Leishmaniose viscérale : un traitement enfin actif par voie orale
Une étude de phase 2 publiée dans le New England Journal of Medicine montre que l’administration par voie orale de miltéfosine, un analogue de la phosphocholine, est un traitement efficace et bien toléré de la leishmaniose viscérale (kala-azar).
C’est la première fois que l’on dispose de la possibilité d’un traitement ambulatoire pour cette parasitose responsable d’environ 500.000 cas en Asie, principalement en Inde, en Amérique du Sud (Brésil) et en Afrique de l’Est (Soudan), et d’envisager le contrôle de cette affection dont le seul réservoir connu est l’homme.
La leishmaniose viscérale est également à l’origine de plusieurs milliers de cas dans les régions méditerranéennes de l’Europe du Sud chez des personnes immunocompétentes ou infectées par le VIH.
Elle se manifeste par un syndrome général, avec fièvre, anémie, amaigrissement et par une splénomégalie, hépatologie et éventuellement adénopathies. Initialement décrite en Inde, la peau des patients atteints de leishmaniose viscérale prend un aspect gris terreux, à l’origine du nom hindou de la maladie : kala-azar, qui signifie fièvre noire.
" La synthèse de miltéfosine est aisée, et son coût devrait être acceptable ", déclarent le Dr T.K Jha (Muzaffarpur, Inde) et ses collègues. Cette molécule est un analogue de la lécithicine (phosphatidylcholine). Ce composé perturbe les voies de transduction du signal dans la cellule et la synthèse de la membrane. Les mécanismes exacts de la cytotoxicité de la miftéfosine sur le parasite ne sont pas connus.
Coordonné par le Dr Andreas Voss (Asta Medica, Francfort, Allemagne), cette étude multicentrique ouverte, à doses croissantes, a été soutenue pat le programme de développement des Nations Unies, la Banque Mondiale et l’OMS.
Elle a été menée en Inde en 1998 et 1999 auprès de patients ayant une leishmaniose légère à modérée. La miftéfosine a été administrée par voie orale auprès de quatre cohortes de 30 patients indiens qui ont reçu 50, 100 ou 150 mg de miltéfosine par jour pendant 4 à 6 semaines.
Une guérison parasitologique, définie par l’absence de parasites à l’aspiration splénique deux semaines après la fin du traitement, a été observée chez chacun des 120 patients.
Au total, 114 patients n’ont pas eu de rechute clinique ou biologique six mois après le traitement, ce qui correspond à un taux de guérison de 95 % (intervalle de confiance 95 % : 89 % à 98 %). Le taux de guérison des patients non antérieurement traités par les antimoniés pentavalents était pratiquement identique à ceux déjà traités par ces produits.
La miltéfosine a fréquemment entraîné (62 % des patients) une toxicité gastro-intestinale légère à modérée. Aucun patient n’a interrompu le traitement en raison d’effets secondaires gastro-intestinaux.
Chez deux patients, le traitement a été interrompu en raison d’une élévation des taux d’aspartate aminotransférase (AST, SGOT) ou de créatinine. Chez ces deux malades, les taux sont rapidement revenus à la normale. Chez douze autres patients, les taux d’AST ont augmenté de 100 à 150 U par litre au cours du traitement.
Globalement, les résultats de cet essai de phase 2 indiquent que la dose totale de miltéfosine peut pratiquement varier du simple (2.100 mg dans la cohorte 1) au double (3.850 mg dans la cohorte 4) sans que l’efficacité et la toxicité changent significativement.
Les auteurs recommandent " le protocole administré dans la cohorte 3, en l’occurrence 100 mg par jour (environ 2,5 mg/kg/jour pendant 4 semaines) pour des études de phase 3". A cette posologie, le taux absolu d’efficacité a été de 97 %. Des données, non encore publiées, indiquent qu’un traitement de 3 semaines serait tout aussi efficace.
Ils rappellent que l’amphotéricine B liposomale a reçu son homologation aux Etats-Unis sur la base de données obtenues sur un total de 108 patients atteints de kala-azar. La plus grande cohorte comptait 42 patients; l’efficacité était également de 97 %.
Des études de phases 3 et 4 sont nécessaires pour déterminer l’efficacité du produit dans les pays où les leishmanies pourraient être moins sensibles à la miltéfosine, chez les enfants et les patients infectés par le VIH, concluent les auteurs qui précisent que ce traitement est contre-indiqué chez la femme enceinte, la miltéfosine étant tératogène.
Un essai de phase 3 est en cours qui inclut 300 adultes et adolescents non infectés par le VIH, précise dans un éditorial associé le Dr Barabra Herwaldt des CDC d’Atlanta. Un essai de phase 1-2, à doses croissantes, est également mené chez des enfants. Des études sur d’autres types de leishmanioses, notamment sur la leishmaniose cutanée américaine, ont débuté ou sont prévues.
On ignore en effet si la milféfosine pourrait être utile dans le traitement des 21 espèces de leishmanies qui affectent 88 pays, pas plus d’ailleurs qu’on ne sait si ce produit deviendra une option thérapeutique supplémentaire pour des patients particuliers ou au contraire s’imposera comme le traitement de choix pour la plupart des malades recevant aujourd'hui des injections.
En tout état de cause, la commercialisation de la miltéfosine ne devrait pas intervenir au plus tôt avant 2001, selon le Dr Herwaldt.
Source : N Engl J Med, 9 décembre 1999; 341: 1795-800, 1840-2.
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