Prophylaxie antirétrovirale après agression sexuelle : expérience d’une unité de consultations médico-judiciaires
L’Unité de Consultations Médico-Judiciaires (UCMJ) du Centre Hospitalier Intercommunal (CHI) de Créteil présente dans un récent numéro du BEH son expérience, après un viol, en matière de traitement prophylactique antirétroviral.et d’organisation de prise en charge. Il s’agit d’une étude prospective concernant toutes les victimes d’agressions sexuelles ayant été examinées à l’UCMJ du CHI de Créteil sur réquisition des services de Police ou de Gendarmerie entre Février et Novembre 1999.
Comme le rappellent les auteurs, en France, la prescription d’un traitement prophylactique antirétroviral après exposition sexuelle fait l’objet de recommandations depuis 1998.
En cas de viol, l’évaluation du risque de transmission de l’infection VIH est difficile car le plus souvent l’agresseur n’est pas identifié et son statut sérologique vis-à-vis de l’infection VIH n’est pas connu au moment de la prise en charge de la victime. De plus, l’appréciation des facteurs de risque d’exposition au VIH est rendue difficile par le contexte traumatique et émotionnel des circonstances de l’examen.
Cependant, la violence sexuelle est fréquemment responsable de lésions muqueuses augmentant le risque de transmission du VIH. Ainsi, la prescription d’un traitement prophylactique est le plus souvent indiquée en cas de viol.
Le Dr Annie Soussy et ses collègues du service de médecine interne et d’hépatogastro-entérologie du Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil ont administré, après pénétration anale, vaginale et/ou buccale, la trithérapie d4T-3TC-nelfinavir. Cette triple association présente l’avantage d’une prise biquotidienne sans contrainte par rapport aux repas.
Un kit de traitement de 3 jours était fourni par le médecin légiste de l’UCMJ. La victime était ensuite revue aux 3e et 15e jours par le médecin légiste de l’UCMJ avec remise d’ordonnances de 12 et 15 jours de traitement supplémentaire.
Au total, un traitement de 4 semaines était fourni par la pharmacie de l’hôpital et pris en charge à 100 % par la Sécurité Sociale.
La prise en charge du traitement antirétroviral était effectuée exclusivement par les praticiens de l’UCMJ, après une formation effectuée par les médecins référents pour la prise en charge de l’infection VIH de l’hôpital, afin d’éviter aux victimes plusieurs intervenants différents dans une situation particulièrement douloureuse. Par ailleurs, les médecins référents étaient consultés en cas de contre-indication au traitement antirétroviral ou de survenue d’effet indésirable.
Dans certains cas, une prise en charge psychologique était proposée : pour les enfants et les adolescents dans les services de pédiatrie et de pédopsychiatrie de l’établissement, les adultes étant orientés vers des associations d’aide aux victimes à l’extérieur de l’hôpital.
« Les consultations et les prélèvements effectués sont pris en charge à 100 % par le Ministère de la Justice », précisent les auteurs.
Durant les 9 mois de l’étude qui a duré de février à novembre 1999, 216 victimes ont été examinées pour agression sexuelle (viol et/ou attouchement sexuel). 81 victimes n’avait pas été exposées au VIH (attouchements sexuels ou viol avec pénétration digitale).
Dans 135 cas, il existait une exposition possible au VIH parmi lesquels 81 n’ont pas donné lieu à la prescription d’une prophylaxie antirétrovirale : consultation après 48 heures dans 74 cas, viol par le conjoint de la victime dans 5 cas et contre-indication au traitement dans 2 cas (1 femme enceinte et 1 patient présentant une pathologie psychiatrique polymédicamentée).
Parmi les 74 victimes ayant été examinées plus de 48 heures après l’agression, 23 ont été vues plus de 3 mois après l’agression, et 8 ont été revues à 3 mois.
Durant la période de l’étude, aucune séroconversion n’a été observée parmi les victimes testées. Par ailleurs, tous les agresseurs testés durant la période étaient séronégatifs pour le VIH. Par ailleurs, parmi les 12 victimes testées entre 3 et 4 mois après l’agression, aucun cas de séroconversion pour le VIH n’a été observé.
Une prophylaxie antirétrovirale avait finalement été proposée dans 54 cas : 52 femmes et 2 hommes, d’âge moyen 28 +/- 12,4 ans (4-57 ans). Dans 13 cas, il s’agissait de mineures âgées de 4 à 17 ans.
La trithérapie antirétrovirale a été acceptée par 51 victimes. Le délai médian entre l’exposition et le début du traitement était de 8 heures.
Aucun effet indésirable grave n’a été observé, mais 9 patients ont présenté un effet secondaire au traitement, concluent les auteurs.
Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire.
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