L’impossible éradication du VIH
Des chercheurs américains ont démontré que le virus du sida n’était absolument pas éradiqué chez deux patients chez lesquels une stratégie thérapeutique avait pourtant entraîé la disparition totale du VIH dans le sang périphérique et dans les cultures de biopsies ganglionnaires.
Ce résultat a été communiqué au 12e Colloque des ‘Cent Gardes’ par le Pr Anthony Fauci du laboratoire d’immunorégulation du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID, NIH, Bethesda).
On le sait, des techniques quantitatives ultra-sensibles ont montré qu’un réservoir latent de VIH persiste chez la plupart des patients traités par des associations d’antirétroviraux hautement efficaces.
De surcroît, un faible niveau de réplication peut même être constamment détecté dans ce réservoir latent. Ceci tient sans doute, estime Anthony Fauci, au fait que ces cellules lentes infectées résident dans le micro-environnement du tissu lymphoïde, particulièrement riche en cytokines, qui sont autant de signaux potentiels d’activation qui favorisent la dissémination du virus.
Le mensuel Nature Medicine publiait l’été dernier les résultats d’un essai clinique qui avait pour but d’activer le pool de cellules latentes par de l’interleukine-2 (IL-2) pour mieux l’éliminer. Il consistait à utiliser de l’IL-2 de manière séquentielle en même temps que des antirétroviraux puissants et efficaces étaient administrés pour bloquer le cycle infectieux des virions libérés par le réservoir latent activé par l’IL-2. Au total, 26 patients avaient été inclus dans cette étude non randomisée : 14 dans le groupe trithérapie avec IL-2, et 12 dans le groupe trithérapie seule.
Utilisant des techniques quantitatives sophistiquées, les chercheurs avaient conclu à l’impossibilité de détecter du virus dans les cellules quiescentes T CD4+ du sang périphérique mais également dans les ganglions lymphatiques de deux patients traités par antirétroviraux et IL-2.
Déception
Anthony Fauci montre aujourd’hui qu’il n’en est rien. Il rapporte les résultats d’un essai évaluant l’impact de l’arrêt des antirétroviraux chez 18 patients VIH+ ayant plus de 350 cellules CD4/mm3 et dont la charge virale était depuis plus d’un an inférieure à la limite de détection grâce à la thérapeutique antirétrovirale. Parmi ces 18 patients, 12 avaient également reçu de l’IL-2, y compris les 2 patients précédemment décrits dans Nature Medicine, et avaient un pool très faible, voire indétectable, de cellules latentes infectées.
Malgré cela, un rebond de la charge virale est survenu chez 17 de ces 18 patients, notamment chez les 2 patients chez lesquels il a avait été montré qu’il n’était pas possible de détecter de virus dans le sang périphérique et les biopsies ganglionnaires.
La réapparition du virus est intervenue dans les 2 à 3 semaines suivant l’arrêt de la thérapeutique antirétrovirale, ce qui suggère l’existence de réservoirs autres que ceux composés des cellules quiescentes T CD4. Ceci pose la question de l’existence d’autres réservoirs potentiels : cerveau, tissu lymphoïde associé aux muqueuses digestives, moelle osseuse, tractus génital, etc.
Pour Anthony Fauci, “cette persistance du virus malgré la poursuite d’associations antivirales puissantes montre que des antirétroviraux plus efficaces sont nécessaires. Elle souligne également l’importance de concevoir des approches immunothérapeutiques capables de stimuler l’immunité VIH-spécifique avant de parvenir à un contrôle à long terme, et peut-être à une éradication fonctionnelle du VIH”.
Le réservoir latent n’explique pas tout
“Le pool des cellules latentes infectées est rétabli presque immédiatement après l’interruption du traitement antiviral. Par ailleurs, il n’a pas été trouvé de corrélation entre la taille du réservoir latent et la cinétique de répparition de la virémie, ce qui indique qu’il y a quelque chose d’autre qui intervient .
Selon Anthony Fauci, les cellules T CD4+ infectées, latentes, ne rendent donc compte de la totalité de rebond précoce de la charge virale plasmatique que l’on observe après interruption d’un traitement antirétroviral puissant et efficace.
Afin de déterminer si le virus qui réapparaît après interruption des antirétroviraux est le même que celui qui résidait dans le réservoir latent, les chercheurs du NIAID ont conduit des analyses génotypiques comparatives. Elles révélent des “différences significatives”.
En définitive, “bien que le virus qui réapparaît lors du rebond après arrêt du traitement antiviral est similaire au virus compétent pour la réplication isoléà partir du réservoir de cellules latentes infectées chez certains patients, l’origine précise du rebond de la charge virale plasmatique reste encore à identifier”.
Source : 12e Colloque des ‘Cent Gardes’ : rétrovirus du sida et maladies animales apparentées. Marnes-la-Coquette. 25-27 octobre 1999, organisé par la Fondation Mérieux et Pasteur Mérieux Connaught, en collaboration avec l’Agence Nationale de Recherches sur le Sida (ANRS).
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