Stérilisation féminine : sans danger, très efficace
La stérilisation féminine ne s'accompagne pas des effets secondaires associés à la plupart des méthodes temporaires de contraception, elle ne gêne pas les rapports sexuels et n'exige ni visites de contrôle ni ordonnances répétées. Cependant, du fait qu'elle est permanente et qu'elle exige une intervention chirurgicale, elle ne convient pas à toutes les femmes qui ont besoin de contraception.
En comparaison avec d'autres moyens contraceptifs, la stérilisation féminine volontaire est une méthode à la fois pratique et très efficace. C'est aussi la méthode la mieux acceptée dans le monde : plus de 150 millions de personnes sont ainsi actuellement stérilisées.1
La stérilisation n'a pas les effets secondaires de la plupart des méthodes à effet temporaire. Elle offre aussi les avantages de ne pas gêner les rapports sexuels et de ne requérir ni visites de contrôle ni ordonnances répétées. Mais comme l'intervention est chirurgicale et comme son effet est permanent, elle n'est pas recommandée dans tous les cas. D'autres méthodes contraceptives, réversibles et à effet prolongé, comme le dispositif intra-utérin (DIU), les implants ou les injectables, préservent la fertilité du couple pour l'avenir et peuvent se révéler tout aussi désirables ou pratiques. Les femmes intéressées par la stérilisation devraient la comparer avec les méthodes réversibles. Elles devraient être invitées à sélectionner parmi toute une gamme de moyens contraceptifs l'option la mieux adaptée à leur cas.
Le counseling d'une cliente qui envisage la stérilisation exige une attention particulière et peut demander plus de temps que pour d'autres méthodes contraceptives. Il faut notamment aider les femmes les plus jeunes à se projeter dans l'avenir et à considérer leurs objectifs à long terme, tout en leur offrant d'autres alternatives en matière de contraception. Ces femmes sont en effet les plus susceptibles de regretter plus tard leur décision de renoncer à leur fécondité.2
"Chaque cas doit être traité de manière individuelle," dit le docteur Sangeeta Pati, attachée médicale auprès d'AVSC International, une association à but non lucratif basée à New York, qui vise à l'amélioration des soins en santé reproductive dans le monde et qui possède une grande expérience dans le domaine de l'assistance aux centres et aux prestataires spécialisés en stérilisation. "Les chiffres nous indiquent que les femmes stérilisées à un jeune âge sont de loin les plus enclines à regretter leur décision et aussi les plus susceptibles de tomber enceintes. Dans ces conditions, si la cliente a moins de 35 ans, l'AVSC recommande au prestataire d'examiner sérieusement avec elle les autres moyens de contraception à effet prolongé comme le DIU. Le point essentiel est de proposer plusieurs options."
Une méthode efficace à long terme
Si la stérilisation féminine est en général très efficace, il arrive malgré tout qu'une cliente tombe enceinte. De nouvelles données montrent que la méthode est en fait légèrement moins fiable qu'on ne le croyait.
Jusqu'à récemment, les experts estimaient que le risque de grossesse disparaissait un à deux ans après l'intervention. Mais une recherche financée aux Etats-Unis par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) indique que ce risque persiste en fait pendant des années. A 10 ans, le taux de grossesse relevé chez 10.685 femmes ayant subi une forme ou une autre d'occlusion des trompes était de 1,8 pour cent.3 Ce taux peut être comparé à celui de 2 pour cent enregistré chez les utilisatrices du DIU au cuivre.4
Cependant, l'efficacité à long terme varie selon l'âge de la femme et selon la technique de stérilisation employée. Si la cliente a plus de 33 ans, la stérilisation est l'une des méthodes contraceptives les plus efficaces avec un taux d'échec de seulement 0,7 pour cent sur 10 ans. Mais chez les femmes âgées de 18 à 33 ans, le risque de grossesse sur 10 ans atteint 2,6 pour cent, plus de trois fois le précédent. Parmi les six techniques d'occlusion des trompes prises en compte dans l'enquête des CDC, les clips à ressort (comme le clip Hulka) sont associés aux taux d'échec les plus forts, en moyenne 3,7 pour cent sur 10 ans pour l'ensemble de l'échantillon étudié. L'étude des CDC conclut notamment que la technique de pose des clips sur les trompes de Fallope devrait être mieux maîtrisée.
"Le risque de grossesse suite à une stérilisation persiste plus longtemps que nous le pensions. Ces résultats récents ne nous empêchent pas de maintenir que la méthode est très efficace et sans danger," dit le docteur Herbert Peterson, principal responsable de cette enquête d'efficacité à long terme et directeur du service de fécondité et de santé féminines au CDC à Atlanta. "Cette étude nous montre que les échecs de la méthode, y compris les grossesses ectopiques, peuvent survenir bien des années après l'intervention."
Malgré ces nouvelles données, la stérilisation demeure au moins aussi efficace que les autres moyens contraceptifs réversibles à effet prolongé. Le taux de grossesse est de 0,55 pour cent au cours de la première année suivant l'intervention, soit environ une femme sur 200. Il est comparable à ceux inférieurs à 1 pour cent relevés sur la même période pour l'implant sous-cutané Norplant, le contraceptif injectable DMPA (acétate de médroxyprogestérone-dépôt) ou encore le DIU au cuivre.
Facteurs de risques
Si une femme qui a subi une stérilisation chirurgicale tombe enceinte, le risque de grossesse ectopique est important. Le counseling devrait encourager les clientes à consulter un médecin avec promptitude en cas de grossesse suspectée, car une implantation ectopique peut être fatale. Les signes d'une telle grossesse incluent l'absence des règles, la diminution du flux menstruel, les syncopes ou les douleurs du bas ventre. Le risque de grossesse ectopique est deux fois plus élevé chez les femmes stérilisées avant l'âge de 30 ans et ces échecs plus fréquents sont sans doute liés à leur fertilité.5
Si la stérilisation féminine est en général une intervention sans danger, il arrive très rarement que la patiente meure à la suite de l'opération chirurgicale ou souffre de séquelles. Sur 100.000 femmes stérilisées dans les pays en développement, environ cinq meurent de complications.
Les causes majeures de ces décès sont un arrêt cardiaque ou respiratoire résultant de l'anesthésie, ou encore une lésion iatrogène survenant durant l'opération. Selon une étude rétrospective ayant examiné les services de stérilisation féminine dans 50 pays durant la période 1973-1988, l'anesthésie générale serait la première cause de décès, suivie des blessures intestinales et des infections. Hémorragie abdominale, déshydratation et réaction allergique aux sédatifs constitueraient les autres causes principales de décès.6
"Pour réduire les risques, il faut préférer une anesthésie locale plutôt que générale dans tous les cas le permettant," dit le docteur David Sokal, qui travaille à Family Health International (FHI) et qui a analysé en détail les données des travaux de recherche sur la stérilisation. "Une anesthésie locale réduit les chances de complications." Ce type d'anesthésie est cependant contre-indiqué chez certaines femmes. C'est le cas des patientes allergiques aux anesthésiques locaux. C'est aussi le cas des femmes obèses, chez lesquelles l'anesthésie générale est souvent indispensable, car l'intervention chirurgicale est plus complexe.
Au cours des années 1980, le recours de plus en plus fréquent à l'anesthésie locale et de meilleures protections anti-infectieuses ont permis de réduire de manière significative les taux de létalité. Cet effort a aussi porté sur l'établissement de doses maximales pour une utilisation sans danger des anesthésiques les plus courants, sur un meilleur suivi des signes vitaux des patientes, ainsi que sur une généralisation de formation visant à améliorer la prise en charge de dépressions respiratoires ou cardiaques.
Une anesthésie locale peut cependant s'accompagner de complications. Les sédatifs utilisés en association avec une anesthésie locale pour soulager la douleur ou l'inconfort peuvent se révéler incompatibles avec les antécédents de la patiente. Ils sont aussi parfois administrés à des doses trop élevées. Les risques de complication sont moindres si aucun sédatif complémentaire n'est utilisé et si les prestataires surveillent de près l'évolution des signes vitaux.
Comme pour toute intervention chirurgicale, la ligature des trompes peut s'accompagner d'un faible risque de lésion accidentelle des organes. Une perforation intestinale constitue sans doute l'accident opératoire le plus sérieux, car elle ouvre aux bactéries la cavité abdominale en provoquant de graves infections (péritonite). Ces dernières années, une amélioration des techniques chirurgicales aussi bien que la formation des prestataires ont heureusement permis de réduire la fréquence de ces accidents. La technique de coagulation unipolaire par exemple, qui utilise un courant électrique pour obturer les trompes de Fallope, n'est plus que rarement employée, car elle augmente le risque de lésion intestinale. On lui préfère la technique de coagulation bipolaire, moins dangereuse.
D'autres accidents, comme une perforation de l'utérus ou l'incision d'un vaisseau sanguin, peuvent se produire durant l'intervention chirurgicale. Si un grand vaisseau est sectionné, il doit être traité, sinon il pourrait entraîner une hémorragie interne et un état de choc, voire le décès de la patiente. Au cas où l'utérus est perforé, il se cicatrisera de lui-même le plus souvent. Si le prestataire ne réussit pas à bien obturer les trompes de Fallope, des saignements abondants peuvent en résulter.
Pour éviter les infections de l'abdomen, de la région pelvienne ou de la plaie il faut écarter la possibilité d'états infectieux préexistants chez la patiente au moyen d'une anamnèse et aussi appliquer de stricts protocoles d'hygiène dans la salle d'opération. La plupart de ces infections sont traitables avec des antibiotiques. Les patientes doivent consulter un médecin en cas de fièvre, de douleurs abdominales aiguës ou d'écoulement nauséabond de la plaie suite à l'opération. Un saignement ou un gonflement autour du point d'incision sont également des signes pour lesquels une patiente récemment stérilisée devrait consulter son médecin.
Les femmes stérilisées bénéficient d'un avantage important en matière de santé : elles sont moins susceptibles de développer un cancer de l'ovaire. Une étude prospective à grande échelle menée sur plus de 396.000 femmes sur une période de neuf ans a en effet montré que le risque de cancer ovarien est réduit de 30 pour cent chez celles ayant subi une ligature des trompes.7 Le mécanisme de protection n'est pas encore bien élucidé.
En vue du fait que l'opération de réversibilité (réanastomose tubaire) est difficile, coûteuse et pratiquée dans peu de centres, la stérilisation devrait être considérée comme permanente. La réanastomose tubaire implique une large incision abdominale et une chirurgie délicate sur des trompes de Fallope traumatisées.
Restrictions
La plupart des organisations internationales de planification familiale s'opposent aux réglementations restreignant l'accès des femmes à la stérilisation en fonction de leur âge et du nombre de leurs enfants. Ces réglementations sont en effet trop générales et empêchent certaines clientes de bénéficier d'une méthode de contraception qui leur est pourtant indiquée.
"Même chez un couple jeune, la décision d'opter pour la stérilisation peut être la bonne," indique le docteur Marta Durand-Carbajal, qui a pratiqué l'intervention et qui a participé à des recherches sur la question du regret chez les patientes stérilisées. Pour ce médecin attaché à l'Instituto Nacional de la Nutrición Salvador Zubirán (Mexico), "l'important n'est pas tant l'âge que la manière dont la décision est prise. En tant que prestataire, je peux aider les jeunes couples à envisager leur avenir."
Les femmes intéressées par la stérilisation hésitent parfois à choisir cette méthode à cause des malentendus et des idées fausses. Elles imaginent ainsi que l'opération affectera leur libido et qu'elle les fera grossir ou même perdre une partie de leur féminité. C'est au prestataire de leur expliquer que la stérilisation n'affecte en rien la fonction sexuelle normale, le poids ou la féminité. Elle peut même en fait améliorer les rapports sexuels du couple en éliminant l'anxiété née du risque d'une grossesse non désirée.8
"Bien des femmes croient qu'elles vont grossir," dit le docteur Kamal Hazari, qui est directeur adjoint à l'Institute for Research in Reproduction de Bombay (Inde) et qui a étudié les séquelles de la stérilisation féminine. "Nos clientes ont souvent un âge voisin de la quarantaine et elles prennent naturellement du poids de toute façon. Nous devons leur expliquer que c'est un phénomène normal dû au vieillissement plutôt qu'à la stérilisation." Certaines clientes croient également que les ovules s'accumulent dans le corps ou encore que les trompes sont simplement "ficelées" et qu'elles peuvent être "déficelées" pour rétablir la fécondité. C'est là encore au prestataire d'expliquer que les trompes sont non seulement ligaturées mais aussi sectionnées habituellement, et qu'une réanastomose est une opération fort complexe qui échoue souvent.
Les effets de la stérilisation sur la santé sont aussi une source d'interrogation pour les spécialistes. Certains chercheurs estiment que les femmes stérilisées sont plus sujettes aux irrégularités menstruelles, ce que l'on désigne parfois sous le nom de "syndrome de post-stérilisation". Mais des résultats récents n'indiquent aucune différence entre l'incidence de ces irrégularités chez les femmes stérilisées et non stérilisées. Les chercheurs supposent que ces irrégularités sont plutôt le fruit d'un processus normal de vieillissement ou d'un abandon de la prise de contraceptifs régulateurs du cycle menstruel, comme les contraceptifs oraux.9
Network, Automne 1997, Volume 18, Numéro 1 .
© Copyright 1999, Family Health International (FHI)
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