Les normes particuliers aux genres ont une influence sur les adolescents
Le fait d'incorporer les points de vue particuliers aux deux genres dans l'éducation, les services et la formation peut conduire à une meilleure santé reproductive des jeunes adultes.
Dans un effort d'amélioration de la santé reproductive des adolescents et des jeunes adultes, un grand nombre des organisations qui travaillent avec les jeunes sont en train d'incorporer une perspective relative au genre dans leurs programmes d'éducation sexuelle, dans leurs programmes de formation des prestataires, ainsi que dans la prestation des services.
Le "genre" est un terme qui peut s'utiliser pour séparer les différents rôles des hommes et des femmes, selon les catégories déterminées par la société dans laquelle ils vivent. Bien que le sexe d'une personne -- la distinction biologique entre un homme et une femme -- détermine son état de santé reproductive et ses besoins en matière de santé reproductive, les perspectives de genre sont aussi importantes. Les facteurs socioculturels qui influencent les idées des adolescents au sujet de la sexualité, leur accès aux informations, et leur accès aux services de santé affectent leur santé reproductive et leur bien-être, y compris la capacité des adolescents à se protéger des grossesses non planifiées ou des MST.
"Le sexe d'un enfant est déterminé avant sa naissance, mais le genre est quelque chose qui s'apprend", dit le docteur Karen Hardee, chercheur à FHI. "Tout au long de leur enfance, les garçons et les filles reçoivent des messages différents au sujet des comportements que l'on attend de leur part -- des messages des parents, de la société, des pairs, des médias -- messages qui disent que certains comportements sont convenables pour les garçons mais pas pour les filles, et vice versa. Les professionnels de la santé doivent être sensibles à la façon dont les normes de genre affectent la prise des décisions chez les adolescents au sujet des comportements relatifs à la santé reproductive et à la façon dont ces normes affectent l'accès aux services de santé."
"Les prestataires doivent penser à la santé reproductive non seulement sur le plan des services mais aussi sur le plan des attitudes et de la qualité des soins", dit Naana Otoo-Oyortey, conseillère technique de la Féderation internationale de la planification familiale. "Les garçons et les filles ont droit à des informations de base et à l'accès à des ressources qui leur permettront de mener une vie reproductive et sexuelle satisfaisante. Les prestataires doivent reconnaître le fait que les garçons ont des responsabilités qui ne doivent pas être négligées. Ils doivent se rendre compte que les décisions des femmes au sujet de la reproduction sont directement influencées par leur partenaire, leur mari, leur père, etc., et il faut qu'ils abordent le besoin d'habiliter les femmes à prendre des décisions informées."
Beaucoup de sociétés attachent plus de valeur aux garçons qu'aux filles. Dès la naissance, les filles reçoivent souvent moins de nourriture que les garçons et moins d'attention médicale quand elles sont malades. Pour les filles adolescentes, une grossesse non planifiée peut signifier un renvoi de l'école, et par consé quent, des possibilités d'emploi moindres. Dans au moins neuf pays d'Afrique sub-saharienne, les filles sont renvoyées temporairement ou même de façon permanente si elles tombent enceinte, mais aucune punition n'est donnée aux garçons qui deviennent des pères. Chaque année au Kenya, environ 10.000 filles arrêtent l'école dû à une grossesse non planifiée.1
Les normes de genre peuvent augmenter les risques de violence sexuelle envers les filles, y compris le viol ou la violence dans le foyer. Une Enquête démographique et de santé (EDS) réalisée récemment en Egypte a montré que 86 pour cent parmi les plus de 2.300 femmes interrogées croyaient qu'il était justifiable pour un mari de frapper sa femme en certaines circonstances ; par exemple, si la femme refusait d'avoir des rapports sexuels ou répondait insolemment à son mari. Près de 31 pour cent des femmes déclaraient avoir été battues durant la grossesse. Le pourcentage de femmes qui pensaient que les châtiments étaient justifiés était plus élevé parmi les 15 à 19 ans que parmi les autres tranches d'âge.2
Pour certaines jeunes femmes, les rapports sexuels ne sont pas une question de choix. Une étude basée sur des entretiens avec 128 adolescentes au Pérou et 108 adolescentes en Colombie a trouvé que 60 pour cent d'entre elles avaient été victimes de sévices sexuels durant l'année précédente. Trente-neuf des femmes étaient tombées enceintes par la suite.3 Des études au Botswana et au Kenya ont trouvé que beaucoup de femmes adolescentes sont forcées ou contraintes lors de leurs premiers rapports sexuels.4 Dans les régions rurales du Malawi, 55 pour cent des 120 adolescentes interrogées au cours d'une enquête ont déclaré qu'elles étaient souvent forcées à avoir des rapports sexuels.5 Une étude réalisée par l'Institut Alan Guttmacher a trouvé que 60 pour cent des filles adolescentes américaines qui avaient eu des rapports avant l'âge de 15 ans l'avaient fait contre leur gré.6 Les garçons aussi peuvent être forcés ou contraints à avoir des rapports. A Mwanza, en Tanzanie, une étude auprès des enfants de la rue a trouvé que les garçons, aussi bien que les filles, avaient des "rapports de survie" -- des rapports sexuels accordés en échange de l'argent, de la nourriture, ou de la protection.7
La circoncision féminine est une autre pratique culturelle basée sur le genre qui peut compromettre la santé reproductive. Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), environ deux million de filles chaque année subissent la procédure, qui consiste à amputer partiellement ou complètement le clitoris, et dans certains cas, à couper et enlever les petites lèvres. Pour certaines formes de circoncision, le clitoris et les petites lèvres sont amputés et les grandes lèvres sont coupées, puis cousues ensemble pour recouvrir l'urètre et l'entrée du vagin. Les risques immédiats pour la santé comprennent l'infection, la douleur, et les saignements, qui peuvent conduire à un état de choc et éventuellement à la mort. Les complications à long-terme peuvent inclure un travail prolongé et dystocique. Il n'y a aucun bienfait pour la santé.
Des perspectives différentes
Plusieurs études ont montré des différences entre les garçons et les filles dans leur façon de voir les rôles de genre et la façon dont ces points de vue différents influencent la santé reproductive.
D'après les résultats d'une enquête auprès de plus de 100 ouvriers d'usine en Thaïlande âgés de 15 à 24 ans, la majorité des hommes pensaient que les rapports sexuels avant le mariage étaient acceptables et attendus de leur part, et ont déclaré que leurs premiers rapports sexuels furent avec une prostituée, et que les garçons qui n'avaient pas encore eu leurs premiers rapports étaient ridiculisés par leurs semblables. Les jeunes femmes disaient que les rapports sexuels avant le mariage étaient inacceptables pour une femme respectable et qu'ils pouvaient nuire à la réputation de sa famille. Les jeunes hommes considéraient que la contraception était la responsabilité de la femme, mais les jeunes femmes disaient qu'elles n'envisageraient pas de chercher à obtenir ou de demander une méthode de contraception de peur d'être considérées sexuellement actives.8
En Jamaïque, une étude conduite par le Projet d'études sur les femmes de FHI auprès de 945 jeunes âgés de 11 à 14 ans a examiné leurs connaissances, leurs attitudes, et leurs comportements vis-à-vis des relations sexuelles. Plus de 63 pour cent des garçons ont déclaré avoir déjà eu des rapports sexuels, comparé à seulement 6 pour cent des filles. Néanmoins, les différences entre l'activité sexuelle des garçons et celle des filles sont peut-être moins importantes que les réponses ne semblent l'indiquer. Il se peut que les garçons aient exagéré au sujet de leur expérience sexuelle, tandis que les filles se seraient peut-être montrées réticentes pour déclarer qu'elles avaient eu des rapports, étant donné les normes socioculturelles existantes.9 L'étude a aussi révélé d'autres différences entre les attitudes des garçons et celles des filles. Tandis que près de 70 pour cent des garçons affirmaient que "si on aime quelqu'un, on devrait avoir des rapports avec eux", seulement 33 pour cent des filles étaient d'accord. Environ 57 pour cent des garçons étaient de l'avis que si un garçon dépensait de l'argent pour une fille, elle devrait avoir des rapports avec lui, tandis que seulement 31 pour cent des filles étaient d'accord.
Au Brésil, des chercheurs à la Universidade de São Paulo ont interrogé plus de 5.000 adolescents âgés de 14 à 20 ans au sujet des rôles de genre, dans le cadre d'un projet de recherche pour développer des stratégies de prévention du sida. Quand ils demandèrent aux filles ce que le fait d'être une femme signifiait pour elles, elles répondirent que les femmes se consacrent à l'amour et à la vie de famille, qu'elles pleurent facilement, et qu'elles n'ont pas de rapports sexuels jusqu'à ce qu'elles rencontrent l'homme de leur vie. Quand ils demandèrent aux garçons ce que le fait d'être un homme signifiait pour eux, ils répondirent que les hommes étaient physiquement forts, qu'ils éprouvaient une attirance sexuelle envers les femmes et pensaient beaucoup à l'acte sexuel. Les garçons ont aussi dit qu'il était important de se marier, de travailler dur, et de montrer de la tendresse envers sa femme. Les garçons divisaient les femmes en deux catégories : celles avec qui ils aimeraient bien se marier et celles qui étaient de moeurs légères et qui pourraient leur transmettre des MST.10
Faire participer les hommes
En raison du fait que les femmes ne sont souvent pas en mesure de pouvoir décider du moment ni du partenaire lorsqu'elles ont des rapports, un grand nombre de programmes qui incorporent les questions de genre ont commencé des projets d'habilitation des filles. Ces projets, tout comme celui intitulé Better Life Options, administré par le Centre for Population and Development Activities (CEDPA), fournissent des informations sur la sexualité, la santé de la reproduction, la planification familiale, et les compétences en matière de communication. Certains parrainent aussi des programmes d'éducation et d'emploi qui sont conçus pour offrir aux filles des alternatives au mariage précoce. Cependant, pour faire en sorte qu'ils réussissent, les programmes de genre doivent aussi inclure les garçons.
"Une des choses clés que nous avons apprises est que l'on ne peut pas travailler seulement avec les filles," dit Seema Chauhan du projet Better Life Options, qui a commencé par éduquer les filles, puis s'est élargi pour y inclure les garçons. "Vous pouvez les éduquer ensemble ou de façon parallèle, mais les garçons doivent être éduqués tout comme les filles, de manière à ce que la sexualité, la santé reproductive, et les relations entre hommes et femmes puissent être abordés, tout en tenant compte des questions de genre."
Le fait d'incorporer les questions de genre dans les programmes de santé reproductive peut donner l'occasion de développer des programmes et des services pour les hommes et les garçons.
"Souvent les hommes ont été exclus des programmes de planification familiale", dit le docteur Patricia Bailey de FHI, qui coordonne la recherche sur la grossesse chez les adolescentes au Brésil. "Malheureusement, la participation active des hommes dans les programmes de santé reproductive s'est limitée au traitement des MST."
Apprendre aux garçons que la santé reproductive n'est pas seulement pour les femmes est un des buts de la Young Men's Clinic aux Etats-Unis. Située dans un quartier urbain de New-York, la clinique fait partie d'un centre médical qui fournit d'autres services, y compris les soins obstétricaux et de pédiatrie. Le docteur Bruce Armstrong de la clinique explique qu'il est rare que les hommes viennent demander des services de planification familiale. Quand le personnel a demandé aux adolescents pourquoi ils ne profitaient pas des services qui étaient offerts, les garçons ont répondu qu'ils avaient trop honte, et que rendre visite à une clinique les faisait "ne pas se sentir comme un homme" et était surtout pour les femmes.
La solution fut de créer une clinique pour les hommes mais d'y offrir toute une variété de services, y compris les examens physiques qui sont nécessaires pour le travail ou l'école, et le dépistage des maladies, comme par exemple la drépanocytose. De cette façon, les hommes pouvaient fréquenter la clinique sans avoir peur que leurs amis ou leurs voisins pensent qu'ils venaient chercher des contraceptifs. La clinique a aussi parrainé des évènements sportifs pour les hommes pour les encourager à profiter des services qui sont offerts.
En moyenne, 30 à 35 hommes rendent visite à la clinique chaque semaine, clinique qui est administrée par l'hôpital presbytérien Columbia et par le département de santé publique de l'université Columbia. Quelle que soit la raison de la visite, les prestataires essayent d'éduquer les hommes au sujet de leur santé reproductive, dit le docteur Armstrong. Par exemple, si un homme vient se faire examiner pour la tuberculose, le prestataire lui posera peut-être des questions au sujet de ses besoins en matière de contraception et des risques auxquels il est exposé vis-à-vis des MST.
"Il y a des indicateurs du degré de succès de la participation des hommes dans les affaires de la santé reproductive," dit le docteur Armstrong. "L'un d'entre eux est l'utilisation des préservatifs. Certains des autres indicateurs sont si l'homme parle ou non avec son partenaire, s'il entame la conversation avec sa petite amie, s'il ramène chez lui des informations obtenues dans notre clinique pour les femmes, s'il ramène chez lui de la mousse contraceptive, ou s'il s'instruit au sujet des méthodes contraceptives féminines."
Dans un autre effort pour inciter les hommes à prendre des mesures susceptibles d'entraîner une meilleure santé reproductive, le Centro de Educação Sexual (CEDUS) à Rio de Janeiro, au Brésil, a mené des ateliers qui ébranlaient les stéréotypes de genre. Dans une activité appelée "la patate chaude", les garçons adolescents reçoivent chacun une fiche avec un mot associé à un stéréotype masculin ou féminin, comme les mots "play-boy", "fidèle", ou "tendre".
Les garçons font circuler les cartes entre eux pendant une durée de temps fixée. Une fois que le temps s'est écoulé, chaque garçon garde la carte qu'il a, et l'attache à sa chemise avec du ruban adhésif. Les garçons discutent ensuite des attributs sur leurs cartes et de ce qu'ils ressentent à propos de ces attributs. "Les valeurs attribuées aux rôles de genre, qui s'implantent au cours de l'enfance et sont renforcées pendant l'adolescence, ne doivent pas être vues comme des choses que l'on peut changer après avoir brièvement participé à deux ou trois activités éducatives de courte durée", affirme un rapport du CEDUS. "Néanmoins, nous pensons que...les jeunes peuvent utiliser des activités comme celles-ci pour stimuler la discussion, la réflexion, et nous espérons qu'un jour ceci conduira à un changement des attitudes et du comportement."11
Lorsque l'on veut développer des programmes de santé reproductive pour les garçons adolescents, les experts disent qu'il faut prévoir d'offrir : des informations sur les questions de santé particulières aux hommes, y compris les risques de contracter une MST ; des informations sur le corps de la femme et les questions de santé reproductive qui s'y rapportent ; des contraceptifs et des services pour MST (ou orientation vers un centre où ils sont offerts) ; et des programmes d'éducation pour aider les garçons à développer des compétences en matière de communication. Les programmes de santé peuvent rendre les services de santé reproductive plus attrayant pour les hommes et les garçons, en leur offrant des services dans une pièce à part ou pendant des heures différentes de celles pendant lesquelles les femmes sont présentes.
L'élaboration de toute une infrastructure spécialement pour les hommes et les garçons n'est pas nécessaire", affirme un rapport du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). "Les services pour hommes peuvent être offerts au moyen d'heures spéciales ou d'adaptations mineures aux centres qui existent déjà, en désignant une salle d'attente spécialement pour les hommes, par exemple."12
La participation des hommes dans les programmes de santé reproductive peut non seulement améliorer leur propre santé, mais elle peut aussi améliorer de façon indirecte la santé des femmes, pour qui l'accès aux services de santé est souvent contrôlé par le père, le mari, ou le partenaire sexuel. "Le mot genre peut servir à nous rappeler que les hommes jouent un rôle important dans la santé reproductive des femmes", dit le docteur Bailey de FHI.
Network, Printemps 1997, Volume 17, Numéro 3 .
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