Alzheimer : la découverte d’une protéine aberrante ouvre une voie thérapeutique potentielle
Des chercheurs américains annoncent avoir découvert une protéine anormale qui intervient dans la pathogénèse de la maladie d’Alzheimer. Présente dans les neurones en dégénérescence neurofibrillaire, cette protéine s’accumule dans le cerveau des malades.
Il s’agit en fait d’un fragment de protéine, baptisé p25, qui provient du clivage protéolytique aberrant d’une protéine, la p35, qui régule l’activité d’une troisième : la ‘cyclin-dependant kinase 5’ ou Cdk5. Cette dernière intervient notamment dans le développement des axones et des dendrites. Au cours de la formation du cerveau, on observe une augmentation du taux de Cdk5.
La protéase qui clive la p35 pourrait servir de cible thérapeutique dans la maladie d’Alzheimer. A ce jour, le mécanisme de ce clivage anormal est cependant encore inconnu et la protéase responsable reste à identifier.
Deux stratégies, faisant chacune appel à des inhibiteurs spécifiques, peuvent être envisagées : le blocage du clivage aberrant de la p35 ou l’inhibition de la Cdk5. La prochaine étape pour les chercheurs sera donc d’essayer d’arrêter ou d’inverser la neurodégénérescence de la maladie dans des modèles animaux en utilisant des inhibiteurs de la p25 ou de la Cdk5.
On le sait, le diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer est confirmé lorsque l’examen neuropathologique montre la présence de deux types de lésions cérébrales : les plaques séniles, qui correspondent à des dépôts de peptide amyloïde, et les neurones en dégénérescence neurofibrillaire.
La dégénérescence neurofibrillaire correspond à une accumulation intraneuronale de fibrilles formées de filaments très caractéristiques, appelés les paires de filaments appariés en hélice ou PHF (‘paired helical filaments’). Ces filaments pathologiques sont d’excellents marqueurs ultrastructuraux du processus dégénératif de la maladie d’Alzheimer.
Les constituants majeurs des PHF sont les protéines Tau. Dans le neurone normal, les protéines Tau stabilisent les microtubules. Ces filaments du microsquelette jouent un rôle prépondérant dans les mécanismes de transport intraneuronal des vésicules ou des organites, participent à la croissance des axones, et servent de points d’encrage à des enzymes.
Au cours de la maladie d’Alzheimer, les protéines Tau s’agrègent sous forme de PHF. Des études ont montré que les protéines Tau sont anormalement phosphorylées.
Quand tout tourne autour de Tau
Li-Huei Tsai et ses collaborateurs du Howard Hughes Medical Institute et du Massachusetts Hospital de Boston rapportent aujourd’hui dans Nature que la protéine p25, une forme tronquée de la p35, s’accumule dans le cerveau des malades atteints de la maladie d’Alzheimer.
Cette accumulation de p25 contribue à déréguler l’activité de la Cdk5 qui est normalement régulée par la p35. En effet, contrairement avec la p35 dont elle est issue, la p25 n’est pas rapidement dégradée.
La p25 se lie alors à la Cdk5 qu’elle active de façon constitutive, modifie sa localisation dans la cellule et altère sa spécificité pour ses substrats. Résultat : la kinase p25/Cdk5 provoque la phosphorylation de tout ce qu’elle ‘voit’, notamment des protéines Tau, ce qui a pour conséquence de réduire la capacité de ces protéines à s’associer aux microtubules des neurones.
Par ailleurs, les auteurs montrent que l’expression du complexe p25/Cdk5 dans des neurones primaires en culture induit une dislocation du cytosquelette, une dégénérescence morphologique et une mort cellulaire par apoptose.
" Ces résultats indiquent que le clivage de la p35, suivi de l’accumulation de la p25, est impliqué dans la pathogénèse des anomalies du cytosquelette et dans la mort neuronale de maladies neurodégénératives ", concluent les auteurs.
La dégénérescence neurofibrillaire n’est en effet pas spécifique à la maladie d’Alzheimer. Elle s’observe notamment dans la trisomie 21, le syndrome de Guam, le Parkinson post-encéphalitique, la maladie de Niemann-Pick de type C, ainsi que dans d’autres affections neurodégénératives.
Enfin, dans ce même numéro de Nature, une étude réalisée par une équipe internationale réunissant des chercheurs américains, japonais et français, montrent que la protéine Cdk5 peut perturber la transduction du signal dans les neurones en modifiant l’équilibre entre ses activités de kinase et de phosphatase.
Source : Nature, 9 décembre 1999, vol.402, 615-22, 588-9.
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