Programmes pour adolescents : L'expérience «Ashe» en Jamaïque Michael Holgate

KINGSTON, Jamaïque -- Souvenez-vous de l'époque où l'idée de devenir adulte vous trottait constamment dans la tête, où vous vous sentiez vraiment désemparé face à tout ce qui vous attendait, en particulier en matière de sexualité.

C'est une époque pleine d'embûches, d'incertitudes, de craintes dénuées de fondement, de conflits intérieurs, et que vous devez affronter avec une personnalité transformée, un corps nouveau, des sentiments jusqu'alors inconnus et souvent sans aide ou presque. C'est l'adolescence.

Pis encore, au lieu de recevoir des informations fiables et un soutien moral des gens qui vous entourent, ce qui serait constructif, c'est peut-être tout le contraire qui vous est réservé des informations incorrectes, des commentaires décourageants qui ne servent qu'à alimenter les craintes sans fondement. Cela ne peut qu'aggraver votre confusion.

Maintenant, essayez de vous imaginer dans une pièce plongée dans l'obscurité, avec toutes ces émotions, ces frustrations et ce sentiment d'ignorance qui vous étouffent. Quelqu'un entre, allume la lumière, et les informations qu'on vous donne dissipent vos craintes. Cela, c'est l'expérience «Ashe».

Ashe, c'est un groupe de théâtre et des arts scéniques qui a pour mission d'encourager l'éducation par les pairs et l'épanouissement de l'individu. Il tire son nom d'un mot africain qui signifie beaucoup de choses, mais qui évoque fondamentalement la force intérieure de l'individu et le respect de soi.

Moi qui fais partie de cette troupe depuis l'adolescence, je sais que nous fonctionnons à deux niveaux. En tant qu'acteurs, le fait de monter sur les planches est essentiel à notre épanouissement personnel, tout comme nous espérons que nos représentations et nos ateliers interactifs aident les participants à s'épanouir.

J'ai eu le privilège de beaucoup mieux comprendre mon propre développement sexuel en me produisant sur scène avec Ashe, et je suis convaincu que nos spectacles informent et inspirent les nombreuses personnes qui viennent nous voir d'autres jeunes, des parents et les adultes qui travaillent avec les adolescents.

Je suis le produit de cette expérience personnelle d'épanouissement, qui s'inspire d'un modèle fondé sur trois idées maîtresses pouvant se résumer par le sigle «EPE»:

  • La lettre E nous dit qu'il faut « soulever l'enthousiasme des jeunes». L'une des troupes des arts scéniques parmi les plus renommées et les plus populaires de la Jamaïque, Ashe s'acquitte très bien de cette mission.
  • La lettre P nous rappelle qu'il faut faire participer les jeunes. Ashe s'y emploie en donnant des cours de chant, de danse et d'art dramatique aussi bien que dans le cadre de ses représentations et de ses ateliers.
  • La lettre E évoque l'engagement que prennent les jeunes.

Quand les jeunes explorent la sexualité et se transforment peu à peu en adultes, il ne faut pas que les enseignants, les parents et les autres adultes les laissent se débrouiller par leurs propres moyens, en particulier dans un monde où le sida et les autres maladies sexuellement transmissibles (MST) se propagent comme le chiendent.

Les tabous culturels qui empêchent les gens d'avoir des discussions franches, les croyances répressives et toutes sortes d'insécurités personnelles peuvent réduire au silence les parents et les enseignants, même lorsqu'ils voudraient aider les jeunes adultes à se protéger contre les maladies et les grossesses accidentelles. Or l'ignorance qui plonge les individus dans l'obscurité, celle-là même qui enveloppe les jeunes en route vers la maturité sexuelle, est propice aux comportements à risque.

Quand la lumière est allumée grâce à l'expérience Ashe, on se sent libre de partager des idées, des informations et des vérités sur le monde sexuel. Ashe m'a aidé à accepter ma sexualité et à m'accepter moi-même en tant qu'être sexuel. J'ai été sensibilisé à l'importance qu'il y a de se protéger contre les MST avant même que je ne devienne sexuellement actif avec une autre personne. Ashe m'a donné les moyens de me prendre en charge, m'a aidé à comprendre que je dois m'aimer et m'apprécier si je veux prendre la décision de me protéger.

Développer l'estime de soi

Le développement de l'estime de soi, ou de l'amour-propre, constitue un élément important de l'expérience Ashe. L'estime de soi peut devenir un fil conducteur dans le tissu de la vie au quotidien, un fil que l'on retrouve à travers tant d'activités et d'attitudes. Dans les arts de la scène, ce sont le corps et l'esprit qui façonnent le canevas de votre art, mais c'est l'estime de soi qui doit sous-tendre ce canevas pour le rendre solide. L'épanouissement personnel est indispensable pour atteindre l'excellence, parce que l'art de la représentation réside au plus profond de SOI.

Une bonne façon d'apprendre quelque chose, c'est de l'enseigner. C'est comme cela que j'ai développé ma propre estime et c'est sur les planches que j'ai appris le langage de l'estime de soi. J'ai appris ce qu'il faut avoir pour exprimer l'estime de soi dans sa vie. Dans notre troupe, l'amour et l'appréciation de soi sont intégrés à notre fonctionnement collectif. C'est comme un enfant qui apprend à parler, qui apprend sa langue pour mieux comprendre les autres. Si je n'avais pas appris la langue de l'estime de soi, je ne serais pas devenu le comédien que je voulais être.

L'éducation sexuelle par les arts de la scène communique aisément avec ce qu'il y a de plus profond au cur d'un individu. J'ai joué le rôle de «l'Envie Incontrôlable» dans notre comédie musicale intitulée VIBES in a World of Sexuality (Vibrations dans un monde de sexualité). Même lorsqu'on interprète un personnage ou un rôle négatif, des sentiments importants et des informations essentielles peuvent pénétrer jusqu'au plus profond de nous-mêmes. On finit par se dire: «Regarde tout le mal que tu fais quand tu joues le rôle de l'Envie Incontrôlable. Est-ce vraiment comme cela que les envies incontrôlables affectent mes pairs, mes amis... moi-même?»

Ce genre de représentation porte à l'auto-analyse, ce qui débouche ensuite sur l'action. A ce stade de ma vie, je peux dire que j'ai évité certaines conséquences associées aux comportements sexuels à risque. Mais qu'en est-il de tant de jeunes à qui l'on a dit les dangers du monde sexuel? Pourquoi certains continuent-ils de courir des risques et d'en souffrir les conséquences? La réponse est dans la question: c'est parce qu'on leur a «dit».

Un gouffre sépare le fait de s'entendre dire quelque chose et celui de le savoir. On fait la morale aux jeunes sur toutes sortes de sujets. Très vite, on apprend quoi faire: on se branche sur une autre longueur d'ondes. Mais lorsque je suis obligé de jouer un rôle, je n'ai pas l'option de me brancher sur une autre longueur d'ondes. Pour que j'interprète mon rôle au mieux de mes capacités, il faut que je fasse attention.

Un aspect important des méthodes de travail d'Ashe, c'est de nouer un dialogue avec le public, en général composé de nos pairs, après une représentation. Cela permet aux comédiens et aux spectateurs de communiquer directement sur le thème de la santé de la reproduction. C'est aussi l'occasion de réfléchir à tout ce que nous apprenons, parce que nous entendons des échos qui nous disent comment ces questions affectent d'autres vies.

Cela nous permet aussi de démanteler beaucoup de barrières, d'être plus à l'aise avec notre sexualité. Par exemple, il est peut être gênant de soulever la question de la masturbation, sans doute parce que cette activité ne fait intervenir qu'une seule personne, et donc qu'une seule personne doit en assumer la responsabilité.

Dans nos discussions, nous changeons le mot associé à cette activité pour qu'il soit plus facile d'en parler. Comme tous les adolescents veulent conduire et avoir leur permis, on parle d'«être au volant» au lieu de «se masturber». Les jeunes peuvent s'exprimer plus librement lorsqu'ils parlent d'être au volant et des inquiétudes qu'ils ont à ce sujet, mais tout le monde sait qu'on parle de la masturbation.

En tant qu'acteur et animateur, je suis profondément conscient que mes sentiments de bien-être et de respect de soi jouent un rôle important pendant les discussions et les ateliers. Si les participants ressentent la moindre insécurité de ma part, ils seront plus réticents à partager leurs expériences et leurs inquiétudes, et cela les empêchera de profiter pleinement de notre intervention.

Ce qu'il y a de plus beau dans l'expérience Ashe, c'est qu'elle est transférable nous qui montons sur scène, nous créons une zone de confort et de compréhension et nous la partageons avec nos pairs. Les jeunes adultes qui assistent à nos représentations et à nos ateliers voient se développer leur estime de soi et s'élargir l'éventail de leurs connaissances sur la santé reproductive.

NDLR: Michael Holgate, âgé de 27 ans, fait partie d'une troupe de théâtre de la Jamaïque, qui s'appelle Ashe, depuis l'adolescence. Cette troupe aborde des questions relatives à la santé de la reproduction dans le cadre de spectacles, d'ateliers et de discussions avec le public.

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