Les IVG hors établissement de santé en forte progression

Les IVG hors établissement de santé en forte progression Selon un rapport publié par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) en septembre 2024, la France a enregistré 243 600 interruptions volontaires de grossesse (IVG) en 2023, poursuivant une tendance à la hausse amorcée en 2022. Ce rapport met en lumière l’évolution des pratiques, avec une part croissante d’IVG réalisées hors des établissements de santé, ainsi que les disparités régionales et l’implication croissante des sages-femmes et médecins généralistes dans la prise en charge de ces interventions.

Évolution des pratiques : un recours croissant aux IVG hors établissement

Le nombre total d’IVG réalisées en 2023 s’élève à 243 623, dont 227 400 pour des femmes résidant en France métropolitaine. Ce chiffre marque une augmentation de 8 600 IVG par rapport à 2022. Cette tendance à la hausse, amorcée après une baisse due à la pandémie de Covid-19, s’accompagne d'une évolution des pratiques.

En effet, 41 % des IVG ont été réalisées hors établissement de santé en 2023, contre 31 % en 2000. Depuis 2005, les IVG médicamenteuses sont autorisées en cabinet médical ou centre de santé, et cette pratique s’est rapidement étendue. La méthode médicamenteuse représente aujourd’hui 79 % de l’ensemble des IVG. Parmi celles-ci, 48 % sont effectuées en établissement de santé, tandis que 46 % le sont en cabinet libéral et 6 % en centre de santé ou centre de santé sexuelle. L’accès à la téléconsultation pour les IVG, autorisé pendant la crise sanitaire de 2020, a également contribué à cette évolution, pérennisant l’IVG hors des structures hospitalières.

Disparités régionales marquées et inégalités d’accès

Le rapport de la DREES met en lumière des disparités géographiques importantes en termes de recours à l’IVG. En 2023, le taux de recours moyen en France métropolitaine est de 16,8 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, mais il varie considérablement selon les régions. Le taux le plus bas est enregistré dans les Pays de la Loire (12,4 ‰), tandis que la Provence-Alpes-Côte d'Azur affiche le taux le plus élevé (23,3 ‰).

Les écarts sont encore plus marqués dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), où le taux moyen atteint 31,5 IVG pour 1 000 femmes. La Guyane, en particulier, se distingue avec un taux de 48,9 ‰, soit quatre fois supérieur à celui des Pays de la Loire. Ces différences s'expliquent notamment par des facteurs culturels et l'accès variable à la contraception. En Guyane, les grossesses précoces sont fréquentes, en partie à cause d'une méfiance vis-à-vis des méthodes contraceptives.

En parallèle, les disparités sont également visibles dans les lieux de réalisation des IVG. Si dans les Pays de la Loire, seules 16,9 % des IVG sont réalisées hors établissement, cette proportion atteint 81,1 % en Guyane. Cette inégalité reflète des différences dans l'offre de soins, certaines régions offrant plus de possibilités d’accéder à des IVG hors établissement que d’autres.

Les professionnels réalisant les IVG : un rôle clé pour les sages-femmes et les médecins généralistes

En 2023, 3 170 professionnels de santé ont pratiqué au moins une IVG dans un cabinet libéral ou en téléconsultation. Parmi eux, les sages-femmes se distinguent particulièrement avec une forte augmentation de leur implication dans la pratique des IVG hors établissement de santé. Le nombre de sages-femmes ayant pratiqué au moins une IVG est passé à 1 208 en 2023, contre 515 en 2020, soit une hausse de plus de 693 en trois ans. Cette profession représente désormais 47 % des IVG en ville, contre 26 % pour les médecins généralistes et 27 % pour les gynécologues médicaux ou gynécologues-obstétriciens.

Le rôle des médecins généralistes est également notable, avec 1 007 praticiens ayant réalisé des IVG en cabinet en 2023, tandis que 902 gynécologues médicaux ou gynéco-obstétriciens y ont également participé. Toutefois, une baisse légère du nombre de gynécologues impliqués a été observée entre 2020 et 2023.

Ce transfert des compétences, en particulier vers les sages-femmes, résulte de l’évolution législative autorisant ces dernières à pratiquer des IVG médicamenteuses dans leur cabinet depuis 2016. En outre, l’élargissement des compétences des sages-femmes, leur proximité avec les patientes et leur nombre croissant dans certaines régions ont permis de répondre à la demande croissante d’IVG hors établissement. Ce développement pourrait également répondre à la nécessité d’augmenter l’accessibilité des soins dans des zones sous-dotées en gynécologues.

Cependant, il existe encore une hétérogénéité importante dans la répartition des professionnels réalisant des IVG à travers le pays. Dans certains départements comme la Sarthe, aucun médecin ou sage-femme n’a réalisé d’IVG hors établissement en 2023, tandis que d’autres départements comme la Savoie affichent un taux de professionnels très élevé, avec plus de 50 praticiens pour 100 000 femmes en âge de procréer.

Allongement du délai légal et augmentation des IVG tardives

Depuis mars 2022, le délai légal pour réaliser une IVG a été prolongé, permettant aux femmes d’avorter jusqu’à la 16e semaine d’aménorrhée (SA), contre 14 SA précédemment. En 2023, 2,5 % des IVG réalisées en établissement de santé ont concerné des grossesses entre 14 et 16 SA, représentant environ 1,5 % du total des IVG. Cette mesure n’a pas suffi à expliquer à elle seule l’augmentation générale du nombre d’IVG, mais elle a permis de réduire les situations d’accès tardif aux soins.

Il est à noter que la majorité des IVG en établissement de santé se fait entre 5 et 9 SA, tandis que 9,5 % des IVG hospitalières sont réalisées après 12 SA. Les IVG tardives concernent particulièrement les DROM, où elles représentent 18,2 % des interventions, contre 9,1 % en France métropolitaine.

Impact sur le système de santé et perspectives

L'augmentation des IVG hors établissement de santé a un impact direct sur l'organisation des soins et la répartition des responsabilités entre les professionnels de santé. En 2023, près de 3 200 professionnels ont réalisé des IVG en cabinet de ville, dont une majorité de sages-femmes. Ce transfert progressif des actes vers des structures de soins primaires ou des consultations à distance nécessite un accompagnement renforcé pour assurer la qualité des soins et l’accessibilité des services dans toutes les régions.

En conclusion, la hausse des IVG réalisées hors établissement de santé et les disparités territoriales observées en 2023 témoignent d’une évolution profonde des pratiques médicales. Alors que la part des IVG réalisées en ville continue d’augmenter, les professionnels de santé doivent s’adapter à ces nouvelles réalités tout en veillant à garantir un accès équitable aux soins sur l’ensemble du territoire.

 

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