Comment élargir l'éventail des contraceptifs

Des listes de pointage servent à déterminer si les clients peuvent utiliser certaines méthodes sans danger.

Un grand nombre de programmes de planification familiale à base communautaire distribuent des méthodes de barrière (préservatifs et spermicides) et des contraceptifs oraux (CO). S'ils sont adéquatement formés, les prestataires à l'échelon de la communauté peuvent aussi fournir des contraceptifs injectables.

Les agents de distribution à base communautaire (DBC) peuvent aiguiller les gens vers des dispensaires et des hôpitaux, ou encore vers des équipes mobiles de professionnels médicaux qui proposent des méthodes permanentes ou à longue durée d'action, c'est-à-dire des dispositifs intra-utérins (DIU), des implants et la stérilisation masculine ou féminine.

La solution idéale consiste évidemment à proposer à chaque personne toute une gamme de contraceptifs pour qu'elle puisse en choisir un, mais l'éventail des choix peut être limité par le manque de fournitures, par la médiocrité du système de réorientation ou par la présence de restrictions quant aux méthodes que les agents de DBC sont autorisés à dispenser. Les restrictions qui sont apportées à la fourniture de certaines méthodes de contraception hormonale dans ce contexte tiennent principalement à des questions de sécurité. Par exemple, les travailleurs communautaires qui dispensent des CO doivent pouvoir identifier les contre-indications à l'emploi de cette méthode.

Listes de pointage

A cette fin, un groupe de travail de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) a distribué deux listes de pointage concernant, l'une, la distribution à base communautaire des contraceptifs oraux et, l'autre, celle des contraceptifs injectables.1 Avec ces listes, un agent de DBC détermine s'il peut dispenser l'une ou l'autre de ces méthodes en toute sécurité ou s'il doit aiguiller la cliente vers un échelon supérieur. Ces listes ont été formulées par FHI en liaison avec une équipe d'experts internationaux, à partir des lignes directrices d'éligibilité de l'Organisation mondiale de la Santé concernant l'emploi de contraceptifs.2

Les contre-indications médicales à la prise des contraceptifs oraux sont peu nombreuses. "La plupart du temps, les agents de DBC peut fournir des CO et des contraceptifs injectables en toute sécurité", dit le docteur Roberto Rivera, directeur des affaires médicales internationales de FHI. "Mais les listes de pointage constituent une procédure de sélection préliminaire." En cas de doute, dit-il, il convient d'aiguiller les clientes vers les dispensaires ou vers d'autres services qui ont un personnel mieux préparé à prendre des décisions en matière d'éligibilité.

Certes utiles, les listes de pointage ne remplacent cependant pas le counseling. Le counseling est essentiel pour veiller à ce que les clientes opèrent leur choix en toute connaissance de cause et de façon volontaire. En outre, les agents doivent être capables de leur apprendre à utiliser les méthodes correctement et systématiquement, à s'occuper des effets secondaires et à reconnaître les signes de complications graves.

En particulier, les agents de DBC -- comme les prestataires aux échelons supérieurs des soins de santé -- doivent être prêts à dispenser un counseling sur les effets secondaires qui désemparent souvent les femmes", précise James Foreit, chercheur de haut niveau du Population Council qui a effectué des études sur la DBC en Amérique latine et en Asie. Par exemple, les contraceptifs injectables progestatifs, c'est-à-dire l'acétate de médroxyprogestérone-dépôt (DMPA, ou Dépo-Provera) et l'enanthate de noréthistérone (NET-EN), ont tendance à produire des saignements irréguliers ou prolongés pendant les trois ou six premiers mois d'utilisation et à être associés à l'aménorrhée par la suite.

La liste de pointage concernant l'adoption des CO comme méthode contraceptive contient 12 questions qui permettent d'identifier les femmes chez qui ce procédé pourrait être contre-indiqué. L'une concerne le tabagisme, indicateur important de risque cardiovasculaire parmi les utilisatrices de la pilule, en particulier chez les femmes de plus de 35 ans. D'autres listes de pointage, plus anciennes, font l'impasse sur ce point. En utilisant des critères d'éligibilité révisés et mis à jour, la nouvelle liste de pointage réduit aussi le nombre de femmes qui se voient refuser l'accès à la pilule sans motif valable. Des listes de pointage distribuées antérieurement comportent des questions sur les varices ou l'épilepsie, alors que la prise de CO n'est pas contre-indiquée dans ces cas-là. De même, ces anciennes listes incluent souvent des questions générales sur les maux de tête. Or, d'après les nouveaux critères de l'OMS, la prise de CO est contre-indiquée uniquement lorsque les maux de tête sont violents, répétés et accompagnés de symptômes neurologiques focaux.

Dans certains pays, la prescription de CO est subordonnée à un examen gynécologique. Or un groupe d'experts internationaux a conclu que les CO peuvent être utilisés sans danger même en l'absence d'un tel examen.

Si la prise de la tension artérielle n'est pas en soi une condition indispensable à l'emploi des CO, c'est peut-être un geste qui se justifie dans certains cas pour optimiser l'emploi de cette méthode en toute sécurité. Par exemple, la prise de la tension artérielle se conçoit dans le cas des femmes susceptibles d'être atteinte d'hypertension, puisque l'oestrogène contenu dans les CO peut avoir un effet mineur (généralement négligeable) sur la tension.3 D'après les critères de l'OMS, la fourniture de CO par les agents de DBC est contre-indiquée chez les femmes atteintes d'hypertension modérée ou prononcée ou d'hypertension accompagnée d'une maladie vasculaire.

L'OMS et la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique ont conclu, sur la base de nombreuses années d'expérience en matière de distribution et d'utilisation de CO, que la prise de la pilule ne comporte pas plus de risques quand cette méthode est distribuée par des agents de DBC que quand elle est prescrite par un personnel médical dans un dispensaire. S'ils jouissent du soutien d'un dispensaire en cas de besoin, les agents de DBC peuvent fournir des contraceptifs oraux en toute sécurité.4

Selon une enquête effectuée à Matamoros, au Mexique, une centaine de clientes qui avaient reçu des CO dans le cadre de la DBC étaient en aussi bonne santé que 135 autres femmes qui s'étaient procurées cette méthode par d'autres moyens, et le programme de DBC ne leur faisait pas courir un risque de mauvaise santé ou de décès supérieur à celui qui est associé à d'autres modes de distribution. Les chercheurs ont noté l'observation suivante : "Si la pilule est contre-indiquée chez un très petit nombre de femmes dans la population, les procédures poussées d'examen risquent d'avoir pour effet d'exposer plus de femmes au risque d'une grossesse accidentelle qu'elles n'en protégeraient contre la prise inappropriée de la pilule."5

La liste de pointage de l'USAID relative aux contraceptifs injectables progestatifs contient huit questions permettant d'identifier les femmes susceptibles d'avoir un état de santé qui rend l'utilisation de cette méthode contre-indiquée. Par exemple, elle recommande que l'on demande à la femme si elle a du retard dans ses règles ou si elle pense être enceinte ; si elle a eu une attaque ou une crise cardiaque ; ou si elle est atteinte de diabète, de cancer du sein ou d'une maladie hépatique grave. Une réponse affirmative à l'une de ces questions suggère une contre-indication possible ou définitive à l'emploi de cette méthode. Il convient alors de suggérer à la femme qu'elle se fasse évaluer par un prestataire à un niveau supérieur de soins.

Une enquête réalisée auprès de 300 femmes au Népal, où le DMPA (Dépo-Provera) est une méthode populaire, a révélé une très faible prévalence des affections en la présence desquelles les agents de DBC ne doivent pas dispenser ce contraceptif. Qui plus est, ces affections sont faciles à identifier avec la liste de pointage. Le DMPA était contre-indiqué chez 10 femmes seulement (cinq étaient enceintes, quatre pouvaient l'être et une autre souffrait de saignements utérins anormaux). Cinq autres femmes avaient des problèmes cardiovasculaires qui constituaient une contre-indication à la fourniture initiale du DMPA par un agent de DBC. Les chercheurs ont conclu que des agents de DBC bien formés et équipés d'une liste de pointage auraient identifié toutes ces affections et qu'ils auraient pu fournir le DMPA en toute sécurité à toutes les autres clientes.6

Le manque de fournitures

Il est souvent difficile de maintenir un approvisionnement adéquat en fournitures contraceptives. En 1996, des chercheurs du Population Council ont interviewé des agents de DBC dans sept des plus importants programmes de DBC du Kenya et ils ont constaté que le tiers d'entre eux avaient déclaré avoir été en rupture de stock au cours des six derniers mois. Le jour où l'entretien a eu lieu, environ 25 pour cent étaient à court de pilules ou de préservatifs.7 En 1993 au Zimbabwe, il y avait 700 agents de DBC dont le rôle était de distribuer régulièrement des CO et de surveiller la tension artérielle et les effets secondaires. Pourtant, plus de la moitié d'entre eux n'avaient pas l'appareil nécessaire pour prendre la tension.8

La fourniture des contraceptifs injectables DMPA et NET-EN dans le cadre de la DBC soulève des questions importantes en matière d'approvisionnement. "Dans une étude expérimentale effectuée dans une région rurale du nord du Ghana, par exemple, la diffusion du DMPA par le biais de la DBC a généralement donné de bons résultats", dit James Phillips, chercheur de haut niveau du Population Council qui a effectué des travaux sur la DBC en Afrique et au Bangladesh. "Il est généralement possible de se réapprovisionner en contraceptifs dans un point de vente régional du ministère de la Santé, mais on a vu des sources locales d'approvisionnement être en rupture de stock. Comme les agents de DBC qui participent àcette étude ont une Jeep, ils ont beaucoup de chance. Cela leur permet de se réapprovisionner dans d'autres points de vente du ministère de la Santé, même très éloignés." Mais beaucoup de programmes de DBC ne sont pas aussi bien équipés.

Outre le produit lui-même, il faut disposer d'un stock adéquat de seringues et d'aiguilles. "La tendance à formuler des systèmes logistiques dans la seule perspective des produits injectables, sans penser aux aiguilles ni aux seringues, peut poser un gros problème", dit James Phillips. Si le DMPA et le NET-EN sont proposés tous les deux, il faut avoir en stock des aiguilles de deux tailles différentes parce que ces deux produits n'ont pas la même visquosité.

Comme avec toutes les autres injections, les agents de DBC doivent s'assurer que leurs aiguilles sont stériles. Puisque les aiguilles et les seringues contaminées ou non stériles posent un risque de transmission de maladies, on ne peut faire qu'une seule injection avec une aiguille et une seringue stériles. Il faut stériliser les aiguilles en métal et les seringues en verre qui sont réutilisables dans un stérilisateur à vapeur pendant 20 minutes à une température de 121 Celsius ou les faire bouillir pendant 20 minutes dans un récipient muni d'un couvercle. Il faut les faire bouillir plus longtemps à altitude élevée, et en haute altitude cette méthode de stérilisation pourrait ne pas détruire tous les organismes infectieux.9 Il faut également prendre les précautions d'usage lorsqu'on jette les seringues et aiguilles à usage unique, en particulier dans les régions à forte prévalence de VIH/SIDA.

Les systèmes de réorientation

La question des services de réorientation par les agents de DBC soulève plusieurs problèmes. "Le premier, c'est qu'il n'y a peut-être pas de dispensaire vers lequel on puisse aiguiller les clientes", dit James Foreit, du Population Council, "ou alors ils peuvent être tellement éloignés que la question ne se pose pas. Faute de temps ou d'argent, la cliente peut ne pas avoir envie de se rendre dans un dispensaire qui propose d'autres méthodes, ou il arrive aussi que l'agent de DBC ne soit pas suffisamment motivé pour réorienter correctement la femme, voire qu'il ne soit pas capable de le faire."

A Saradidi au Kenya, par exemple, des agents de santé agissant en tant que volontaires ont commencé en 1980 à prodiguer une information et des services en matière de planification familiale, et en l'espace de trois ans seulement le taux d'utilisation de la contraception est passée de moins de 1 pour cent à 17 pour cent parmi les quelque 180 femmes mariées et en âge de procréer qui ont été interrogées. Mais près des deux tiers des clientes à qui l'on avait conseillé de se rendre dans un dispensaire pour se faire examiner n'avaient pas donné suite à cette recommandation.10

Si les agents de DBC touchaient de l'argent quand ils envoient des clientes dans un dispensaire pour qu'elles y reçoivent une méthode à long terme, qu'elles se fassent insérer un DIU ou qu'elles se fassent stériliser, le système de réorientation pourrait éventuellement se trouver renforcé, mais les abus seraient possibles. Les clientes pourraient être forcées de choisir une méthode à long terme. Toutefois, une étude effectuée en 1989 dans des dispensaires de planification familiale relevant de deux agences dans les faubourgs de Lima, au Pérou, qui pratiquaient plus de 2.500 insertions de DIU par an, n'a mis en évidence aucun signe de coercition ni d'abus associé au versement de modiques sommes d'argent aux agents de DBC qui aiguillaient les femmes vers ces services. Environ 250 femmes qui avaient opté pour le DIU dans ces conditions ont été interrogées et la plupart d'entre elles estimaient avoir reçu un counseling adéquat sur cette méthode avant et après l'insertion.11

"Si on paie les agents de DBC pour aiguiller les femmes vers des méthodes qu'ils ne peuvent pas fournir eux-mêmes, le nombre des cas de réorientation augmente bel et bien", constate James Foreit, qui a participé à l'étude réalisée à Lima. "Cette compensation financière pourrait poser un problème éthique. Mais si l'agent de DBC touche déjà une commission pour la distribution de CO, il n'est pas incité à orienter la femme vers une autre méthode. En fait, il lui serait peut-être plus avantageux de carrément s'abstenir de le faire."

Lorsqu'il n'est pas possible de proposer des services de réorientation, ou si ce n'est pas efficace, des équipes ou des camps mobiles d'extension peuvent donner aux clientes des agents de DBC les moyens d'avoir accès aux méthodes contraceptives qui sont généralement disponibles uniquement dans les dispensaires ou les hôpitaux. En dépit des questions qui ont été soulevées sur la qualité des services et le manque de choix en matière de contraception, les camps d'extension jouent un rôle significatif dans l'élargissement de l'accès.

Au Népal, ces camps constituent un moyen important pour satisfaire la demande de services de stérilisation en milieu rural, où les services hospitaliers et en dispensaire ne sont pas disponibles toute l'année. En 1996, 42 pour cent de tous les clients qui ont été stérilisés ont subi cette intervention dans ce genre de camps. Une étude a comparé l'expérience de 445 personnes stérilisées dans des hôpitaux publics à celle de 372 autres qui avaient subi cette procédure dans des camps aménagés temporairement : elle n'a mis en évidence aucun fait qui indiquerait que cette deuxième formule avait été associée à la pratique de la stérilisation dans des circonstances inappropriées. Le pourcentage des femmes qui regrettaient leur décision était le même parmi celles qui avaient été stérilisées à l'hôpital et celles qui l'avaient été dans des camps.12

De surcroît, la qualité des soins ne semblait pas compromise dans les camps. Ce facteur comprend notamment le degré auquel la décision des clientes de recourir à la stérilisation se fondait sur un choix éclairé, mesuré en fonction de la sensibilisation des clientes aux diverses méthodes de planification familiale. Plus de 90 pour cent des patientes à l'hôpital comme dans les camps connaissaient au moins une méthode temporaire parmi les quatre suggérées (pilules, contraceptifs injectables, implants et DIU).

-- Kim Best



-- Kim Best

Notes

  1. U.S. Agency for International Development. Recommandations pour la mise à jour de certaines pratiques d'utilisation des contraceptifs : Volume II. (Washington: U.S. Agency for International Development, 1998) 185-91.
  2. Organisation mondiale de la Santé. Pour un meilleur accès à des soins de qualité en matière de planification familiale. Critères de recevabilité médicale pour l'adoption et l'utilisation continue de méthodes contraceptives. Genève : Organisation mondiale de la Santé, 1996.
  3. U.S. Agency for International Development. Recommandations pour la mise à jour de certaines pratiques d'utilisation des contraceptifs : Volume I. (Washington: U.S. Agency for International Development, 1995)24.
  4. World Health Organization, International Federation of Gynecology and Obstetrics. Community-based services for family planning: the role of the medical profession. Int J Gynecol Obstet 1995:49(1):85.
  5. Zavala AS, Pérez-Gonzáles M, Miller P, et al. Reproductive risks in a community-based distribution program of oral contraceptives, Matamoros, Mexico. Stud Fam Plann 1987;18(5):284-90.
  6. Rai C, Thapa S, Bhattarai L, et al. Prevalence of conditions in Nepal for which DMPA initiation is not recommended: implications for community based service delivery of DMPA. Unpublished paper. Family Health International, 1998.
  7. Assessing the impact of community-based distribution (CBD) programs in Kenya. Update 1996; (7):1-2.
  8. Manjanja S. Zimbabwe: a family planning profile. Malawi Med J 1993;9(1):37.
  9. World Health Organization. Injectable Contraceptives. (Geneva: World Health Organization, 1990)33.
  10. Kaseje DC, Sempebwa EK, Spencer HC. Community-based distribution of family planning services in Saradidi, Kenya. Ann Trop Med Parasitol 1987;81(Suppl 1):135-47.
  11. Garate MR, Mostajo P, Rosen JE, et al. CBD promoter incentives for IUD insertion referral: can they lead to client coercion and abuse? Findings from Peru. Presentation at the American Public Health Association annual meeting, Atlanta, GA, November 11-14, 1991.
  12. Thapa S, Friedman M. Female sterilization in Nepal: a comparison of two types of service delivery. Int Fam Plann Perspect 1998;24(2):78-83.

    Network, Printemps 1999, Volume 19, Numéro 3 .
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