le groupe aspirine. Le taux des manifestations hémorragiques sévères a été de 5,7 % dans le groupe sibrafiban forte dose, de 5,2 % dans le groupe sibrafiban faible dose, de 3,9 % dans le groupe aspirine.
Pour les auteurs, à ce jour, les nouveaux inhibiteurs oraux de la glycoprotéine IIb/IIIa n’ont pas été à la hauteur de ce que l’on en attendait, contrairement à ce que l’on constate en revanche régulièrement en cas d’administration intraveineuse de ces mêmes produits.
Deux autres grands essais, conduits respectivement auprès de 10.302 et 7.232 patients, OPUS (Orbifiban in Patients with Unstable Coronary Syndromes) et EXCITE (Evaluation of Xemilofiban in Controling Thrombotic Events) ont évalué un inhibiteur oral de la GPIIb/IIIa, en l’occurrence en association à un traitement de fond par aspirine. Comme pour l’étude SYMPHONY, ces deux essais n’ont pas montré le bénéfice clinique attendu.
On peut invoquer trois raisons possibles pour expliquer que le sibrafiban, antiagrégant plaquettaire plus puissant que l’aspirine, ne produise pas de meilleurs résultats que ce dernier, notent les Drs Christopher Heeschen (Stanford University, Californie) et Christian Hamm (Bad Nauheim, Allemagne).
D’abord, une monothérapie par sibrafiban peut ne pas être le traitement optimal. Les propriétés anti-inflammatoires de l’aspirine pourraient aussi largement contribuer à son efficacité. On en saura peut-être plus avec les résultats de l’essai SYMPHONY II, dans lequel tous les patients recevant du sibrafiban à faible dose ont également pris de l’aspirine. Ils devraient être disponibles à l’occasion du congrès annuel de l’American College of Cardiology qui se tiendra en mars prochain.
Deuxième raison, il est possible que les concentrations plasmatiques de l’inhibiteur de la GPIIb/IIIa ne soient pas suffisantes entre les doses. On ignore d’ailleurs la durée et le niveau d’inhibition nécessaire pour prévenir de nouveaux accidents cardiaques ischémiques.
Enfin, on ne peut exclure qu’un pourcentage substantiel de patients dans l’étude SYPHONY n’aient pas été à risque d’événement thrombotique après stabilisation de l’accident coronarien aigu. Le dosage de la troponine sérique, marqueur la formation d’un thrombus, pourrait être utile pour identifier les patients à risque.
Au total, les éditorialistes déclarent que les inhibiteurs de la GPIIb/IIIa pourraient produire des résultats significatifs associés à l’aspirine, dans des sous-groupes de patients à haut risque d’événements ultérieurs, et dans le cadre de traitements à la carte avec dose adaptée au patient. " Ainsi, ces agents ne devraient pas disparaître avant qu’on comprenne mieux leur action et leur utilisation potentielle ", concluent-ils.
Source : Lancet, 29 janvier 2000, Vol.355, 337-45, 330-1.
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