Près d’une infirmière sur deux quitte l’hôpital ou change de métier après dix ans de carrière
Les indicateurs d’une crise systémique dans la santé sont de plus en plus nombreux. C’est au tour de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) d’en dévoiler un nouveau. Dans une étude publiée ce jour, elle met en exergue une tendance préoccupante concernant les trajectoires professionnelles des infirmières en France. Entre 1989 et 2019, près d'une infirmière sur deux quitte l'hôpital ou change de métier après dix ans de carrière.
L'hôpital, pilier du système de santé français, est confronté à de nombreux défis. Entre les contraintes budgétaires, les évolutions technologiques et les attentes croissantes des patients, l'environnement hospitalier est en constante mutation. Dans ce contexte, les infirmières, actrices centrales du parcours de soins, jouent un rôle majeur. Pourtant, leur engagement envers l'hôpital semble s'affaiblir.
Des chiffres qui interpellent
L'étude de la DREES révèle des chiffres inquiétants. Si l'on se penche sur la période de 1989 à 2019, seulement 54% des infirmières ayant débuté leur carrière à l'hôpital y sont toujours après dix ans. Cette fidélité à l'hôpital est en baisse, surtout si on la compare à la décennie précédente où elle atteignait 60%. Cette tendance à quitter l'hôpital est d'autant plus marquée que les infirmières progressent dans leur carrière.
Dix ans après avoir débuté en tant qu'infirmière hospitalière, 71% de ces professionnelles demeurent salariées à part entière. En revanche, sur les 29 % restantes, la répartition est la suivante : 10 % ont choisi la voie libérale exclusivement, 2 % combinent activité libérale et salariat, 3 % se sont reconverties dans une autre profession en tant qu’indépendantes, 2 % jonglent entre un métier indépendant différent et un poste salarié, et 11 % ne sont plus en activité, que ce soit pour des raisons de chômage, d’inactivité ou parce qu’elles ont quitté le territoire, par exemple pour l’étranger.
La maternité, un tournant dans la carrière
L’étude de la DREES souligne également l’impact de la maternité sur la carrière des infirmières. Si devenir mère ne les pousse pas nécessairement à quitter l’emploi salarié, cela les conduit à réduire leur volume de travail. La naissance d’un enfant entraîne une diminution du temps de travail, impactant ainsi leur carrière sur le long terme.
L’attrait du libéral et d’autres horizons
L’une des raisons majeures de cette évolution est l’attrait croissant pour l’exercice libéral. L’étude montre que dix ans après le début de leur carrière, 17 % des infirmières ont opté pour un statut d’indépendant. Parmi elles, 10 % exercent en tant qu’infirmières libérales à titre exclusif. Cette aspiration à l’indépendance est nettement plus marquée chez les infirmières que dans d’autres professions. Mais pourquoi un tel engouement pour le libéral ? Plusieurs raisons peuvent être évoquées : la recherche d’une meilleure qualité de vie, une rémunération potentiellement plus élevée, une plus grande autonomie dans l’organisation du travail ou encore le désir d’un contact plus proche avec les patients.
Mais le libéral n’est pas la seule alternative. Certaines infirmières choisissent de se réorienter vers d’autres secteurs, que ce soit au sein d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), dans l’administration publique, ou même en intérim. D’autres encore décident de changer complètement de métier, cherchant à s’éloigner des contraintes et des pressions du milieu hospitalier.
Redonner de l’attractivité à la profession
L’hôpital est confronté à de nombreux défis qui peuvent influencer la décision des infirmières de rester ou de partir. Les conditions de travail, souvent décrites comme éprouvantes, sont en tête de liste. La charge de travail, les horaires décalés, la pression constante et le stress sont autant d’éléments qui peuvent peser dans la balance. De plus, le sentiment de ne pas être reconnues à leur juste valeur, tant sur le plan professionnel que salarial, est un facteur de mécontentement récurrent.
Dans un communiqué publié ce jour, le Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI) explique que les infirmières françaises demeurent sous-payées par rapport à leurs homologues européennes, avec une tentation grandissante de migrer vers des pays offrant de meilleures rémunérations. De plus, confrontées à un sous-effectif chronique (60 000 postes sont vacants) et à des conditions de travail de plus en plus précaires, nombre d’entre elles considèrent l’hôpital comme une « usine à soins », où la qualité des soins et la sécurité des patients sont mises à mal.
Les conclusions de la DREES résonnent avec celles d’une enquête menée par l’IFOP en mars 2023. Selon cette dernière, une majorité écrasante, soit plus de 60 % des infirmières, exprime un mécontentement face à leur situation professionnelle et plus d’une sur deux envisage une réorientation professionnelle. Plus de 20 % d’entre elles envisagent de quitter totalement le secteur de la santé. Interrogées sur leur parcours, 65 % affirment qu’elles ne feraient plus le choix de cette carrière si c’était à refaire. Malgré l’importance et la reconnaissance de leur métier au sein de la société, le sentiment de désenchantement est manifeste.
Face à cette tendance qui semble s’accentuer, il est essentiel de se poser la question des solutions pour retenir les infirmières à l’hôpital. Si plusieurs pistes peuvent être envisagées, seule une approche globale, combinant des mesures financières, organisationnelles et humaines, semble à même de redonner du sens et de l’attractivité à la profession infirmière et de garantir la pérennité du système de santé.
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