Grippe : des experts américains évaluent l’impact médico-économique de la prochaine pandémie
La prochaine pandémie de grippe aux Etats-Unis pourrait être responsable de 89.000 à 207.000 morts et avoir un impact économique de 71 à 166 milliards de dollars, selon les estimations de chercheurs du Centre de contrôle des maladies d’Atlanta (CDC).
Au cours du 20e siècle, trois pandémies sont survenues : en 1918 (plus de 20 millions de morts), 1957 et 1968. Sachant qu’une autre est quasiment inéluctable dans un avenir plus ou moins proche, des experts des CDC ont évalué les possibles effets de la prochaine pandémie de grippe aux Etats-Unis en termes de décès, de co-morbidité et d’hospitalisations. Ils ont de plus analysé l’impact économique de différentes stratégies vaccinales.
Martin Meltzer et ses collègues du Centre national des maladies infectieuses des CDC ont utilisé un modèle mathématique de simulation pour calculer les nombres de malades et de décès qui pourraient résulter d'une pandémie de grippe. Les taux d’infection et de mortalité sont basés sur ceux des dernières pandémies et épidémies. Les chercheurs ont considéré que le taux d’attaque de la grippe (pourcentage de grippés dans la population générale) pourrait varier entre 15 % et 35 %.
Les auteurs font remarquer que les stocks de vaccin seront probablement limités dans les premiers temps de la pandémie. De plus, même si des quantités suffisantes de vaccins étaient produites pour vacciner toute la population américaine, cela prendrait du temps, surtout si deux doses étaient nécessaires. Cette double dose tient au fait que la pandémie sera causée par un nouveau sous-type de virus grippal.
Le nombre estimé de décès se situerait entre environ 89.000 si le taux d’attaque est de 15 % et à approximativement 207.000 s’il est de 35 %.
Le nombre d’hospitalisations dues à la pandémie se situerait entre 314.000 et 734.000 selon que le taux d’attaque serait de 15 % ou 35 %. Par ailleurs, le nombre moyen de personnes nécessitant des soins ambulatoires serait compris entre 18 et 42 millions. Le nombre de personnes malades mais non soignées se situerait entre 20 et 47 millions.
Les individus appartenant aux groupes à risque (15 % de la population) constitueraient 38 % des personnes hospitalisées. Ils payeraient un lourd tribut à la pandémie, avec environ 85 % de la totalité des décès. Plus précisément, 41 % des décès concerneraient les personnes à haut risque âgées de 20 à 64 ans, ce qui revient à dire que plus de 50 % des morts auraient 65 ans ou plus.
Sans vaccination à vaste échelle, les auteurs estiment que l’impact économique total d’une pandémie de grippe aux Etats-Unis se situerait entre 71,3 milliards (taux d’attaque de 15 %) et 166,5 millions de dollars (taux d’attaque de 35 %). Cela dit, quelque soit le taux d’attaque de la grippe, les décès seraient responsables de 83 % des pertes économiques.
Quatre scénarios de vaccination
Les chercheurs des CDC ont envisagé quatre options en termes de vaccination antigrippale. Le scénario A, qui tient compte des recommandations actuelles, concerne 77,4 millions de personnes. Dans l’option B, le nombre de vaccinés comprend en plus de l’option A 20 millions de personnes à des postes clés dans la société dans un contexte de pandémie (dont 5 millions travaillant dans le secteur de la santé). Enfin, l’option C vise à assurer une couverture vaccinale efficace de 40 % de la population américaine (soit 106,1 millions de vaccinés), alors que le scénario D a pour objectif de parvenir à vacciner 60 % de la population entière des Etats-Unis (159,2 millions de vaccinés).
Les priorités en matière de vaccination dépendent des objectifs que l’on se fixe, soulignent les auteurs. Si le but le plus important est de prévenir le plus grand nombre de décès, il convient de vacciner les groupes à haut risque et les personnes de 65 ans et plus. Si la priorité est en revanche de réaliser le maximum de retour sur l’investissement vaccinal, ce sont en premier lieu les personnes de 0 à 64 ans, quelque leur risque, qui devraient être vaccinées.
Les priorités vaccinales dépendent également des caractéristiques épidémiologiques de la pandémie. En effet, si la souche virale responsable est plus virulente parmi les 20-40 ans, c’est cette tranche d’âge qui sera considérée comme prioritaire pour la vaccination. Evidemment, dans la mesure où l’on ne connaît rien aujourd’hui de l’épidémiologie de la prochaine pandémie, il importe que les critères sur lesquels reposeront les plans d’intervention vaccinale soient flexibles.
Les chercheurs ont mené une analyse coût-efficacité des quatre options vaccinales en chiffrant le montant global, en milliards de dollars, des économies réalisées selon que le taux d’attaque est de 15 % ou 35 %.
Les options C (40 % de vaccinés) et D (60 % de vaccinés) semblent plus égalitaires que l’option A (nombre minimal de vaccinés) et l’option B (Option A + 20 millions de vaccinés). Cependant, cet égalitarisme coûterait beaucoup à la société alors même que les bénéfices de l’option C sont inférieurs à ceux du scénario B.
Quant à l’option D, elle est plus intéressante économiquement que l’option B. Cela dit, vacciner 60 % de la population des Etats-Unis dans un bref délai serait très difficile, surtout si deux doses de vaccin sont nécessaires. En effet, si tel était le cas, le scénario D signifierait qu’il faudrait produire, acheminer et administrer quelque 320 millions de doses de vaccin en 2 à 3 mois, ce qui n’a jamais été réalisé aux Etats-Unis.
Source : CDC : Emerging Infectious Diseases.
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