Vaccin anti-covid : l’académie de médecine redoute une perte d’efficacité si l’administration de la seconde dose est différée
Pour maximiser le nombre de personnes primo vaccinées, le gouvernement envisage de différer de 3 semaines supplémentaires l’administration de la seconde dose du vaccin de Pfizer/BioNTech contre la Covid-19 par rapport aux recommandations du fabricant. L’académie de médecine s’en inquiète et recommande de se conformer autant que possible au schéma vaccinal validé dans l’étude de phase 3.
Le vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech est autorisé en Europe depuis le 21 décembre 2020 et son schéma d’administration repose sur deux doses espacées d’au moins 21 jours. La campagne vaccinale a débuté en France, le 27 décembre dernier.
Le 7 janvier, l’ANSM a publié un avis sur ce vaccin stipulant que si le maintien des deux doses est nécessaire, le délai d’administration de la seconde dose peut être envisagé entre 21 et 42 jours au vu des circonstances actuelles spécifiques, afin d’élargir la couverture vaccinale des personnes prioritaires.
Cet avis fait écho à la décision du Royaume-Uni de reporter de 12 semaines l’administration de la seconde dose afin d’accélérer le déploiement des doses de vaccins disponibles, d’élargir la couverture vaccinale et d’assouplir la gestion des stocks, notamment en levant la nécessité de garder en stock les doses destinées aux secondes injections.
Il confirme également l’avis de l’OMS et de l’Agence européenne du médicament acceptant que le délai de 21 jours entre l’administration des deux doses du vaccin Comirnaty® soit retardé de quelques semaines afin d’augmenter le nombre de personnes pouvant bénéficier d’une première dose.
Si dans le protocole de l’étude de phase 3, le délai d’administration de la seconde dose était fixé de 19 à 42 jours, l’intervalle recommandé par le fabricant était de 21 jours.
Pour l’académie de médecine, cette modification du schéma vaccinal n’est pas sans risque
« L’expérience acquise en vaccinologie montre que l’administration tardive d’une injection de rappel ne compromet pas son efficacité puisqu’elle est généralement suivie d’une réascension rapide du titre d’anticorps et d’un renforcement durable de l’immunité protectrice.
En revanche, dans le contexte actuel de recrudescence épidémique, c’est la persistance d’un taux d’immunité faible, voire insuffisant, pendant les semaines supplémentaires précédant la seconde injection qui doit être prise en considération. Le risque individuel d’aggravation par “anticorps facilitants” doit être évoqué quand l’infection survient chez une personne ayant un faible taux d’anticorps neutralisants, le report de la deuxième injection prolongeant cet état de réceptivité accrue. Au plan collectif, l’obtention d’une couverture vaccinale élargie, mais fragilisée par un faible niveau d’immunité, constituera un terrain favorable pour sélectionner l’émergence d’un ou de plusieurs variants échappant à l’immunité induite par la vaccination.
Compte tenu des avantages et des risques potentiels liés à la pratique hors AMM consistant à différer la deuxième injection des vaccins contre la Covid-19, l’Académie nationale de médecine recommande :
— de se conformer autant que possible au schéma vaccinal prescrit par le fabricant (21 jours pour Pfizer/BioNTech, 28 jours pour Moderna) ;
— de ne différer l’injection de la seconde dose que si les circonstances l’exigent (manque de doses disponibles) et sans excéder un dépassement de 3 semaines ;
— de réserver cet élargissement aux personnes âgées de moins de 50 ans et ne présentant aucun facteur de risque de forme grave de Covid-19 ;
— de prescrire un renforcement des mesures barrière pour que toute personne vaccinée évite d’être infectée avant l’administration de la seconde dose ;
— d’évaluer l’impact de cet élargissement sur l’augmentation du nombre de personnes primovaccinées chaque semaine. »
Une gestion de la pénurie et un manque d’anticipation ?
Ce changement de schéma vaccinal a de quoi interroger. Se pourrait-il qu’il soit dicté par une pénurie ou un défaut d’anticipation ?
Se référant à la pénurie de masques lors de la première vague épidémique, Xavier Bertrand, ancien ministre de la Santé évoque « un désagréable sentiment qu’il y a une pénurie de vaccins , un manque de commandes et qu’on est en train, encore une fois, d’avoir une doctrine qui est fixée par la pénurie. Il faut dire la vérité »
Thierry Prazuck, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital d’Orléans redoute également que le nombre de doses disponibles soit bien en deçà des besoins de la population. Il explique dans la république du centre : « Sur chacun des sites, on pourrait potentiellement vacciner 1 000 personnes, mais le problème qui va se poser est que l’on va manquer de doses. Il y a plus de 62 000 personnes dans le Loiret qui ont plus de 75 ans. D’ici la fin du mois, on nous promet 12 000 doses [en plus des 9000 déjà livrées] Comment fait-on ? »
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