Transplantation des deux mains : le principal défi est celui de l’immunosuppression
Le principal défi de la première mondiale chirurgicale qu’a réalisée jeudi l’équipe internationale dirigée par le Pr Jean-Michel Dubernard à Lyon est avant tout lié au traitement immunosuppresseur que devra suivre à vie le patient doublement greffé.
En effet, l’allogreffe de main et d’avant-bras est une greffe composite de tissus très différents qui ne présentent pas la même importance sur le plan immunologique.
Ainsi, le cartilage, les ligaments et la graisse sont peu immunologiques et n’induisent quasiment pas de rejet. Un rejet modéré peut être imputable aux os, aux muscles, aux nerfs ou aux vaisseaux. Mais, c’est la peau, organe immunologiquement fort complexe, qui peut être la cible d’un rejet important du fait de la présence de nombreuses cellules dendritiques épidermiques et dermiques.
La moelle osseuse contenue dans les os de la main et de l’avant-bras transplanté est également une cible potentielle de rejet dans la mesure où elle renferme des lymphocytes T du donneur. Ces cellules immunocompétentes peuvent induire une réaction du greffon contre l’hôte (GvH). Cela dit, la présence des cellules souches dans la moelle osseuse favorise dans le même temps l’installation éventuelle d’un microchimérisme chez le receveur qui peut être favorable à la tolérance immunologique de la greffe. Un tel microchimérisme a été observé chez le patient néo-zélandais qui avait reçu en septembre 1998 la première allograffe de main et a rapporté en novembre dernier dans le Lancet.
Au total, les risques de rejet de greffe sont donc cutanés et associés au passage chez le receveur d’une certaine quantité de moelle osseuse provenant du donneur.
Comme pour la première allogreffe de main, l’équipe internationale basée à Lyon a fait le choix d’associer des anticorps polyclonaux et un anticorps monoclonal, un inhibiteur de la calcineurine (tacrolimus ou FK-506), un inhibiteur de la synthèse des bases puriques (mycophénolate mofetil) et des corticoïdes (prednisone).
Sur le plan éthique, on peut s’interroger sur les complications potentielles à long terme d’un traitement immunosuppresseur imposé par une transplantation qui vise à remplacer une partie du corps dont la perte n’expose absolument pas le patient à un risque vital. Les risques liés à l’immunosuppression sont connus. Il s’agit de l’apparition d’infections virales et de cancers, en particulier de tumeurs malignes cutanées et de lymphome. La fréquence de lymphome B semble être inférieure à 1 % chez les transplantés. Les patients transplantés sont évidemment avertis de ces risques.
Enfin, à la question de savoir si un patient greffé de la main pourrait un jour bénéficier si cela était nécessaire d’une greffe cardiaque, hépatique ou rénale, le Pr Dubernard répondait en septembre dernier dans la revue Chirurgie qu’une telle greffe d’organe pourrait être réalisée.
Selon lui, " le fait d’avoir toléré un greffon venu d’un donneur différent et celui d’avoir reçu pendant une longue période un traitement immunosuppresseur ne représentent pas un inconvénient ou un avantage important comme le montrent les résultats des retransplantations (2e greffe de rein, de foie, de cœur, etc) ou des greffes de pancréas chez les diabétiques ayant déjà reçu une greffe de rein pour traiter une insuffisance rénale et recevant ensuite une greffe de pancréas provenant d’un donneur différent ".
Descripteur MESH : Vie , Main , Cellules , Moelle osseuse , Bras , Rein , Pancréas , Anticorps , Lymphomes , Patients , Calcineurine , Tumeurs , Transplantation , Tissus , Temps , Tacrolimus , Risque , Cartilage , Prednisone , Peau , Insuffisance rénale , Cellules dendritiques , Os de la main , Muscles , Cellules souches , Éthique , Foie , Lymphome B , Lymphocytes T , Lymphocytes , Ligaments