Atlas de la démographie médicale 2023 : la profession de médecin face à une crise d'attractivité selon le CNOM
C’est avec le moral en berne que le Dr François Arnault, président du Conseil national de l'Ordre des médecins, a présenté l'Atlas de la démographie médicale 2023. Et pour cause, il révèle une situation préoccupante pour la profession médicale, avec une baisse du nombre de praticiens actifs, une érosion de l’exercice libéral et une crise d’attractivité de la profession.
Le nombre de médecins en activité régulière a chuté de 1,3 % depuis 2010
Le rapport souligne d’abord une diminution de l’activité régulière des médecins. Bien que le nombre total de médecins inscrits ait augmenté de 8,5 % depuis 2010 pour atteindre 234 028 en 2023, la démographie médicale révèle un affaiblissement des effectifs en activité régulière. Nous comptons en effet 197 417 praticiens en activité régulière, soit une baisse de 1,3 % depuis 2010 et de 0,2 % sur un an. Cette baisse est partiellement compensée par l’augmentation des médecins en activité intermittente (16 452 remplaçants ; soit 60 % depuis 2010) et en cumul emploi-retraite (20 159 soit 260 % depuis 2010).
Cependant, le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, anticipe un déclin probable des retraités actifs dans les années à venir, ce qui ne manquera pas de corser un peu plus les difficultés d’accès aux soins.
Le nombre de généralistes a chuté de 1146 en un an
Sur l’ensemble de l’année 2022, le solde global entre les médecins régulièrement actifs entrants et sortants a affiché un déficit de 394 praticiens, toutes spécialités confondues. Les disciplines qui ont subi les plus fortes pertes d’effectifs sont la médecine générale, avec une diminution de 1 146 médecins, suivie de la chirurgie générale (-328) et de l’ophtalmologie (-119).
Cependant, la situation n’est pas uniforme pour toutes les spécialités. Trente-trois d’entre elles ont enregistré un bilan positif en 2022, avec une mention spéciale pour la médecine d’urgence qui a gagné 363 médecins, la médecine vasculaire ( 218) et la gériatrie ( 214).
Le deuxième point notable est l’augmentation significative de la proportion de spécialistes (hors médecine générale) en exercice. Ils représentent maintenant 58 % des praticiens, avec 45,2 % de spécialistes médicaux et 12,8 % de spécialistes chirurgicaux, contre seulement 52 % en 2010. Parallèlement, la part des médecins généralistes a décliné pour atteindre 42 % en 2023, contre 47 % en 2010.
Ce changement dans la répartition des médecins par spécialité affecte directement l’offre de soins en France. La diminution du nombre de médecins généralistes risque d’exacerber le problème des déserts médicaux. De même, l’augmentation du nombre de spécialistes médicaux et chirurgicaux pourrait conduire à une concentration de l’offre de soins dans certaines régions, au détriment de zones moins bien pourvues.
L'augmentation du nombre de médecins à diplôme étranger
Le nombre de médecins à diplôme étranger en activité régulière a augmenté de manière significative, passant de 7,1% des inscrits au tableau de l’Ordre en 2010 à 12,5% en 2023. Ces médecins sont particulièrement présents dans les départements du bassin parisien.
Vers une profession de plus en plus féminisée et rajeunie
Les femmes médecins en activité régulière sont déjà majoritaires et cette tendance devrait s’accentuer si l’on considère l’ensemble des médecins en exercice. Au 1er janvier 2023, le nombre de femmes médecins en activité régulière s’élevait à 100 928 contre 96 489 hommes. Le taux de féminisation a atteint 51,1 %, marquant une progression de 10,1 points en 13 ans.
En parallèle, la profession médicale se rajeunit. En effet, l’âge moyen des médecins est de 48,6 ans en 2023, contre 50,2 ans en 2010. Le nombre de praticiens de moins de 40 ans a presque doublé entre 2010 et 2023, passant de 15,7 % à 29,6 %.
Ce rajeunissement s’accompagne également d’un changement dans les modes d’exercice, avec une préférence croissante pour le salariat et une diversification des spécialités choisies.
Le salariat gagne en attractivité
L’activité régulière salariée gagne du terrain parmi les médecins. En 2010, 41,9 % des médecins en activité régulière étaient salariés. En 2023, cette proportion s’élève à 48,2 %. Parallèlement, le nombre de médecins en activité régulière ayant un statut libéral exclusif a diminué de 11,8 % entre 2010 et 2023, et celui des mixtes de 12,6 %, tandis que celui des praticiens salariés a connu une hausse de 13,4 % sur cette même période.
L’activité salariée est surtout privilégiée par les spécialistes médicaux (61,9 %). Les médecins généralistes restent en faveur de l’exercice libéral, à 56,3 %. Cependant, l’attrait pour l’activité libérale s’estompe, ce qui pourrait aggraver le problème des déserts médicaux.
Des disparités territoriales toujours présentes
Selon l’Atlas de la démographie médicale, les disparités territoriales dans la répartition des médecins restent une réalité, s’accentuant même. Certaines régions, notamment le Centre, la Bourgogne–Franche-Comté et la Normandie, sont moins bien pourvues en médecins que d’autres, telles que l’Île-de-France et la Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’Atlas met en lumière la persistance de la « diagonale du vide », s’étendant du nord-est à l’intérieur du sud-ouest de la France. Cette diagonale correspond aux zones où la densité médicale est la plus faible. Les départements les plus mal lotis en termes de densité médicale sont l’Indre, l’Eure et l’Ain, tandis que les mieux dotés sont Paris, les Hautes-Alpes et le Rhône.
Des études de médecine délaissées en cours de route et à l’achèvement du cursus
Si le Dr Mourgues convient de l’incertitude des projections démographiques, étant donné la nature instable des données à leur disposition il a néanmoins pointé du doigt des signes préoccupants d’abandon des études de médecine. Cette situation pourrait selon lui être liée aux récentes réformes des premiers cycles des études médicales même si le phénomène concerne aussi les infirmiers. Le Dr Mourgues a admis la difficulté d’obtenir des informations précises sur les abandons au cours des études ce qui laisse peu de place pour une analyse précise et exhaustive.
Le Dr François Arnault, de son côté, a exprimé son inquiétude face au phénomène d’abandon à l’issue des études. Après une décennie de formation et l’obtention d’une qualification, il s’inquiète de voir des médecins fraîchement diplômés qui choisissent de ne pas exercer leur métier. Ces signes doivent servir de sonnette d’alarme pour les parlementaires et le gouvernement, soulignant que le désintérêt croissant des jeunes étudiants et médecins diplômés était lié aux conditions actuelles d’exercice de la profession. « la désaffection des jeunes étudiants et des jeunes médecins diplômés se fait sur les conditions d’exercice » a-t-il martelé.
Il redoute enfin que les projections démographiques ne fassent qu’empirer si le gouvernement et les députés ajoutent encore de nouvelles contraintes aux médecins libéraux.
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