Tamoxifène et prévention du cancer du sein : des risques à ne pas écarter lors d'un traitement de longue durée
Le tamoxifène est largement utilisé dans la prévention et le traitement du cancer du sein. Cependant, l'usage à long terme du tamoxifène augmente le risque de cancer de l'endomètre. Une étude néerlandaise montre que les traitements de longue durée à base de tamoxifène sont associés à des cancers de l'endomètre de plus mauvais pronostic. Selon les auteurs, ce résultat pose la question de l'utilisation du tamoxifène comme agent préventif du cancer du sein chez les femmes en bonne santé.
Bergam et al présentent dans la dernière parution du Lancet une étude sur le risque et le pronostic de cancer de l'endomètre chez des femmes avec un cancer du sein et sous tamoxifène.
Bien que leurs résultats indiquent qu'une utilisation prolongée de tamoxifène augmente le risque de cancer de l'endomètre de pronostic péjoratif, ces auteurs soulignent que "le bénéfice du tamoxifène sur la survie des femmes avec un cancer du sein reste plus important que l'accroissement de la mortalité due au cancer de l'endomètre". Leurs résultats ne remettent aucunement en question le tamoxifène dans le traitement de cancers du sein établis mais soulignent les risques dans le traitement préventif des femmes à haut risque.
Leurs travaux portaient sur l'examen de 309 femmes avec un cancer de l'endomètre après un cancer du sein ("cas") et sur 860 patientes "contrôle" avec un cancer du sein mais pas de cancer de l'endomètre. Le tamoxifène avait été utilisé chez 36,1 % des cas et 28,5 % des sujets contrôles.
Le risque de cancer de l'endomètre était lié à la durée d'utilisation du tamoxifène : le risque relatif (RR) de cancer de l'endomètre était égal à 2 (1,2-3,2) pour un traitement de 2-5 ans et à 6,9 pour une durée supérieure à 5 ans (par rapport aux sujets qui n'étaient pas sous tamoxifène).
Les cancers de l'endomètre de stade III ou IV étaient plus fréquents dans le cas de traitements (tamoxifène) de plus de 2 ans (17,4 %) que chez celles qui n'en utilisaient pas (5,4 %).
De plus, ces traitements à long terme étaient associés à des analyses moins favorables (type histologique, expression de p53 et concentration en récepteur aux estrogènes).
Enfin, la survie à 3 ans dans le cas de cancers de l'endomètre était inversement liée à la durée de l'utilisation de tamoxifène : 76 % de survie pour un traitement > 5ans, 85 % de survie pour un traitement de 2-5 ans et 94 % de survie pour les patientes qui ne prenaient pas de tamoxifène.
Flora van Leeuwen, un des auteurs de l'étude note que "Contrairement à l'opinion actuelle, les utilisateurs à long terme de tamoxifène ont plus de risques de décéder d'un cancer de l'endomètre que ceux qui n'en utilisent pas, vraisemblablement à cause de tumeur de type histologique défavorable et d'un stade avancé lors du diagnostic".
"Cependant, nous ne pensons pas que ce résultat ait des conséquences pour le traitement des patientes avec un cancer du sein, parce que les bénéfices du tamoxifène en terme de survie pour le cancer du sein dépassent de loin les effets adverses".
"Néanmoins, notre découverte d'un pronostic moins favorable pour le cancer de l'endomètre après une utilisation prolongée de tamoxifène suggère le besoin de discuter de l'utilisation répandue de ce médicament comme agent préventif chez les femmes à haut risque mais en bonne santé".
Le Dr K. Gelmon (British Columbia Cancer Agency, Vancouver) commente ces résultats dans un éditorial du journal et insiste sur le fait que "le tamoxifène reste un médicament remarquable avec un bénéfice démontré dans le traitement du cancer du sein métastatique, dans les thérapies adjuvantes des maladies invasives ou in-situ chez les femmes ménopausées ou non et dans la prévention du cancer du sein". "Cependant, avant de limiter la prescription du tamoxifène, les cliniciens devraient se souvenir de ses risques et bénéfices".
Source : Lancet 2000;356:881-87868-869. Communiqué du Lancet
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