Euthanasie et suicide médicalement assisté : l'état psychologique du patient est déterminant
Plus de la moitié des patients en phase terminale soutiennent le recours à l'euthanasie ou au suicide médicalement assisté dans une situation hypothétique. Cependant, ils sont seulement 10,6 % à l'envisager sérieusement pour leur propre personne. Une étude publiée aujourd'hui dans le Journal of American Medical Association a identifié plusieurs facteurs pouvant influencer l'attitude des patients face à ces deux éventualités.
Dans cette étude, le Dr E. Emanuel (NIH, Bethesda) et deux confrères ont interrogé près de 1.000 patients sur leur sentiment face à l'euthanasie ou au suicide sous assistance médicale.
Sur les 988 patients en phase terminale, 60,2 % estimaient que, dans certaines situations, l'euthanasie ou le suicide médicalement assisté était envisageables. Néanmoins, seuls 10,6 % d'entre eux l'avaient sérieusement envisagé au vu de leur situation.
Selon l'avis de l'entourage de 256 patients décédés par la suite, 5,6 % des patients avaient demandé à leur médecin une procédure d'euthanasie ou un suicide médicalement assisté. Parallèlement, 2,5 % avaient amassé des médicaments. Finalement, seulement un patient a eu effectivement recours à l'euthanasie ou au suicide sous assistance médicale. Un autre patient a fait une tentative de suicide et un autre a demandé à plusieurs reprise de mettre fin à ses jours, mais sa demande a été refusée par la famille et le médecin.
Selon les auteurs, "les patients qui se sentaient appréciés, âgés de 65 ans ou plus ou qui étaient afro-américains étaient plus réticents à envisager l'euthanasie ou suicide médicalement assisté".
Par contre, un état dépressif, un besoin d'assistance important et la douleur étaient positivement liés à une attitude en faveur de l'euthanasie ou du suicide sous assistance médicale.
Certains patients ont été de nouveau interrogés deux à six mois après leur premier entretien. La moitié de ceux qui envisageaient initialement une de ces deux procédures avait changé d'avis. Un nombre équivalent restait sur ses positions initiales."Les patients avec des symptômes dépressifs étaient plus enclins à changer d'opinion", notent les auteurs. A ce moment là, 5 % de ceux qui étaient initialement contre ces procédures les envisageaient désormais.
"Malgré un soutien de l'entourage pour l'euthanasie ou le suicide médicalement assisté, moins de 20 % de ceux qui jugeaient ces options éthiques étaient prêts à aider un membre de leur famille à mettre fin à ses jours", écrivent les auteurs. Selon eux, ceci pourrait refléter la crainte de poursuites ou être l'expression d'un certain doute face à cette action. "Mais cela pourrait aussi refléter la charge émotionnelle liée à la conduite réelle d'une euthanasie ou d'un suicide assisté", ajoutent-ils.
Cette étude montre que l'euthanasie et le suicide sous assistance médicale sont des sujets d'intérêt pour les patients en phase terminale. Elle montre également que peu de patients l'envisagent sérieusement et que leur attitude peut varier au cours de la progression de la maladie. Selon Emanuel et al, l'état psychologique du patient est un élément clé lorsqu'une demande d'euthanasie ou de suicide sous assistance médicale est formulée.
Source : JAMA 2000;284:2460-2468
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