Grève des médecins libéraux : une fin pour un nouveau départ
Après plusieurs jours de grève, les médecins libéraux ont décidé de suspendre leur mouvement. Bien que la faible couverture médiatique, en raison d'une actualité internationale chargée, ait pu influencer cette décision, la fin de la grève est principalement due à la réouverture des négociations conventionnelles et à un probable report de l'examen de la loi Valletoux au Sénat.
Une grève largement suivie et suspendue ce mercredi 18 octobre
Selon l'intersyndicale, cette grève a été massivement suivie par les médecins libéraux : « La mobilisation des médecins libéraux a été très importante ce vendredi 13 octobre avec un taux de participation estimé à plus de 60 %, atteignant jusqu'à 90 % dans certaines régions. Même si de nombreuses réquisitions organisées dès jeudi soir par les préfectures ont eu lieu dès vendredi 13 au matin, témoignant du rôle essentiel, mais souvent méconnu, des médecins libéraux dans l'accès aux soins urgents et non urgents ».
"Le mouvement de grève est levé ce matin", a confirmé Soline Guillaumin, porte-parole en Lorraine du collectif Médecins pour demain, invitée de France Bleu Lorraine mercredi 18 octobre. La mobilisation avait été initiée vendredi par une intersyndicale inédite réunissant douze organisations représentatives. Le ministre de la Santé a depuis envoyé sa lettre de cadrage, qui devrait ouvrir la voie à de nouvelles négociations entre les médecins et l'Assurance maladie.
Les premières rencontres bilatérales entre la CNAM et les syndicats de médecins libéraux sont prévues pour la semaine prochaine, selon le communiqué.
"En dix ans, 40 000 médecins ont été formés, mais seulement 5 500 se sont installés." S. Guillemin
L'enjeu principal : l'attractivité de l'exercice libéral
Au cœur des négociations se trouve le tarif de la consultation médicale, qui devrait augmenter de 1,50 euro dès le 1er novembre, en réponse au règlement arbitral. "Nous souhaitons un budget suffisant pour gérer correctement la santé de nos patients… Le tarif de la consultation doit nous permettre d'investir dans nos cabinets pour redonner du temps médical à nos patients. Nous voulons les voir plus longtemps, ce qui est actuellement impossible."
La hausse du tarif de la consultation médicale vise également à encourager de jeunes médecins à s'installer. "En dix ans, 40 000 médecins ont été formés, mais seulement 5 500 se sont installés." "Les autres ont opté pour le salariat, ou sont partis à l'étranger, certains effectuent des remplacements, voire ont complètement changé d'orientation. Ce sont des médecins désabusés, qui hésitent à s'installer dans les conditions actuelles. Accorder 20-25 minutes à un patient pour 25 euros n'est pas viable."
Soline Guillaumin exprime également ses préoccupations quant à la santé mentale des médecins, soulignant que la moitié d'entre eux ont été ou sont actuellement en état de burn-out. Elle met aussi en avant la situation alarmante de la démographie médicale, avec un tiers des médecins ayant plus de 60 ans. Selon elle, cette donnée indique qu'au moins 30 % des médecins cesseront de travailler dans les quatre prochaines années. Rendre la profession plus attractive pour les jeunes médecins est donc essentiel pour lutter contre les déserts médicaux.
Une lettre de cadrage empathique mais sans enveloppe financière claire
Le ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau, a semble-t-il bien réagi au cri d'alarme lancé par l'intersyndicale des médecins libéraux. Sa lettre de cadrage, adressée au directeur général de l'Assurance maladie Thomas Fatome mardi 17 octobre, a en effet convaincu les six syndicats représentatifs de lever leur grève initiée vendredi 13 octobre et de revenir à la table des négociations. Le document « ouvre des perspectives pour soutenir et rendre attractif l'exercice libéral », soulignent les syndicats dans un communiqué commun diffusé mardi soir.
Plusieurs axes directeurs de la future négociation conventionnelle des médecins sont énoncés dans ce document. L'attractivité de la médecine libérale, une priorité pour l'intersyndicale, devra faire l'objet de négociations : « Le défi de l'attractivité repose notamment sur la rémunération des médecins, sujet qu'il faudra aborder sans détour », écrit Aurélien Rousseau dans sa lettre de cadrage. Il ajoute également : « Ce véritable défi de l'attractivité repose aussi sur la capacité du médecin à répondre quotidiennement à la demande croissante de nouveaux patients ».
Augmentation de la file active et rémunération
Il convient de rappeler que la dernière négociation conventionnelle avait achoppé sur le contrat d'engagement territorial, qui conditionnait une meilleure rémunération à une prise en charge croissante de nouveaux patients. La conditionnalité est ici supprimée, mais les deux objectifs — meilleure rémunération, augmentation de la file active — demeurent contigus.
Pertinence des soins et prévention
Du côté des dépenses, Aurélien Rousseau insiste sur le fait que cette négociation devra renforcer les mesures de pertinence des soins, à savoir la limitation des prescriptions au profit de la prévention : « Investir davantage dans la rémunération des professionnels doit avoir pour corollaire d'opérer un tournant dans la manière dont la santé est appréhendée en France. Notre pays se distingue par exemple par des niveaux atypiques de consommation de médicaments, dont les impacts sur les finances publiques mais également sur la santé publique et l'environnement sont désormais largement documentés. La sobriété et l'excellence du système de santé français reposeront dans les années à venir sur la capacité des autorités sanitaires et des prescripteurs à investir prioritairement dans la prévention, à limiter les actes inutiles ou redondants ».
L'Union Française pour une Médecine Libre - Syndicat (UFML-S) a émis des réserves sur la Lettre de Cadrage Ministérielle du 17 octobre 2023. Bien que le ton soit jugé plus empathique envers la médecine libérale, l'UFML-S estime que les mesures proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux, notamment en ce qui concerne le virage ambulatoire et la rémunération des médecins. Le syndicat souligne l'insuffisance de l'enveloppe budgétaire et l'absence de revalorisation tarifaire significative.
Médecins pour demain est sur la même position. "Cette lettre ne nous convient toujours pas", a expliqué le Dr Guillaumin. "Entre les lignes, il y a de nouveau des problèmes concernant le budget de la santé, sur la création de forfaits… On veut nous réapprendre notre métier. Donc nous ne sommes toujours pas satisfaits, mais nous sommes contraints d'arrêter cette grève pour pouvoir entamer les négociations. C'est maintenant que le plus dur commence."
L'examen de la loi Valletoux reporté ?
L'UFML note que le ministre s'engage à veiller à ce que « les discussions autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), comme d'autres textes législatifs, ne puissent affecter la procédure conventionnelle, qui doit être claire, respectueuse et apaisée ».
Cela signifie que le ministre est opposé à l'idée que des aspects majeurs des négociations conventionnelles soient débattus et approuvés par le Parlement en parallèle de ces négociations. En conséquence, l'UFML-S réclame le report de l'examen de la loi Valletoux, prévu au Sénat à partir du 26 octobre, puis en commission mixte paritaire, pour ne pas compromettre les conditions requises pour ces négociations.
« La vigilance demeure totale et la mobilisation intacte » car la loi Valletoux « constitue une menace sérieuse pour l'exercice libéral et l'accès aux soins », affirment les syndicats dans leur communiqué. Soutenue par le gouvernement, cette proposition de loi comporte des dispositifs incitatifs à l'installation dans les déserts médicaux sans nécessairement remettre en question la liberté d'installation des médecins. Mais ce texte propose surtout plusieurs mesures relatives à la participation à la permanence des soins dans les territoires que les syndicats perçoivent comme une menace contre l'exercice libéral.
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