Des chercheurs américains découvrent une nouvelle classe de molécules anti-VIH
Un pas important vers la mise au point de nouveaux médicaments anti-VIH actifs par voie orale et capables d’inhiber l’entrée du virus dans les cellules vient sans doute d’être franchi par des chercheurs américains.
Le Dr Peter Kim et ses collaborateurs du Whitehead Institute for Biomedical Research et du Howard Hugues Medical Institute de Cambridge (Massachusetts) rapportent avoir identifié des composés inhibiteurs de la pénétration cellulaire du VIH-1 ayant pour cible une région très particulière de la protéine d’enveloppe virale gp41. Cette dernière est indispensable au processus de fusion entre les membranes virale et cellulaire.
Ces composés verrouillent une “poche” située à la surface de la protéine gp41 du VIH-1. Cette cavité moléculaire ne se démasque de façon transitoire qu’au moment de la fusion entre le virus et la cellule.
Une poche, talon d’Achille du virus
La découverte de son existence remonte à deux ans. Ces mêmes chercheurs avaient utilisé la cristallographie par rayons X pour élucider la structure tridimensionnelle de la protéine surenroulée gp41. Ils considéraient depuis cette poche comme cible potentielle d’agents anti-VIH. Elle ne comporte que 11 acides aminés et est hautement conservée parmi les isolats VIH-1.
Concevoir par une approche rationnelle des composés inhibiteurs nécessite cependant de pouvoir recréer cette cavité fugitive en laboratoire. Jusqu’à aujourd’hui, les tentatives pour y parvenir avaient échoué.
Les chercheurs ont dans un premier temps conçu une molécule artificielle hybride, le but étant d’obtenir un fragment de la protéine d’enveloppe du VIH qui puisse présenter de façon stable la poche de la gp41.
Ils ont ensuite utilisé une technologie, décrite il y a trois ans, pour identifier des molécules capables d’occuper la poche de la gp41. Baptisée ‘mirror-image phage display’, elle repose sur le principe que toutes les protéines peuvent exister sous deux formes, dont l’une est le miroir de l’autre. Les composés inhibiteurs du VIH synthétisés par les chercheurs sont dextrogyres (D), alors que les acides aminés naturels sont lévogyres (L). Ces peptides-D ont l’avantage de ne pas être sensibles à la dégradation protéolytique.
Les expériences réalisées (cristallographie et RMN des protéines, évaluation du pouvoir infectieux in vitro) montrent que ces composés-D entrent en contact intime uniquement avec la poche de la gp41 et qu’ils se comportent effectivement comme des inhibiteurs de la fusion entre virus et cellule, empêchant donc l’infection rétrovirale de débuter.
Ces résultats valident donc l’hypothèse de départ selon laquelle la cavité présente de façon transitoire à la surface de la gp41 est un site vulnérable du VIH. Ils montrent de surcroît qu’il est possible de s’opposer aux interactions entre protéines virale et cellulaire. Jusqu’à présent, les traitements antirétroviraux disponibles ne bloquent que des activités enzymatiques du virus, en l’occurrence celles de la transcriptase inverse et de la protéase.
Les inhibiteurs identifiés ont un poids moléculaire inférieurs à 500 Daltons, largement compatibles avec une biodisponibilité orale dans la mesure où celle-ci nécessite un poids moléculaire inférieur à 1000 Daltons.
Ces peptides-D n’agissent cependant qu’à des concentrations micromolaires et non nanomolaires, contrairement à d’autres molécules expérimentales anti-VIH. Par ailleurs, leur taille (16 résidus ou plus) n’est pas tout à fait optimale pour une administration par voie orale. La ciclosporine, qui comporte un peptide-D dans sa structure, ne renferme que 11 résidus. Ces deux inconvénients devraient pouvoir être surmontés, estiment les chercheurs qui développent leurs arguments dans leur article publié dans la revue Cell.
Pour le Dr Peter Kim et son équipe, "les composés inhibiteurs identifiés peuvent servir de têtes de série pour développer de nouveaux agents anti-VIH thérapeutiques ou prophylactiques". Par ailleurs, "d’autres équipes peuvent utiliser cette poche de la gp41" pour rapidement identifier parmi des milliers de molécules celles capables de se lier à cette cavité. Enfin, les chercheurs soulignent que leurs résultats "autorisent la découverte rapide d’autres médicaments candidats, de structure chimique radicalement différente, mais de même mécanisme d’action que les peptides-D".
Le Whitehead Institute for Biomedical Research a annoncé qu’il offrira des licences non exclusives aux firmes pharmaceutiques et sociétés de biotechnologies désireuses d’utiliser la molécule artificielle développée par ses chercheurs qui expose la fameuse “poche” de la gp41.
Cell, vol.99, p.103-115, octobre 1999.
Descripteur MESH : Virus , VIH Virus de l'Immunodéficience Humaine , Cellules , Protéines , Peptides , Acides aminés , Cristallographie , Acides , Ciclosporine , Massachusetts , Membranes , Biodisponibilité , Antirétroviraux , Rayons X , Sociétés , Talon , Technologie , Temps , Administration par voie orale