Stérilité masculine : la transplantation de spermatogonies testée avec succès chez la souris
Une nouvelle technique d’assistance médicale à la procréation, consistant en la transplantation de cellules mâles germinales immatures, a été testée avec succès chez le rongeur. L’injection de spermatogonies dans les tubes séminifères de souris incapables de les produire mais ayant par ailleurs un micro-environnement testiculaire normal a permis de rétablir la spermatogénèse et de restaurer la fertilité des animaux greffés. Cette avancée, rapportée dans la dernière livraison de Nature Medicine, ouvre la voie à de possibles nouveaux traitements contre la stérilité masculine.
On le sait, chez les mammifères, la spermatogénèse se déroule dans les tubes séminifères. Les cellules germinales immatures, appelées spermatogonies, sont localisées sur le bord externe des tubes qui jouxte la lame basale. Elles se divisent par mitose. Les cellules qui en résultent se différencient en spermatocytes primaires. Après une première division méiotique, les spermatocytes primaires deviennent des spermatocytes secondaires qui eux-mêmes subissent une deuxième division méiotique et deviennent des spermatides. Ces cellules haploïdes se différencient ensuite en spermatozoïdes matures qui s’échapperont dans la lumière du tube séminifère.
Toutes ces phases de la spermatogénèse sont étroitement associées aux cellules de Sertoli, de volumineuses cellules qui s’étendent de la lame basale vers la lumière du tube séminifère. Cette interaction intime entre les cellules germinales et ces cellules du micro-environnement testiculaire est essentielle à la production de spermatozoïdes fonctionnels.
Le groupe de Ralph Palmiter (Université de Pennsylvanie, Philadelphie), pionnier dans la recherche sur les souris transgéniques, a utilisé deux souches de souris mâles mutantes pour mener ses expériences. D’une part, des souris SI/Sid qui produisent des cellules germinales mais ne fabriquent pas le ‘stem cell factor’ normalement exprimé sur les cellules de Sertoli. Ce facteur joue un rôle essentiel dans la migration des cellules germinales et la prolifération des spermatogonies. D’autre part, des souris mâles W/Wv, qui possèdent un micro-environnement testiculaire normal, compatible avec la migration et la prolifération des cellules germinales, mais qui ne produisent pas de cellules germinales du fait d’un déficit en récepteur tyrosine kinase c-kit (Steel receptor).
Les chercheurs ont injecté dans les tubes séminifères de souris W/Wv, dont les cellules de Sertoli n’ont jamais été en contact avec des cellules germinales, des spermatogonies provenant de souris SI/Sid. Moins de 100.000 cellules ont été transplantées.
La spermatogénèse a été restaurée chez 17 des 21 souris mâles greffés. Surtout, l’accouplement de mâles W/Wv receveurs de cellules germinales SI/SId avec des souris femelles a conduit à la naissance de souriceaux. Ce fut le cas pour quatre souris mâles sur cinq. Leur progéniture a bien hérité des caractéristiques génétiques des mâles donneurs de spermatogonies, les haplotypes SI et Sid ayant été transmis à la descendance des souris W/Wv.
Il apparaît ainsi que la transplantation de cellules germinales mâles d’un animal donneur stérile (SI/Sid) peut rétablir la fonction reproductrice chez un autre animal stérile mais possédant un micro-environnement testiculaire normal (W/Wv).
Les cellules de Sertoli de souris mâles W/Wv qui n’ont jamais été en contact avec des cellules germinales peuvent donc encore assurer la spermatogénèse à partir de cellules germinales immatures provenant de souris SI/Sid. Autrement dit, les cellules germinales mâles et celles du micro-environnement testiculaire sont capables de conserver leur capacité fonctionnelle pendant de longues périodes malgré l’absence de signaux intercellulaires normaux et des stades de différenciation cellulaire.
Nouvelles perspectives
Ces résultats ouvrent des possibilités de préservation de la fertilité masculine chez de jeunes enfants cancéreux devant subir une chimiothérapie et/ou radiothérapie castratrice. Il serait possible de cryopréserver les cellules souches germinales immatures avant la mise en route des traitements anticancéreux puis de les retransplanter chez l’homme jeune après guérison du cancer. Les auteurs font d'ailleurs remarquer que la cryopréservation de spermatogonies a été couronnée de succès dans toutes les espèces étudiées à ce jour.
Selon eux, leurs résultats suggèrent également que la transplantation de spermatogonies pourrait être utilisée lorsque le patient infertile ne possède qu’un nombre très limité de cellules germinales immatures. En effet, " il serait utile d’amplifier leur nombre in vitro avant transplantation, des systèmes de culture de spermatogonies étant aujourd’hui développés ". Et de rappeler qu’environ 50 % des cas d’infertilité ont une origine masculine et que 70 % à 90 % de ces derniers sont imputables à un trouble de la spermatogénèse conduisant à une azoospermie ou une oligospermie.
Enfin, la capacité d’isoler, de cultiver et de transplanter des cellules germinales mâles laisse entrevoir la possibilité d’intervenir par transfert de gène pour corriger des défauts génétiques transmissibles à la descendance.
La perspective d’une thérapie génique germinale, interdite dans la plupart des pays pour des raisons éthiques, se pose donc avec plus d’acuité que jamais.
Source : Nature Medicine, janvier 2000, Vol.6, N°1, 29-34, 16-7.
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