Rapport 2000 sur la prise en charge thérapeutique de l'infection par le VIH
Le Professeur Jean-François Delfraissy a rendu public hier le rapport 2000 sur la "Prise charge thérapeutique des personnes infectées par le VIH". Ce nouveau rapport, qui constitue par ces principaux aspects une mise à jour de celui édité en 1999 apporte plusieurs éléments nouveaux pour le traitement et les différentes stratégies thérapeutiques. Une importance particulière est donnée à la prise en charge globale du patient.
En raison de l'impossibilité d'éradiquer le virus chez les personnes infectées, la prise en charge s'oriente clairement vers un traitement à moyen et long terme. Selon le Pr Delfraissy, "on quitte le tout infectieux pour une prise en charge plus globale". Le blocage du virus reste bien sûr un objectif majeur et il doit s'accompagner d'une restauration de la réponse immunitaire tout en prenant en compte les effets secondaires des traitements.
Sur un plan épidémiologique, entre 21.000 et 23.000 personnes vivantes étaient atteintes du sida au 31 décembre 1999 selon les estimations. 1.500 nouveaux cas de sida ont été diagnostiqués en 1999, ce qui indique un ralentissement de la diminution des nouveaux cas par rapport aux chiffres de 1997. La mortalité par sida était évaluée à 600 décès en 1999, ce qui porte à 35.500-38.500 le nombre de décès en France depuis le début de l'épidémie. La surveillance de l'infection par le VIH doit faire l'objet d'un effort particulier ainsi que celle des autres maladies sexuellement transmissibles, qui sont un indicateur fiable des comportements à risque.
Quand initier le traitement ?
Le début du traitement chez les personnes symptomatiques n'a pas subi de modification.
Néanmoins, les recommandations ont été reformulées chez les sujets asymptomatiques. L'instauration d'un traitement est recommandée chez les patients asymptomatiques avec un taux de CD4 < 350/mm3 (ou < 20 % des lymphocytes totaux), quelle que soit la charge virale.
Chez les patients avec un nombre de CD4 > 350/mm3, l'instauration d'un traitement peut être différée lorsque la situation immuno-virologique est stable et suivie. Trois combinaisons d'antirétroviraux peuvent être utilisées en première intention : 2 IN + 1 IP ; 3 IN ou 2 IN + 1 INN. (IN = inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse ; INN = inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse ; IP = inhibiteur de la protéase).
Le Pr Delfraissy a également évoqué l'association ritonavir faible dose + IP, qui permet d'augmenter de façon importante la concentration maximale de l'IP et de réduire la fréquence de ses prises ou sa posologie. Cette association est de plus en plus fréquente mais l'on dispose actuellement d'un recul limité. Dans le cas d'une telle association, des dosages plasmatiques doivent être conduits en début de traitement puis répétés régulièrement.
Les interruptions thérapeutiques programmées toujours controversées
Les interruptions thérapeutiques programmées doivent être différenciées selon deux cas distincts. Chez les patients en échec virologique (6-8 %), l'interruption a pour objectif de restaurer un gain de sensibilité aux antirétroviraux par réversion du virus résistant vers un type sauvage. Ce type d'interruption ne peut être proposé que dans le cadre d'essais cliniques et sous certaines conditions.
Chez les patients bien traités et stabilisés, les interruptions programmées et répétées doivent entraîner une stimulation de la réponse immune anti-VIH des CD4 et CD8. Les essais menés semblent indiquer qu'il n'y a pas d'effet délétère majeur mais il est trop tôt pour juger définitivement de l'efficacité immunologique de ces interruptions programmées. Ces interruptions ne doivent être réalisées que dans le cadre d'essais cliniques rigoureux et désormais indispensables.
En cas d'interruption décidée par le patient (effets secondaires ou lassitude), l'équipe médicale devrait informer le patient des risques encourus.
Les tests génotypiques utiles dans certaines situations
Ces tests ne sont recommandés que lorsqu'un changement de traitement est envisagé. Leur interprétation doit être réalisée par des cliniciens et virologues spécialisés. Ils sont recommandés dans les échecs aux premiers traitements, mais pas pour un traitement initial ou les échecs multiples. Les échecs multiples ne laissent qu'un choix thérapeutique limité quels que soient les résultats des tests génotypiques.
Quant aux tests phénotypiques, ils ne peuvent être actuellement accomplis en routine et ils ne semblent pas plus efficaces que les tests génotypiques, indique le rapport 2000.
L'immunothérapie toujours au stade de la recherche
L'objectif de l'immunothérapie et de stimuler les réponses immunitaires. Comme l'a rappelé le Pr Delfraissy, "les antirétroviraux restaurent de façon incomplète la réponse au virus". L'objectif est d'atteindre un équilibre immuno-virologique. Trois stratégies sont envisagées et à l'étude : l'interleukine-2 (IL-2) associée à une stimulation immunitaire non spécifique, la stimulation spécifique contre le VIH par certains "vaccins" non préventifs et les interruptions thérapeutiques programmées et répétées. Ces trois stratégies doivent faire l'objet de nouveaux essais.
La qualité de vie du patient : un aspect incontournable
Plus de la moitié des patients présentent des anomalies métaboliques dont les mécanismes sont encore mal expliqués. Le rapport 2000 recommande, dès le début du traitement, de réaliser un bilan des risques cardio-vasculaires et "d'instaurer une stratégie de prise en charge : arrêt du tabac, contrôle du surpoids, mesures diététiques, traitement de l'HTA, exercice physique".
On assiste actuellement à une augmentation du nombre de grossesses chez les patientes séropositives pour le VIH. La trithérapie permet de réduire à 2 % le taux de transmission materno-fœtale mais les patientes doivent être averties des risques de toxicité potentielle des antirétroviraux. Néanmoins, "la multithérapie est réalisable durant la grossesse", a expliqué le Pr Delfraissy.
La prise en charge de la co-infection par le VHC insuffisante ?
L'infection par le virus de l'hépatite C est fréquente chez les porteurs du VIH. Cette co-infection accroît le risque de décès. Le Pr Delfraissy a souligné que le dépistage du VHC chez les personnes infectées par le VIH était fréquent, mais qu'il devait devenir systématique. Les biopsies hépatiques sont encore peu fréquentes et la collaboration entre les infectiologues et les hépatologues doit être renforcée. Par ailleurs, de nombreux patients décèdent de cirrhose et la prise en charge de l'alcoolisme doit être favorisée.
L'infection au VIH est une maladie au long cours qui nécessite une prise en charge globale du patient tout en conservant comme objectif premier l'établissement d'un équilibre immuno-virologique couplé à une réduction maximale et prolongée de la réplication du VIH.
Source : Conférence de presse du Secrétariat d'Etat à la Santé et aux Handicapés (30/11/2000). Rapport 2000 Prise en charge thérapeutique des personnes infectées par le VIH, Médecine-Sciences; Flammarion.
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