Que faire pour attirer les hommes à la vasectomie ?

La manière dont on promouvoit la vasectomie peut être un facteur-clé à son emploi accru.

 

Au Royaume-Uni, des panneaux publicitaires placés au bord des routes attirent l'attention des automobilistes sur deux poignées arrondies d'un instrument chirurgical, arrangées de manière à suggérer des testicules. "Manipulés avec soin", peut-on lire sur le panneau, "Clinique Marie Stopes -- vasectomies -- appelez en toute confiance". Les demandes de renseignements concernant la vasectomie ont beaucoup augmenté depuis que la campagne a débuté en automne dernier.

"Promouvoir la vasectomie est essentiel", insiste Mme Julie Douglas, qui a coordonné la campagne publicitaire de la clinique Marie Stopes International (MSI) à Londres. "Il y a beaucoup moins de renseignements qui circulent sur la vasectomie que sur les méthodes féminines. De plus, les hommes ne se rendent pas chez le médecin pour des bilans réguliers." Le Royaume-Uni est l'un des quelques pays du monde où le pourcentage de stérilisations chez les hommes (16 pour cent) est sensiblement le même que chez les femmes (15 pour cent).

Chaque année, MSI lance une campagne de promotion de la vasectomie dans les journaux locaux et dans les stades de football. Cette année on peut voir une affiche dans les stations de métro et dans les autobus, représentant le buste d'un homme, nu, portant juste une feuille de figuier blanche. "La vasectomie ? Nous la couvrons", dit l'affiche.

"Ce sont des idées amusantes et audacieuses qui frappent", fait observer Mme Douglas. "Les hommes sont inquiets, ils ont peur de la vasectomie. Est-ce que c'est douloureux ? Comment ma vie sexuelle sera-t-elle affectée ? Prendre une attitude décontractée aide à ouvrir les portes."

Mme Douglas fait tout de suite remarquer que ce genre de publicité est trop suggestif pour les pays en développement, où MSI n'a pas été aussi explicite dans ses campagnes de promotion de la vasectomie. Les normes sociales dominantes doivent guider le contenu des campagnes promotionnelles, dit-elle. Même en Angleterre, "nombreux sont ceux qui trouveraient ces affiches scandaleuses", dit-elle. "Elles attirent l'attention des médias, et les gens se rappellent le nom Marie Stopes, ce qui aide. Parfois des hommes viennent subir une vasectomie et avouent avoir entendu parler de nous depuis longtemps. Ils n'étaient pas prêts pour une vasectomie, mais savaient où ils pouvaient s'adresser."

Les campagnes promotionnelles ont eu beaucoup de succès dans les pays en développement aussi. En Ouganda, l'Egliseanglicane du district de Busoga a parrainé un Programme d'éducation à la vie familiale (EVF), comportant la distribution de brochures sur la vasectomie en anglais et en luganda, la langue locale. En 1995, 94 hommes ont réclamé une vasectomie dans cette région en grande partie rurale, où la méthode masculine avait rarement été utilisée. Beaucoup de brochures sont aussi distribuées en Jamaïque, et en Colombie les promotions pour la vasectomie se font à la radio. Les prestataires de services au Sri Lanka, au Mexique, au Kenya et dans d'autres pays encouragent les clients satisfaits à faire du bouche à oreille.

Les experts rappellent toutefois que, bien que les hommes aient besoin de renseignements sur la vasectomie, il vaudrait mieux intégrer cette campagne de promotion dans le contexte plus large de toutes les méthodes de contraception. "Le but n'est pas de promouvoir une méthode de contraception plutôt qu'une autre, mais de bien s'assurer que les clients éventuels de planification familiale soient mis au courant de tous les choix possibles", explique Mme Mary Nell Wegner, qui est directrice du programme Men as Partners, de l'AVSC International située à New York.

Déterminer exactement comment promouvoir la vasectomie et jusqu'à quel point, voilà sans doute des facteurs déterminants en vue de la propagation de cette méthode très peu utilisée, à laquelle viennent s'opposer le coût, les normes sociales et la philosophie promotionnelle du programme en général.

Une méthode sans danger, mais sous-utilisée

Le but des campagnes d'information est surtout de faire connaître aux hommes l'existence de la vasectomie, ainsi que de dissiper les mésinformations sur la méthode. Entre 1987 et 1993, une quinzaine de sondages nationaux ont été menés en Afrique, et il s'avère que le pourcentage d'hommes ayant entendu parler de la vasectomie allait de 10 pour cent au Burundi, au Cameroun et au Maroc, à plus de 50 pour cent au Kenya et au Rwanda.1 Au Kenya, le pourcentage est monté de 35 pour cent en 1985 à 56 pour cent en 1996, grâce à l'AVSC International et à d'autres qui ont formé des prestataires et fait la promotion de la méthode.

Même si les gens ont entendu parler de la vasectomie, nombreux sont ceux qui continuent à croire à tort que l'intervention risque d'affecter les performances sexuelles ou de diminuer la force. Une information précise est cruciale dans tous les efforts promotionnels et au moment des consultations privées. La vasectomie n'affecte pas la production d'hormones mâles responsables du désir sexuel ni les traits masculins tels la pilosité faciale. Tout simplement, grâce à la vasectomie, les spermatozoïdes ne pénètrent pas dans l'éjaculat. Le practicien sectionne les canaux déférents qui permettent aux spermatozoïdes issus des testicules de se mélanger au sperme. Après la vasectomie, les testicules continuent à produire des spermatozoïdes qui se détériorent et sont éliminés comme les autres cellules du corps.

La vasectomie est une méthode sans danger et efficace. De plus, l'opération est rapide et entraîne peu d'effets secondaires. La procédure se fait généralement en quelques minutes, sous anesthésie locale, et très peu d'hommes souffrent passagèrement de caillots ou d'infection, qui sont des ennuis minimes. La question est de savoir si la vasectomie augmente les risques du cancer de la prostate, et à ce sujet les recherches disponibles ne sont pas concluantes. Il apparaît en outre que les taux de grossesse s'élèvent à moins de 1 pour cent, bien qu'aucune étude d'efficacité à long terme n'ait été faite comme pour la stérilisation féminine.

La méthode "sans scalpel" rassure les hommes puisqu'aucun objet tranchant n'est nécessaire. Pour atteindre les canaux, on utilise un instrument qui permet de faire une ponction. Une étude de FHI montre que cette procédure se fait au moyen d'une anesthésie moins forte et qu'elle est tout aussi efficace que la vasectomie traditionnelle. Les hommes se remettent plus vite, souffrent moins, ont moins d'hématomes et d'infection que dans la méthode où l'on pratique une incision.2

Le counseling doit mettre l'accent sur le fait que la vasectomie n'est pas immédiatement efficace vu que les spermatozoïdes viables peuvent rester pendant des semaines dans l'urètre au dessus des canaux sectionnés. Les lignes directrices internationales demandent aux couples d'utiliser une autre méthode de contraception, le préservatif, par exemple, pendant 12 semaines ou 20 éjaculations, après quoi les résidus de spermatozoïdes devraient avoir disparu. On devrait encourager les hommes à faire une visite de suivi où on leur ferait l'analyse du sperme pour vérifier l'absence complète de spermatozoïdes (azoospermie). Faute d'analyse, les couples ne peuvent pas être sûrs de l'azoospermie. Comme toute méthode de contraception, il peut y avoir des échecs. Le moment précis de l'azoospermie, qui est l'absence totale de spermatozoïdes dans l'éjaculat, n'est pas connu. Les résultats préliminaires de recherches menées par FHI et l'AVSC International ont conclu à une variabilité extrême quant au délai et au nombre d'éjaculations avant l'azoospermie.3

Bien qu'elle soit sous-utilisée, la vasectomie reste une méthode dépourvue de danger et efficace. On compte 45 millions de couples dans le monde qui ont fait confiance à la vasectomie comme méthode de contraception, contre 150 millions à la stérilisation féminine. Au cours de la dernière décennie, les efforts de promotion en Colombie, au Kenya, au Mexique et dans d'autres pays ont eu quelques résultats mais, même là, moins de 1 pour cent des couples en âge d'avoir des enfants ont eu recours à la vasectomie. C'est seulement en Chine, en République de Corée et dans quelques pays développés (l'Australie, le Canada, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les Etats-Unis) que 10 pour cent ou plus des couples ont recours à la vasectomie.4

Faisant le bilan de 30 ans de programmes traitant de la vasectomie en Asie et en Amérique latine, Mme Suzanne Cohen de l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, aux Etats-Unis, a conclu qu'il était clair que la prévalence de la vasectomie dépendait surtout de la volonté des décideurs et des services médicaux d'encourager ou non cette méthode. "Ce ne sont pas les clients qui ont déterminé la disponibilité ou l'absence de services en Asie et en Amérique latine",5 constate-elle.

Raisons pour lesquelles les hommes y ont recours

A la suite d'un questionnaire envoyé par MSI en 1997, sur les 500 hommes qui avaient subi une vasectomie et qui ont répondu, 27 pour cent disent l'avoir fait pour que leur partenaire ne prenne plus de contraceptif, et 30 pour cent parce qu'ils ne voulaient plus d'enfants et que la vasectomie était la meilleure méthode définitive. MSI a publié ces résultats lors de sa campagne actuelle.

Lors d'entretiens approfondis réalisés dans six pays différents, avec 218 couples, pratiquement tous les couples ont évoqué des raisons économiques et le bien-être de leur femme comme raisons principales de ne plus vouloir d'enfants. Les réponses au sondage étaient remarquablement identiques dans les six pays -- Le Bangladesh, le Kenya, le Mexique, le Rwanda, le Sri Lanka et les Etats-Unis. Dans chaque pays, la vasectomie avait été choisie de préférence à la ligature des trompes à cause du moindre danger. A la suite de quoi, l'étude conclut que certains hommes au moins sont plus inquiets de la santé et du bien-être de leur femme que ne le pensent généralement les prestataires de services.6

De fait, une recherche menée au Brésil, en Colombie, et au Mexique a permis de constater que le facteur déterminant dans la décision de subir une vasectomie était l'intérêt que portaient les hommes à la santé de leur femme, mais aussi l'intérêt des femmes elles-mêmes. Selon le rapport de l'étude, les hommes disent avoir subi la vasectomie à cause de ses avantages sur la stérilisation féminine, du bien-être et de la santé de leur femme, du désir de partager la responsabilité de la planification familiale et de la liberté qu'elle confère pour éviter les grossesses non désirées. Il a aussi été déterminé que les épouses des clients et d'autres hommes vasectomisés exerçaient une grande influence en faveur de l'adoption de cette procédure. L'étude suggère donc d'ajouter aux campagnes promotionnelles les raisons que donnent les hommes de subir une vasectomie.7

Des recherches menées en Colombie montrent que des techniques variées de promotion peuvent être efficaces, tel le bouche à oreille.8 L'Asociación Probienestar de la Familia Colombiana (PROFAMILIA), le plus grand programme de planification familiale en Colombie, a été à la tête de tous les promoteurs de vasectomie pendant près de 20 ans. "La diffusion de l'information concernant la vasectomie est constante", souligne Mme María Isabel Plata, directrice de PROFAMILIA. "Le bouche à oreille est la meilleure façon de propager le message. Nous insistons sur la qualité des soins. Quand nos clients sont heureux, nous en avons plus." D'autres promotions varient d'année en année, d'après le budget, dit-elle encore. En 1997, PROFAMILIA a fait de la publicité à la radio pour la vasectomie, mais il aurait été trop cher de la faire à la télévision.

La publicité de bouche à oreille doit être structurée, et parfois il faut faire intervenir les couples. Dans un cours de formation à l'intention des prestataires qui a eu lieu au Kenya, 17 hommes se sont portés volontaires pour parler de leur expérience en matière de vasectomie. Beaucoup de ces hommes n'avaient jamais parlé de leur vasectomie, et un esprit de solidarité est ressorti du groupe. Ces hommes ont créé le groupe de vasectomie de Vihiga, et entrepris divers efforts de promotion. Certains sont apparus dans les campagnes de publicité des médias, d'autres se sont portés bénévoles dans les cliniques pour parler aux hommes qui envisageaient la vasectomie, d'autres encore ont travaillé à la diffusion de l'information avec des couples. "Pour bien faire, il faudrait que ce genre d'effort continue et ne s'arrête pas quand la campagne se termine", estime Mme Wegner de l'AVSC International, association qui a aidé à mettre sur pied le programme qui a mené à la création du groupe. "Mais il est difficile d'avoir des fonds pour ce genre d'activité." Un résumé du programme explique que d'après les résultats de la recherche, à la suite du travail de ce groupe, les hommes de cette région étaient plus disposés à envisager la vasectomie et l'emploi du préservatif, et ils étaient moins susceptibles de croire les rumeurs associées à d'autres méthodes que les hommes dans d'autres régions.9

Les publicités sur la vasectomie ont plus de succès quand elles font partie d'un programme plus large. Il est nécessaire de disposer d'autres services, notamment des prestataires bien formés, un counseling judicieux et des cliniques qui proposent des salles d'attente privées pour aider les hommes à se sentir à l'aise. Dans le projet du district de Busoga en Ouganda, par exemple, la brochure de promotion à l'intention des zones rurales faisait partie d'un projet plus vaste où les prestataires avaient reçu une formation pour pratiquer la vasectomie par la méthode "sans scalpel". De courts messages à la radio parlaient des questions relatives à la santé de la reproduction, et des services étaient organisés à l'intention des hommes dans toutes les cliniques EVF. "Outre le fait que les hommes devaient savoir qu'ils pouvaient venir à la clinique seuls, ou avec leur(s) partenaire(s), l'EVF les informait de la possibilité d'obtenir un counseling de couple.10

-- William Finger

-- William Finger

Notes

Notes

  1. Family Health International. Final Report: A Comparative Study of the No Scalpel and the Standard Incision Method of Vasectomy in Five Countries. Research Triangle Park, NC: Family Health International, 1996.
  2. Family Health International. Time to Azoospermia After Vasectomy: Expanded Study - Final Report. Research Triangle Park, NC: Family Health International, 1997.
  3. United Nations, Department of Economic and Social Resources. World Contraceptive Use, 1994, poster. New York: United Nations, 1995.
  4. Landry E, Ward V. Perspectives from couples on the vasectomy decision: a six-country study. In Ravindran TKS, Berer M, Cottingham J, eds. Beyond Acceptability: Users' Perspectives on Contraception. (London: Reproductive Health Matters, 1997) 58-67.
  5. Vernon R. Operations research on promoting vasectomy in three Latin American countries. Int Fam Plann Perspect 1996;22(1):26-31.
  6. Vernon R, Ojeda G, Vega A. Making vasectomy services more acceptable to men. Int Fam Plann Perspect 1991;17(2):55-60.
  7. AVSC International. Men as Partners in Reproductive Health Workshop Report - Mombasa, Kenya, May 1997. (New York: AVSC International, 1997) 14.

    Network, Printemps 1998, Volume 18, Numéro 3 .
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    © Copyright 1999, Family Health International (FHI)




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