Une nouvelle arme contre l’alopécie : des greffes pour induire la croissance de nouveaux follicules pileux

Des chercheurs ont réussi à induire la croissance de nouveaux follicules pileux du cuir chevelu en réalisant une greffe de tissu conjonctif péri-pilaire entre un donneur et un receveur non apparentés et de sexe différent. Cette avancée, relatée dans la dernière livraison de Nature, ouvre la voie à une approche thérapeutique radicalement nouvelle dans l’alopécie.

Cette ‘première’ a été réalisée par l'équipe de Colin Jahoda de l’Université de Durham (Grande-Bretagne), en collaboration avec des chercheurs dermatologues de la Royal Victoria Infirmary de Newcastle upon Tyne et de l’Université Columbia de New York.

Ces chercheurs ont effectué des biopsies au punch pour obtenir des fragments cylindriques de cuir chevelu. Les racines des follicules pileux, débarrassés des éléments épithéliaux, ont été retournées comme un doigt de gant afin de récupérer la papille dermique et le tissu conjonctif qui engaine le follicule pileux et la papille dermique. C’est ce seul tissu conjonctif dermique, situéà la base du follicule, qui a été utilisé pour la greffe.

Une deuxième greffe a été réalisée cinq mois plus tard à partir du même donneur masculin, puis une troisième à partir d’un second donneur non apparenté. A chaque site d’implantation, la cicatrisation s’est déroulée normalement et aucune réaction inflammatoire n’a été observée.

Au total, 11 implantations superficielles de ce tissu conjonctif péri-folliculaire ont été réalisées à la face interne de l’avant-bras d’une femme. Ce receveur est, comme le donneur, était membre de l’équipe de recherche et immunologiquement incompatible avec ce dernier.

Des cheveux sur les bras

Les chercheurs ont observé au niveau de chaque site d’implantation, " 3 à 5 semaines après la greffe, la production de nouveaux follicules pileux et de fibres ". Contrairement aux poils miniatures, fins et non pigmentés que l’on observe normalement sur l’avant-bras, ces poils étaient " plus grands, plus épais, le plus souvent pigmentés, et poussaient dans différentes directions ".

Aucun des nouveaux follicules n’a présenté de signe de rejet sur les biopsies effectuées entre 41 et 77 jours après la greffe. De plus, l’histologie a montré qu’ils étaient morphologiquement normaux.

Les chercheurs ont isolé en utilisant une technique de microdissection par laser les cellules des papilles dermiques. L’analyse génétique a montré que celles-ci étaient issues d’un donneur masculin (car contenant des marqueurs des chromosomes X et Y), alors que les cellules d’autres régions du même follicule et de l’épiderme situéà proximité provenaient d’un hôte de sexe féminin (XX).

" Nous avons montré qu’à peine quelques centaines de cellules du tissu conjonctif dermique péri-folliculaire du cuir chevelu d’un homme adulte suffisent à former de nouvelles papilles dermiques et de nouveaux follicules pileux dans la peau d’une femme immunologiquement non compatible ", écrivent les auteurs qui soulignent que " ces follicules ont survécu pendant des périodes prolongées sans être rejetés ".

La réussite de cette greffe de cellules dermiques conjonctives pilaires, qui pourrait augurer des développements inédits dans le traitement de différentes formes d’alopécie, tient pour beaucoup aux récents progrès réalisés dans les techniques de microdissection capillaire.

Il est en effet possible aujourd’hui d’isoler les différents constituants des follicules pileux et de se débarrasser, par des techniques mécaniques non invasives et des lavages successifs, des cellules annexes (leucocytes, cellules de Langherans, cellules endothéliales vasculaires) qui peuvent entraîner un rejet de greffe.

Last but not least, le succès de ce type de greffe réside également dans le fait que le tissu conjonctif du bulbe pilaire appartient aux rares tissus humains " privilégiés sur le plan immunitaire " et qui, transplantés chez un receveur non apparenté, ne sont pas rejetés.

Source : Nature, 1999, Vol. 402, 4 novembre 1999, 33-34.