Cannabidiol et traitements médicamenteux : un risque d’interactions à ne pas négliger
Une substance active banalisée, mais non anodine
Le cannabidiol (CBD), extrait du chanvre, est disponible librement en France depuis 2015 sous des formes variées : huiles sublinguales, tisanes, gélules, confiseries, produits alimentaires ou e-liquides. Ces produits ne sont pas des médicaments et ne disposent d’aucune autorisation de mise sur le marché à visée thérapeutique. Néanmoins, leur consommation est en hausse, souvent dans une recherche d’apaisement, de détente ou de réduction du stress.
Entre 2017 et 2023, les centres antipoison ont recensé 58 cas d’interactions entre du CBD et des médicaments. Sur la seule période 2021-2022, quatre cas graves ont été signalés aux centres régionaux de pharmacovigilance et aux centres d’addictovigilance. Ces chiffres sont probablement largement sous-estimés en raison de l’automédication fréquente et du faible réflexe de signalement.
Des interactions multiples avec des médicaments courants
Le CBD influence l’activité enzymatique hépatique, notamment les cytochromes P450, ce qui peut ralentir ou accélérer le métabolisme de certains médicaments. Résultat : leur concentration dans l’organisme peut varier de manière imprévisible, augmentant le risque d’inefficacité ou de toxicité.
Parmi les classes thérapeutiques concernées figurent :
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Analgésiques (tramadol, morphine)
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Antiépileptiques (valproate, lamotrigine, phénytoïne...)
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Antidépresseurs (amitriptyline, citalopram, escitalopram, bupropion)
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Antipsychotiques (clozapine, lithium)
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Benzodiazépines et apparentés (clobazam, zolpidem, lorazépam)
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Anticoagulants oraux (warfarine, fluindione, dabigatran)
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Immunosuppresseurs (tacrolimus, sirolimus)
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Antibiotiques et antifongiques (rifampicine, griséofulvine)
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Traitements thyroïdiens, hypolipémiants, anesthésiques, etc.
La liste n’est pas exhaustive et d’autres médicaments peuvent être concernés.
Recommandations pour les patients
Les patients doivent être clairement informés que le CBD, quelle que soit sa forme ou la fréquence de sa consommation, peut interagir avec leur traitement. Quelques règles de base peuvent être rappelées en consultation ou à l’officine :
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Informer systématiquement leur médecin ou pharmacien en cas de consommation de produits à base de CBD, même occasionnelle.
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Être attentif à toute modification de l’effet de leur traitement (efficacité moindre, effets indésirables nouveaux ou amplifiés).
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Cesser immédiatement le CBD et consulter un professionnel de santé en cas de symptômes inhabituels : nausées, diarrhée, vertiges, somnolence, fatigue inexpliquée, maux de tête, idées noires, ou crise d’épilepsie.
Ces effets peuvent survenir même après une consommation modérée et différée du CBD. Le caractère "naturel" du produit ne le rend pas inoffensif.
Un rôle d’alerte et d’encadrement pour les soignants
Les pharmaciens, souvent premiers interlocuteurs, peuvent questionner les patients sur leur usage du CBD, notamment en cas de prescription de médicaments à marge thérapeutique étroite. L’apparition d’effets secondaires doit alerter sur une interaction possible.
De leur côté, les médecins doivent intégrer la consommation de CBD dans l’interrogatoire clinique, y compris pour des symptômes non spécifiques. L’identification d’une interaction potentielle peut permettre d’éviter des erreurs diagnostiques ou des ajustements inappropriés de traitement.
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