De la provitamine A dans du riz transgénique
Des chercheurs suisses et allemands rapportent dans la dernière livraison de Science avoir créé du riz transgénique qui exprime la provitamine A ou bêta-carotène. Ils espèrent ainsi lutter contre le déficit en vitamine A qui touche notamment 124 millions d’enfants à travers le monde.
Le riz est l’aliment de base de millions de personnes. La partie comestible du grain de riz qui reste après polissage, l’endosperme, est dépourvue de plusieurs nutriments essentiels, dont la provitamine A.
Or l’avitaminose A est à l’origine de troubles de la vision nocturne et de xérophtalmie, pouvant conduire à la cécité, rappellent Peter Beyer et ses collaborateurs de l’Institut fédéral helvétique de technologie de Zurich (Suisse) et de l’Université de Freiburg (Allemagne). Cette carence nutritionnelle est présente dans 26 pays du globe, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique latine. En Asie du Sud-Est, on estime que 250.000 enfants perdent la vue chaque année du fait d’un déficit en vitamine A.
La synthèse du bêta-carotène, qui débute par la production d'un précurseur de caroténoïdes, nécessite ensuite l’action de trois enzymes successives : la phytoène synthétase (psy), la phytoène désaturase (crtl) et la lycopène ß-cyclase (lcy).
Les chercheurs ont réussi un véritable tour de force en introduisant simultanément trois vecteurs différents (psy, crtl, lcy) pour reconstituer l’intégralité de la voie de la synthèse du bêta-carotène dans l’endosperme du riz. C’est l’espèce asiatique du riz cultivé, Oriza sativa, qui a été génétiquement transformée.
Les premiers calculs montrent que cette céréale transgénique peut apporter assez de provitamine A, métabolisée dans l'organisme en vitamine A, pour satisfaire aux besoins nutritionnels après consommation d’une ration quotidienne de riz.
Du riz de couleur jaune
Dans la plupart des cas, les endospermes transgéniques avaient une teinte jaune, preuve de la présence de caroténoïdes. Il est encore loin d’être acquis que cette couleur sera forcément du goût des consommateurs habitués à ce que le riz soit blanc ou brun.
Dans un éditorial associé, Mary Lou Gerinot (Dartmouth College, Hanover, New Hampshire, Etats-Unis) fait remarquer que les travaux des chercheurs suisses et allemands n’ont pas été financés par l'industrie agro-alimentaire mais par la Fondation Rockfeller, l’Institut fédéral helvétique de la technologie et le programme Biotech de la Communauté Européenne.
Alors qu’une partie du public exprime d'importantes réticences vis-à-vis des OGM, on ne peut qu’espérer que cette application de la transgénèse végétale pour améliorer la misère humaine, sans but de profit à court terme, contribura à faire en sorte qu'elle soit acceptée, conclut l’éditorialiste.
Source : Science, 14 janvier 2000, vol.287, 303-5.
Descripteur MESH : Science , Asie , Caroténoïdes , Technologie , Couleur , Goût , Xérophtalmie , Vision nocturne , Troubles de la vision , Suisse , Personnes , New Hampshire , Industrie , Afrique , Enzymes , Éditorial , Cécité , Calculs , Amérique latine , Allemagne