Antirétroviraux : évaluer l'observance dans les cheveux

La mesure de la concentration d'inhibiteurs de protéase, en l'occurrence d'indinavir et de saquinavir, dans les cheveux de patients infectés par le VIH permet de renseigner sur un faible niveau d'observance thérapeutique.

C'est ce qui ressort d'une étude française présentée lors de la 39e ICAAC, l'Interscience Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy. Cette réunion américaine de renom réunit chaque année de très nombreux spécialistes internationaux, tous orientés vers l'infectiologie au sens large.

Des chercheurs et cliniciens de l'hôpital Raymond Poincaré (Garches), de l'hôpital Broussais (Paris), de l'hôpital Rothschild (Paris), de l'hôpital du Bocage (Dijon), de l'hôpital de la Pitié (Paris), de l'hôpital de la Croix Rousse (Lyon) et de l'hôpital de la Croix St Simon (Paris) ont participé à cette étude.

Celle-ci fait suite à un travail publié fin novembre 1998 dans The Lancet et qui portait sur seulement 30 patients VIH+. Les auteurs y rapportaient une corrélation entre les concentrations d'indinavir mesurées dans les cheveux de patients traités par des associations hautement efficaces d'antirétroviraux (Highly Active Antiretroviral Therapy, HAART) et l'efficacité virologique.

Le Pr Christian Perronne (hôpital Raymond Poincaré, Garches) et ses collègues ont cette fois conduit une étude prospective auprès d'un plus grand nombre de patients séropositifs pour le VIH (n=102) naifs de traitement par inhibiteur de protéase. A l'inclusion, tous les patients avaient une charge virale détectable.

Au total, 90 patients ont reçu de l'indinavir, tandis que les 42 autres prenaient du saquinavir. Tous étaient alors sous trithérapie. Selon que la virémie persistait ou non, les patients ont été classés comme répondeurs ou non répondeurs.

Quelques cheveux ont été coupés près de la racine et découpés en fragments de deux centimètres de long. Les concentrations d'indinavir et de saquinavir ont été mesurées dans les échantillons capillaires afin d'établir une possible corrélation avec la réponse virologique. Une analyse de la séquence du gène de la protéase a également été entreprise à la recherche de mutations dans des isolats cliniques provenant de patients ayant une charge virale plasmatique > 500 copies/ml.

Dans les deux premiers centimètres des cheveux, les concentrations d'indinavir étaient significativement plus élevés dans le groupe des patients répondeurs (n=66) que dans celui des sujets non répondeurs (n=20). Les taux d'indinavir étaient également plus élevés dans les régions plus distales des cheveux.

Les concentrations de saquinavir étaient significativement plus élevées dans les deux premiers centimètres des échantillons capillaires prélevés chez les patients répondeurs (n=22) que chez les non répondeurs (n=20).

La majorité des patients non répondeurs qui présentaient une forte concentration d'inhibiteur de protéase hébergeaient des souches virales porteuses de plusieurs mutations du gène de la protéase (plus de trois mutations spécifiques). A l'inverse, la majorité des patients non répondeurs qui avaient un faible taux d'inhibiteur de protéase dans les cheveux avaient des souches sensibles.

Les auteurs attribuent l'inefficacité des associations d'antirétroviraux (HAART) aux faibles concentrations d'inhibiteur de protéase et/ou à la présence de mutations dans le gène de la protéase du VIH.

Sous réserve que ces données soient confirmées par d'autres équipes et que les méthodes de dosage utilisées soient étendues à d'autres molécules, le dosage de ces antirétroviraux dans les cheveux pourrait représenter un nouvel outil pour guider les cliniciens dans leur prise en charge thérapeutique des patients VIH+.

Source : 39th ICAAC (Interscience Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy), un congrès de l'American Society for Microbiology, 26-29 sept. 1999