En France, trop de médicaments sont prescrits durant la grossesse
Une étude française, qui sera publiée le 18 novembre dans le Lancet, montre que les femmes enceintes françaises reçoivent trop souvent des médicaments pour lesquels les risques pour le fœtus sont supérieurs aux bénéfices recherchés. Cette étude montre aussi qu'il en est de même pour les médicaments dont le profil de sécurité n'a pas été évalué durant la grossesse.
Isabelle Lacroix et des collaborateurs de la Faculté de Médecine de Toulouse ont procédé à une étude rétrospective des prescriptions médicales de 1.000 grossesses. Les auteurs ont utilisé les données archivées à la Caisse d'Assurance Maladie de Haute-Garonne. Les prescriptions avaient été établies par le médecin de famille dans 49 % des cas et par un gynécologue dans 41 % des cas.
Les résultats montrent que 99 % des femmes ont reçu au moins une prescription de médicament durant leur grossesse. En moyenne, 13,6 spécialités différentes ont été prescrites par grossesse.
De plus, 1,6 % des femmes ont reçu un médicament tératogène dans l'espèce humaine. Les auteurs citent pour exemple le misoprostol (un cas), le clomifène (3 cas) et l'œstradiol ou l'œstriol (9 cas).
Outre ces médicaments aux propriétés tératogènes avérées, 59,3 % des femmes enceintes avaient reçu des médicaments pour lequel le risque fœtal était connu mais dont les bénéfices pouvaient être acceptables malgré le risque. Parmi ces médicaments, on retrouve le phénobarbital comme sédatif (9 cas), de fortes doses d'aspirine ou d'anti-inflammatoires non-stéroïdiens durant le 3° trimestre (27 cas), la quinine pour le traitement des crampes (3 cas), des inhibiteurs de l'enzyme de conversion au 2° et 3° semestre (2 cas). Tétracyclines, aminosides et benzodiazépines ont également été prescrits, ajoutent les auteurs.
Enfin, 78,9 % des femmes ont été exposées à des produits pour lesquels le profil de sécurité durant la grossesse n'a été établi ni chez l'animal ni chez l'homme (aucune donnée publiée). Si on exclue les médicaments homéopathiques, 77,5 % des femmes ont été exposées à ces produits non évalués, principalement à base de plantes (phytothérapie).
Selon les auteurs, ces résultats soulignent l'importance, chez les femmes françaises, des prescriptions de médicaments potentiellement dangereux ou non évalués durant la grossesse.
"L'utilisation des médicaments chez les femmes enceintes françaises doit faire l'objet d'un suivi continu et les médecins et les femmes enceintes devraient être attentifs aux risques potentiels pour le fœtus", concluent-ils.
Dans un article qui commente ces résultats, Françoise Haramburu et des confrères du Département de pharmacologie de l'Université Victor Ségalen (Bordeaux) soulignent que "tous les médicaments ne sont pas inutiles ou dangereux pendant la grossesse. Il y a besoin évident d'information supplémentaire et d'éducation des prescripteurs et des femmes (avant la grossesse) sur la prise rationnelle de médicaments pendant la grossesse".
Source : Lancet 2000;356:1735-36,1704
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