Les chercheurs peu enclins à communiquer leurs résultats entre eux : volonté délibérée ou problème de communication ?
Ce sont les questions soulevées par les conclusions d’une vaste étude/sondage réalisée par l’institut américain de contrôle de la santé (Boston, EU) qui montre qu‘environ la moitié des chercheurs en sciences de la vie interrogés disent avoir essuyé durant les trois dernières années au moins un refus de la part de confrères de communiquer des informations supplémentaires sur leurs résultats déjà publiés. Les auteurs de cette étude, qui publient leurs résultats dans la revue The Journal of the American Medical Association, pensent que cette attitude de rétention des informations accroît l’esprit de concurrence et nuit à l’avancée de la recherche académique ainsi qu’à l’enseignement universitaire.
Alors que les us et coutumes de la recherche académique voudraient que l’information et les données diffusent librement entre chercheurs afin de faire progresser les connaissances au plus vite (en permettant notamment la reproduction des résultats publiés) dans un esprit totalement dénué d’ambition personnelle, l’objectif de Eric Campbell et al a été de comprendre la nature, la proportion et les conséquences de la rétention d’information, dans le domaine de la recherche génétique fondamentale.
L’étude a consisté à réaliser par courrier électronique un sondage auprès de scientifiques des sciences de la vie universitaires, entre mars et juillet 2000. Parmi 3000 personnes interrogées, 2893 ont été considérées comme pouvant entrer dans l’étude et 1849, soit 64%, ont répondu.
Les mesures principales ont été les pourcentages de demandes d’information refusées ou acceptées et les conséquences de la rétention de données scientifiques.
Les résultats ont montré que 47% des généticiens interrogés ont eu au moins un refus de communication de données (informations complémentaires, données, matériels) de la part de confrères dans les trois années précédentes.
Dix pour-cent de toutes les demandes complémentaires sur une étude publiée ont été refusées.
Les généticiens ont été 28% à dire que le refus de communiquer des informations les a empêché de confirmer des résultats publiés.
Parmi les généticiens ayant avoué avoir gardé pour eux des informations, 80% ont expliqué que les efforts pour obtenir celles-ci étaient trop importants, 64% ont dit qu’ils les gardaient pour un étudiant et 53% ont déclaré qu’ils protégeaient leur propre potentiel de publications.
Ils ont été 35% à dire que le partage des connaissances et des données avait baissé durant la décennie précédente et 14% à penser le contraire.
Les scientifiques des autres disciplines des sciences de la vie ont été moins nombreux à penser que la rétention d’information avait un impact négatif sur leurs propres recherches ou sur la recherche en général.
«De nombreuses questions restent sans réponse devant la rétention d’informations scientifiques», ont conclu les auteurs, en précisant que leur étude «suggérait cependant que cette attitude était présente dans toutes les disciplines, et qu’une remise en question de la question de la diffusion de l’information entre scientifique devait être entreprise, ainsi qu’une ouverture à la communication».
Source : JAMA 2002;287(4):473-80.
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