Cancer du poumon et mutation du gène p53 : les facteurs physiologiques sont-ils prépondérants ?
Il est communément admis que le risque carcinogène du tabac est du à l'action mutagène de certains composés sur des gènes liés au cancer, tels que p53. Cependant, une étude parue dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences propose une autre explication. Les composés polycycliques contenus dans la fumée de cigarette n'induiraient pas directement plus de mutations sur le gène p53. Selon les chercheurs, le stress physiologique aggravé par le tabagisme serait la cause principale des cancers du poumon associés à une altération du gène p53.
Ce travail ne remet pas en cause l'augmentation du risque de décès par cancer du poumon chez les fumeurs, mais il en propose une nouvelle expication.
Dans leur article, Rodin et al ont étudié et caractérisé les mutations du gène p53 retrouvées dans les tumeurs pulmonaires de patients fumeurs et non-fumeurs atteints d'un cancer du poumon. Cette analyse a été réalisée grâce à une banque de donnée sur p53 et à un examen de la littérature médicale.
Le point de départ des chercheurs est clair : si les composés polycycliques de la fumée de cigarette induisent des mutations spécifiques dans le gène p53, il serait normal de retrouver des mutations différentes chez les sujets fumeurs et non-fumeurs atteints d'un cancer du poumon. Cette hypothèse a été testée par les chercheurs.
Aucune différence significative sur le gène p53 n'a été retrouvée entre les fumeurs et les non-fumeurs. La fréquence des différents types de mutations était similaire ainsi que leur fréquence d'apparition dans les tumeurs étudiées, que les patients soient fumeurs ou non-fumeurs. De plus, les deux catégories de patients présentaient le même taux de mutations silencieuses.
"Ces résultats soulèvent le besoin de revoir l'étiologie des cancers du poumon, liés au tabac, et avec des mutations de p53", précisent les auteurs. Ils ajoutent que ces résultats n'excluent pas le rôle carcinogène direct des dérivés polycycliques. Il s'agit plutôt de mettre en avant le rôle de "sources endogènes de mutations, telles que les lésions oxydatives de l'ADN et les stress non-génotoxiques".
Selon les auteurs, le tabagisme alourdit le poids de ces facteurs endogènes, ce qui favorise la sélection de cellules tumorales porteuses de mutations dans les gènes de réponse au stress, tel que p53.
"Bien que les cancers du poumon avec des mutations de p53 soient plus fréquents chez les fumeurs que chez les non-fumeurs, la sélection facilitée [des cellules tumorales] plutôt que le taux de mutation pourrait expliquer cette différence dans les tissus blessés par le tabagisme".
Source : Proc Natl Acad Sc USA 2000;97:12244-12249
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