Maladie d’Alzheimer : une base solide pour une nouvelle approche thérapeutique
Trois équipes indépendantes rapportent avoir identifié et caractérisé une enzyme directement impliquée dans l’accumulation de la protéine amyloïde dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Ces travaux ouvrent la voie au développement d’inhibiteurs spécifiques de cette enzyme, la bêta-sécrétase, pour arrêter ou inverser le processus neurodégénératif.
Ils confirment les résultats publiés fin octobre dernier par une équipe californienne. Martin Citron et ses collaborateurs de la firme californienne de biotechnologie Amgen (Thousand Oaks) ont en effet été les premiers à annoncer dans Science l’identification de cette enzyme qui joue un rôle clé dans la pathogénèse de la maladie d’Alzheimer. (lire notre dépêche du 23/10/99)
Le peptide bêta-amyloïde qui se dépose dans le cerveau des malades provient, on le sait, du clivage de la grosse protéine APP par deux enzymes : la bêta-sécrétase et la gamma-sécrétase. Leur identification fait l’objet de recherches intensives depuis des années.
C’est la bêta-sécrétase (encore appelée Asp2) qui vient d’être purifiée et clonée par quatre équipes utilisant des approches différentes. Cette enzyme est une protéase aspartique. Le gène codant pour la bêta-sécrétase a été baptisé BACE, pour ‘beta-site APP cleaving enzyme’.
Aujourd’hui, c’est au tour des équipes dirigées par Mark Gurney de la firme Pharmacia-Upjohn (Kalamazoo, Michigan) et Sukanto Sinha de la société Elan Pharmaceuticals (San Francisco, Californie) de rapporter leurs résultats sur cette même bêta-sécrétase dans la dernière livraison de Nature. Ishurt Hussain et ses collaborateurs chez SmithKline Beecham Pharmaceuticals (Harlow, Grande-Bretagne) font également état de résultats similaires dans la revue Molecular and Cellular Neuroscience datée de décembre.
L’identification de la bêta-sécrétase ouvre la voie au développement d’inhibiteurs spécifiques par une approche rationnelle. Il devient en effet désormais possible d’obtenir des informations sur la structure moléculaire de l’enzyme pour concevoir de nouvelles classes de médicaments dans la maladie d’Alzheimer.
Invités à commenter ces résultats dans un éditorial dans Nature, Bart De Strooper (Institut de biotechnologie de Louvain, Belgique) et Gehard König (Bayer Pharma, Wuppertal, Allemagne) font remarquer que plusieurs obstacles restent à surmonter.
Tout d’abord, il n’est pas impossible qu’existent plusieurs formes de bêta-sécrétases, ce que laisse d'ailleurs présager la dénomination Asp2 adoptée par certaines équipes. De plus, on ignore si l’action de ces enzymes dépend de molécules cellulaires. Nul doute que des souris transgéniques knockout, dépourvues du gène BACE, seront très utiles pour résoudre ces questions.
Enfin et surtout, il ne sera pas facile à ces inhibiteurs, qui devront par ailleurs traverser la barrière hémato-méningée, de pénétrer dans les compartiments cellulaires où se trouve la bêta-sécrétase. En effet, cette enzyme est présente dans la lumière de l’appareil de Golgi et des endosomes. En d’autres termes, les inhibiteurs devront être capables de franchir au moins deux bicouches lipidiques pour exercer leur action ce qui, même avec des composés de petit poids moléculaire, n’a rien d’évident.
Source : Nature, Vol.402, 2 décembre 1999, 533-7, 537-40, 471-2. Molecular and Cellular Neuroscience, 1999, 14, 419-27 : disponible à http://www.idealibrary.com/links/toc/mcne/
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