Méthodes hormonales et risques d'IST

Le counseling devrait toujours tenir compte des facteurs de risque éventuels et offrir d'autres options. 

 

Les contraceptifs hormonaux jouent-ils un rôle dans la propagation des infections sexuellement transmissibles (IST) et notamment du VIH ? Si oui, quelles sont les conséquences pour les programmes offrant ces méthodes, qui comptent parmi les plus utilisées dans le monde entier ?

Les résultats des chercheurs sont contradictoires, en grande partie du fait de difficultés de conception de leurs études. Il est cependant clair que les contraceptifs hormonaux ne protègent pas contre le VIH et les autres IST. Les prestataires doivent donc conseiller aux femmes à haut risque d'utiliser un préservatif à chaque rapport sexuel, même si elles emploient déjà une méthode hormonale.

En l'absence de résultats concluants sur un lien éventuel entre l'emploi de ces contraceptifs et une augmentation du risque d'acquisition ou de transmission des IST, les prestataires devraient continuer à promouvoir les méthodes hormonales dans les cas indiqués en planification familiale. Selon les critères de recevabilité médicale de l'Organisation mondiale de la Santé pour l'utilisation des méthodes contraceptives, il n'existe aucune restriction à l'emploi d'une méthode hormonale quelconque par les femmes exposées à un risque accru vis-à-vis du VIH ou d'autres IST.1

Si d'autres travaux démontrent que les méthodes hormonales accroissent ce risque, les prestataires auront alors plusieurs options possibles, constate M. Charles Morrison, épidémiologiste de FHI. Morrison est l'investigateur principal d'une étude de grande envergure que conduit FHI au Zimbabwe, en Thaïlande et en Ouganda pour étudier l'impact des contraceptifs oraux et d'un injectable, l'acétate de médroxyprogestérone-retard (DMPA), sur l'acquisition du VIH.

« En premier lieu, les femmes non exposées au VIH/IST pourront continuer à utiliser toute forme de contraception hormonale répondant à leurs besoins en planification familiale », affirme-t-il. « En second lieu, si un lien étroit était établi entre le VIH et un contraceptif hormonal donné (mais uniquement ce contraceptif), il faudrait bien s ûr recommander aux clientes des pays où le virus a forte prévalence de n'utiliser qu'une méthode n'augmentant pas le risque d'infection ».

Et si un lien étroit avec le VIH était démontré à la fois pour la pilule contraceptive et pour le DMPA, il faudrait recommander l'usage d'autres moyens contraceptifs efficaces, tels que les dispositifs intra-utérins. Aux femmes optant malgré tout pour une méthode hormonale, il serait alors essentiel de conseiller l'emploi parallèle du préservatif dans un but anti-infectieux. Par ailleurs, ajoute Morrison, il faudrait toujours peser le pour et le contre en comparant avec précaution les risques liés à une contraception hormonale à ceux du rejet d'une méthode fiable et d'une éventuelle grossesse.

Des méthodes très répandues

Des méthodes très répandues

Les méthodes hormonales les plus courantes sont les pilules contraceptives (qui contiennent un progestatif soit seul, soit combiné avec un strogène) et les progestatifs injectables, surtout le DMPA. On estime qu'en 2000 plus de 100 millions de femmes dans le monde utilisaient la pilule.2 C'est le moyen moderne de contraception le plus répandu en Afrique subsaharienne, une région dans laquelle les taux de nouvelles infections par le VIH sont élevés, même parmi les clientes des centres de planification familiale considérées à « faible risque ». En Asie du Sud-Est et en Inde, où l'épidémie de VIH gagne du terrain, respectivement un quart et la moitié des femmes choisissant une méthode contraceptive moderne optent pour la pilule.3 Quant aux progestatifs injectables, ils sont employés par quelque 12 millions de femmes.4

Théoriquement, comme strogènes et progestatifs exercent une action sur le tractus génital féminin, les contraceptifs hormonaux ont le potentiel d'accroître le risque d'IST de plusieurs façons. Les contraceptifs oraux peuvent ainsi causer un ectropion du col, autrement dit la croissance de cellules endocervicales à l'extérieur du col utérin, où elles sont plus exposées aux agents pathogènes des infections sexuellement transmissibles. Il semblerait que l'ectropion du col utérin facilite l'acquisition de certaines IST,5 et, par suite, celle du VIH chez la femme.6 Par ailleurs, les hormones contenues dans les pilules et dans les produits injectables modifieraient le système immunitaire et pourraient, au moins théoriquement, l'affaiblir.7 De plus, on sait que l'usage des progestatifs employés seuls s'accompagne d'un amincissement de la paroi vaginale, ce qui facilite éventuellement les lésions et les abrasions par lesquelles les agents pathogènes des IST peuvent pénétrer dans l'organisme. Enfin, s'il est possible que les progestatifs-seuls aient un rôle anti-infectieux grâce à un épaississement du mucus cervical,8 ils peuvent aussi réduire l'acidité vaginale et favoriser de cette manière une IST.

Les résultats de plusieurs études suggèrent que les chances de contracter une chlamydiose soient plus grandes chez les utilisatrices de la pilule que chez les non-utilisatrices.9 Mais on ignore s'il existe un lien direct entre ectropion du col et chlamydiose. Il existe aussi des données contradictoires quant au rôle éventuel des contraceptifs hormonaux sur une infection par d'autres IST comme la gonorrhée. Pour tenter de combler ces lacunes, FHI conduit actuellement une étude prospective avec 1.000 femmes américaines pour mieux examiner le lien entre emploi du DMPA ou de la pilule, développement d'un ectropion du col et apparition subséquente d'une chlamydiose ou d'une gonococcie. Ses résultats sont attendus pour 2001.

L'usage de la pilule semble réduire les symptômes, de même que l'incidence des maladies inflammatoires pelviennes (MIP) résultant de chlamydioses ou de gonococcies non traitées. Mais une MIP asymptomatique peut endommager les trompes utérines et conduire à une stérilité chez la femme.

Une équipe de FHI et de l'université de l'état de Washington (à Seattle, aux Etats-Unis) ont conclu en 1998 que la quasi-totalité de la trentaine d'études sur la relation entre VIH et contraception hormonale souffraient de limitations majeures. Après examen des données de plusieurs de ces études, un chercheur britannique a abouti à la même conclusion et noté que « aucune tendance claire ou solide n'émerge de ces travaux ».10 Cependant, après analyse de 28 études regroupées selon leur qualité méthodologique, des scientifiques de l'université de Washington ont reconnu une relation significative entre usage de la pilule et risque accru d'infection par le VIH. Comme ce lien était mis en évidence par six des huit meilleures études, ils ont conclu que « chez les femmes exposées au risque d'une infection par le VIH, l'emploi de contraceptifs oraux pour prévenir une grossesse devrait s'accompagner de l'usage du préservatif dans un but anti-infectieux contre le virus ».11

Les données disponibles sur les progestatifs injectables et sur les risques d'infection par les VIH/IST sont également contradictoires. Par ailleurs, aucune étude n'a été publiée sur l'éventuel impact du Norplant, un implant à progestatif, sur l'acquisition du VIH. Un travail datant de 1996 a montré une multiplication par huit des infections chez des singes exposés au virus de l'immunodéficience simienne (VIS) et portant un implant qui maintenait une concentration élevée d'un progestatif dans le sang. Ces sujets étaient comparés à des singes témoins exposés au VIS à une période donnée de leur cycle menstruel, quand leur niveau naturel de progestérone était bas. Les chercheurs ont noté une nette corrélation entre augmentation des infections et amincissement de la paroi vaginale des singes due à la progestérone.12 Cependant, une autre étude a montré que le risque d'infection était bien plus faible chez les singes exposés au VIS pendant la totalité du cycle menstruel. Cette observation est importante, car les femmes ayant un risque d'infection par le VIH sont exposées à ce dernier pendant la plus grande partie de leur cycle menstruel.13

Une récente étude sur les effets observés à un et à trois mois d'une seule injection de DMPA chez la femme n'a pas révélé le même amincissement considérable de la paroi vaginale constaté préalablement chez le singe.14 Un autre travail plus récent a montré chez 20 femmes que l'emploi du DMPA pendant 2 à 3 ans est sans effet sur l'épaisseur de la paroi vaginale.15

Au cours d'une réunion tenue en 1996, des experts ont analysé les données des études réalisées chez l'Homme. Ils ont estimé que la relation entre emploi des contraceptifs hormonaux et infection par le VIH était incertaine. Un comité du National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) a conclu en 1996 que, pour pouvoir obtenir des données plus concluantes, il faudrait concevoir une grande étude prospective de l'impact de la pilule et du DMPA sur l'infection par le VIH chez des femmes à faible risque au sein de la population générale.

L'étude que coordonne FHI au Zimbabwe, en Thaïlande et en Ouganda a été soigneusement conçue pour éviter bien des problèmes méthodologiques des travaux antérieurs. Financée par le NICHD et prévue pour s'achever en 2003, elle va permettre de suivre pendant 15 à 24 mois quelque 6.000 femmes séronégatives (VIH) à faible risque d'infection fréquentant les centres de planification familiale, les centres de santé maternelle et infantile, et les dispensaires de soins IST. Des études parallèles examineront le lien entre contraception hormonale et acquisition du virus de l'herpès simplex (HSV), du papillomavirus humain (HPV) et de la vaginose bactérienne, ainsi que le rôle de ses infections dans une contamination par le VIH. FHI s'intéressera aussi aux rôles de la contraception hormonale et d'un sous-type de VIH sur l'excrétion du virus au niveau génital chez les femmes l'ayant contracté pendant la période de l'étude.

Selon une étude récente ayant inclu 273 femmes de Mombasa, au Kenya, infectées à la fois par le VIH et le HSV, l'emploi de la pilule, ou du DMPA et la grossesse seraient trois facteurs associés à une libération accrue du papillomavirus au niveau du col utérin. « L'augmentation de l'excrétion virale du HSV chez les utilisatrices de contraceptifs hormonaux et chez les femmes enceintes peut refléter soit un effet direct des hormones sur la réplication virale, soit un effet sur la capacité du système immunitaire à contrôler la réactivation du virus », ont noté les chercheurs.16 Les résultats des travaux portant sur le lien entre contraception hormonale et excrétion du VIH sont cependant limités et peu concluants.

-- Kim Best

Notes

Notes

  1. Organisation mondiale de la Santé. Pour un meilleur accès à des soins de qualité en matière de planification familiale : Critères de recevabilité médicale pour l'adoption et l'utilisation continue de méthodes contraceptives. Genève : Organisation mondiale de la Santé, 1996.
  2. Oral contraceptives an update. Popul Rep 2000;Series A(9):1.
  3. Levels and Trends of Contraceptive Use as Assessed in 1994. New York: United Nations Population Division, 1996.
  4. New era for injectables. Popul Rep 1995; Series K(5):1.
  5. Louv WC, Austin H, Perlman J, et al. Oral contraceptive use and the risk of chlamydial and gonococcal infections. Am J Obstet Gynecol 1989;160(2):396-402; Critchlow CW, Wölner-Hanssen P, Eschenbach DA, et al. Determinants of cervical ectopia and of cervicitis: age, oral contraception, specific cervical infection, smoking, and douching. Am J Obstet Gynecol 1995;173(2):534-43; McGregor JA, Hammill HA. Contraception and sexually transmitted diseases: interactions and opportunities. Am J Obstet Gynecol 1993;168(6 Pt 2): 2033-41.
  6. Grosskurth H, Mosha F, Todd J, et al. Impact of improved treatment of sexually transmitted diseases on HIV infection in rural Tanzania: randomised controlled trial. Lancet 1995;346(8974):530-36; Cohen MS. Sexually transmitted diseases enhance HIV transmission: no longer a hypothesis. Lancet 1998;351(Suppl III):5-7.
  7. Sonnex C. Influence of ovarian hormones on urogenital infection. Sex Transm Inf 1998;74(1):11-19; Styrt B, Sugarman B. Estrogens and infection. Rev Infect Dis 1991;13(6):1139-50; Schuurs A, Geurts T, Goorissen E, et al. Immunologic effects of estrogens, progestins, and estrogen-progestin combinations. In Goldzieher J, ed. Pharmacology of the Contraceptive Steroids. (New York: Raven Press, 1994) 379-99.
  8. Daly CC, Helling-Giese GE, Mati JK, et al. Contraceptive methods and the transmission of HIV: implications for family planning. Genitourin Med 1994;70(2):110-17.
  9. Cottingham J, Hunter D. Chlamydia trachomatis and oral contraceptive use: a quantitative review. Genitourin Med 1992;68(4):209-16; Louv; Kinghorn GR, Waugh MA. Oral contraceptive use and prevalence of infection with Chlamydia trachomatis in women. Br J Vener Dis 1981;57(3):187-90; Avonts D, Sercu M, Heyerick P, et al. Incidence of uncomplicated genital infections in women using oral contraception or an intrauterine device: a prospective study. Sex Transm Dis 1990:17(1):23-29; Hart G. Factors associated with genital chlamydial and gonococcal infection in females. Genitourin Med 1992;68(4):217-20; Harrison HR, Costin M, Meder JB, et al. Cervical Chlamydia trachomatis infection in university women: relationship to history, contraception, ectopy, and cervicitis. Am J Obstet Gynecol 1985;153(3):244-51.
  10. Stephenson JM. Systematic review of hormonal contraception and risk of HIV transmission: when to resist meta-analysis. AIDS 1998;12(6): 545-53.
  11. Wang CC, Kreiss JK, Reilly M. Risk of HIV infection in oral contraceptive pill users: a meta-analysis. J Acq Immune Defic Syndr 1999; 21(1):51-58.
  12. Marx PA, Spira AI, Gettie A, et al. Progesterone implants enhance SIV vaginal transmission and early virus load. Nat Med 1996;2(10):1084-89.
  13. Duerr A, Warren D, Smith D. Contraceptives and HIV transmission [letter]. Nat Med 1997;3(2):124.
  14. Mauck CK, Callahan MM, Baker J, et al. The effect of one injection of Depo-Provera on the human vaginal epithelium and cervical ectopy. Contraception 1999;60(1):15-24.
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  16. Mostad SB, Kreiss JK, Ryncarz AJ, et al. Cervical shedding of herpes simplex virus in human immunodeficiency virus-infected women: effects of hormonal contraception, pregnancy and vitamin A deficiency. J Infect Dis 2000;181(1):58-63.




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