La leptine est un puissant inhibiteur de la formation osseuse
Hormone polypeptidique principalement sécrétée par les adipocytes et intervenant dans le contrôle du poids corporel, la leptine inhibe la formation de l’os via un relais hypothalamique. C’est ce qu’a découvert une équipe américaine dont les résultats sont publiés dans Cell. Ils modifient notre compréhension des mécanismes de remodelage osseux et de l’ostéoporose, maladie la plus fréquente dans les pays occidentaux qui apparaît donc, au moins en partie, d’origine centrale.
Ils ouvrent également la voie à une possible manipulation pharmacologique de la voie de la leptine (inhibiteurs sélectifs) pour une " nouvelle approche thérapeutique de la prévention et/ou du traitement de l’ostéoporose en stimulant la formation d’os ".
Le Français Gerard Karsenty et ses collaborateurs du département de génétique moléculaire et humaine du Baylor College of Medicine (Houston, Texas) apportent la première preuve de l’existence d’un mécanisme liant le contrôle de la masse osseuse avec la régulation du poids corporel.
Découverte en 1994, la leptine a fortement stimulé la recherche sur le contrôle de l’obésité chez les animaux et chez l’homme. En 1996, les premières familles monogéniques d’obésité, porteuses de mutations dans les gènes codant pour la leptine (gène ob) et la prohormone convertase 1, ont été écrites. Depuis, des mutations dans le gène du récepteur de la leptine ont également été rapportées.
La leptine contrôle le poids corporel et, directement ou indirectement, la fonction gonadique par liaison à un récepteur spécifique localisé dans l’hypothalamus. Les souris déficientes pour le gène et le récepteur de la leptine, appelées respectivement souris ob/ob et db/db, sont obèses et présentent un hypogonadisme.
Ce trouble endocrinien devrait entraîner chez ces rongeurs une diminution de masse osseuse dans la mesure où une insuffisance gonadique favorise la résorption osseuse. De plus, l’hypercortisolisme de ces animaux constitue un facteur supplémentaire de risque ostéoporotique.
On n’observe rien de tel chez les souris ob/ob et db/db. Bien au contraire, elles présentent une importante masse osseuse dont l’apparition précède le début de l’obésité. C’est donc l’absence d’action de la leptine, et non l’obésité, qui est responsable de cette forte masse osseuse.
Au total, ces souris déficientes pour la leptine ou son récepteur représentent donc un modèle animal où coexistent une hypogonadisme, un hypercortisolisme et une masse osseuse augmentée. Pour les auteurs, c’est bien la preuve que " l’action de la leptine sur la formation osseuse n’est pas moins importante sur le plan physiologique que son rôle dans le contrôle du poids corporel ".
Ces résultats révèlent que la leptine est un inhibiteur sélectif de la formation osseuse. Qui dit inhibiteur, dit souvent activateur. On peut donc supposer qu’existe une autre hormone ayant l’effet inverse de la leptine, autrement dit un activateur sélectif de la formation osseuse. Les chercheurs ont déjà entrepris des travaux en ce sens.
Ils indiquent avoir observé une augmentation de la fonction des ostéoblastes chez les souris mutantes ob/ob et db/db. En revanche, leurs expériences n’ont pas montré d’effet fonctionnel détectable sur les ostéoclastes chez ces mêmes rongeurs. Ils soulignent que l’action de l’hormone sur la formation osseuse n’implique pas la liaison de la leptine à un récepteur localisé sur les ostéoblastes.
L’action de la leptine ne nécessite pas non plus la présence de tissu adipeux blanc, celui-là même qui est régulé par cette hormone. En effet, des expériences sur des souris dépourvues de ce type de tissu graisseux montrent qu’il n’est pas un relais nécessaire à l’action de la leptine sur la formation osseuse.
Régulation centrale du remodelage osseux
Patricia Ducy et ses collègues ont voulu savoir si la liaison de la leptine à son récepteur hypothalamique pouvait corriger leur phénotype ‘forte masse osseuse’, à l’instar de ce que l’on observe pour le phénotype obésité. De fait, l’injection intracérébrale de leptine dans le 3e ventricule de souris ob/ob inverse complètement le phénotype ‘masse osseuse importante’ et induit une perte osseuse chez les souris normales.
C’est bien la démonstration de l’existence d’une fonction centrale, leptine-dépendante, qui régule le remodelage osseux. " Cette nouvelle boucle de régulation est à l’origine d’un mécanisme permettant de court-circuiter les effets délétères combinés sur la masse osseuse de l’hypogonadisme et de l’hypercortisolisme ", écrivent les auteurs.
Selon eux, il est concevable que la leptine et d’autres molécules sécrétées puissent réguler la masse osseuse en agissant sur la synthèse ou la fonction de facteurs présents dans le micro-environnement osseux. Nul doute que ces travaux vont inciter de nombreux groupes à rechercher ces médiateurs de l’action de la leptine.
En quoi ces résultats peuvent-ils aider à comprendre que l’obésité protège de la perte osseuse chez l’homme ? On sait en effet que l’expression de la leptine et les taux sériques de cette hormone sont élevés dans les obèses. Selon les auteurs, à l’instar de la résistance à l’insuline observée chez des patients atteints de diabète de type II, il est possible qu’existe une résistance par défaut partiel du transport de la leptine dans le système nerveux central dans l’obésité.
Source : Cell, 21 janvier 2000, Vol.100, 197-207.
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