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Les responsabilites encourues dans le cas du suicide d'un patient.
Carine DURRIEU DIEBOLT, Avocate à la cour

Un patient se suicide au sein d’un établissement de santé.


Qui du médecin traitant, du médecin psychiatre durant l’hospitalisation, de l’établissement ou de l’équipe médical peut être reconnu juridiquement responsable ?

Un arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 2005 fournit une bonne illustration de la répartition des responsabilités : un patient a été hospitalisé à la demande de son médecin traitant en raison d’un état dépressif avec tendances suicidaires. Le patient s’est suicidé durant son séjour en clinique par pendaison en utilisant une sangle de sport laissée en sa possession.

1) La responsabilité du médecin psychiatre :

Le médecin psychiatre doit tout mettre en œuvre pour éviter une tentative de suicide.

Il est tenu à une obligation de moyens.

En l’espèce, la cour de cassation a condamné le médecin psychiatre qui a suivi le patient durant son séjour :

« Il appartient au médecin psychiatre, chargé au sein de l’établissement de santé de suivre le patient, de prescrire les mesures de soins et de surveillance appropriées à son état...

Le médecin psychiatre avait connaissance des risques élevés de suicide par pendaison et il lui incombait dès lors de donner au personnel soignant les informations et instructions nécessaires, notamment quant aux objets que la victime pouvait garder, à la possibilité d’obtenir ou non une chambre individuelle, au contenu et à la fréquence de la surveillance, qui devait, en raison du contexte, être plus étroite qu’à l’accoutumée... »

2) L’absence de responsabilité de l’équipe médicale :

Lorsqu’un médecin prend la direction d’un soin, le personnel médical qui l’assiste se trouve sous sa dépendance et son autorité. L’équipe soignante est subordonnée aux prescriptions du médecin.

En l’espèce, l’étude du cahier infirmier a révélé qu’aucune information particulière n’a été fournie.

Le personnel ne pouvait légalement accéder au dossier médical pour déterminer lui-même les mesures de surveillance nécessaires.

Le personnel n’avait donc pas connaissance des risques d’autolyse.

En conséquence, il ne pouvait lui être reproché aucune faute.

3) La responsabilité des établissements de santé :

De manière générale, on peut distinguer selon que le patient est hospitalisé en service psychiatrique ou non :

- Dans un service psychiatrique, si des idées de suicide sont exprimées, l’obligation de surveillance incombant à l’établissement est renforcée.

Pascale LEGLISE, magistrat au tribunal administratif de Rouen a écrit à cet égard :

«Les établissements accueillant des personnes atteintes de troubles mentaux ont à raison des pathologies présentées par les patients qui sont admis en leur sein, une quasi obligation de résultat quant à la prévention des fugues. Cette obligation se comprend dès lors que la fugue très fréquente en milieu psychiatrique, peut entraîner pour le patient, son entourage ou pour des tiers, des conséquences d’une extrême gravité. Il est donc normal que les hôpitaux accueillant des personnes atteintes de troubles mentaux soient astreints à la mise en place de précautions accrues indispensables pour éviter tout risque lié à cette fugue »

Il a ainsi été jugé : « Alors même que le patient aurait reçu des soins médicaux rendus nécessaires par son état et que le service hospitalier n’aurait pas eu connaissance des tentatives de suicide du patient, l’absence totale de surveillance particulière de nature à prévenir une fuite inopinée constitue, par elle-même, une faute dans l’organisation du service psychiatrique de l’hôpital... qu’il y a lieu... de déclarer cet hôpital responsable de l’entier préjudice subi par Monsieur B du fait de sa défenestration. »  (CAA Paris, 11 juillet 1997, BOURGUIGNON, n° 96 PA 00943).

Ainsi, même sans indications médicales particulières, l’établissement doit assurer une surveillance appropriée. On peut évoquer une obligation générale de prudence :

« Si le juge peut admettre que chaque patient ne doive et ne puisse bénéficier d’un « garde du corps » particulier lors de son séjour hospitalier et qu’il puisse se déplacer librement au sein de l’hôpital dès que son état le lui permet, encore faut-il que le personnel soit concerné par les allées et venues des patients dont il a la charge et s’assure que leur absence au sein du service n’excède pas une durée raisonnable. » (Pascale LEGLISE, magistrat au tribunal administratif de Rouen)

Tout est donc question de juste mesure.

- A l’évidence, pour les établissements non spécialisés en psychiatrie, l’obligation de surveillance est moindre.

Toutefois, dès lors que le patient présente des signes d’agitation ou de déséquilibre, l’établissement même non spécialisé, est tenu d’une obligation de surveillance particulièrement rigoureuse.

Ainsi, en a-t-il été jugé dans une affaire où un patient de 62 ans atteint d’un syndrome confusionnel a été retrouvé mort alors qu’il avait quitté clandestinement le service dans lequel il était hospitalisé (CAA Bordeaux, 8 mars 1998, JANOTA, n° 96 BX 00957) et dans une autre espèce où un patient s’était défenestré après avoir été hospitalisé à la suite d’un accident de la circulation et alors qu’il était dans un état d’agitation extrême (CAA Lyon, 22 juin 1999, SILVESTRE, n° 97 LY 20753).

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