L’arrêt du traitement antirétroviral peut-il renseigner sur l’immunité cellulaire anti-VIH ?
Est-il possible, chez des patients chroniquement infectés par le VIH et recevant un traitement antirétroviral, de restaurer de façon transitoire des réponses cellulaires VIH-spécifiques T CD4 et CD8 en interrompant la trithérapie pendant quelques semaines pour réexposer le système immunitaire au virus ? C’est la question que pose une étude française présentée au 12e Colloque des Cent Gardes.
On le sait, il se produit sous l’effet des associations d’antirétroviraux puissants et efficaces une reconstitution des réponses immunes même lorsque ce traitement est administré aux stades avancés de la maladie. Il existe ainsi une étroite relation entre cette restauration du système immunitaire et la réduction de la charge virale.
Cela dit, cette restauration immunitaire qui est efficace contre la grande majorité de agents pathogènes opportunistes ne l’est pas contre le VIH. Or on sait que les cellules VIH-spécifiques CD4 T helper et CD8 cytotoxiques (CTL) jouent un rôle crucial dans la production et le maintien d’une immunité protectrice contre le VIH. De fait, chez la plupart de ces patients, le nombre des cellules CD8 VIH-spécifiques diminue avec la réduction de la charge virale induite par la thérapeutique antirétrovirale.
L’explication la plus simple pour expliquer ce manque de restauration serait que le faible taux de réplication virale, conséquence du traitement antirétroviral, ne suffise plus à maintenir une stimulation antigénique suffisante pour produire assez de lymphocytes VIH-spécifiques. Ceci expliquerait que le patient, qui ne dispose pas d’une forte immunité cellulaire contre le VIH, voit sa charge virale plasmatique augmenter très rapidement après arrêt du traitement antirétroviral.
Brigitte Autran et ses collaborateurs ont testé l’effet in vivo de ré-expositions à une stimulation antigénique. Pour ce faire, ces chercheurs ont analysé les réponses immunes cellulaires après interruption du traitement antirétroviral chez des patients infectés de façon chronique et chez lesquels une reconstitution du nombre des cellules T CD4 avait été obtenue. Des arrêts thérapeutqiues d'une semaine à un mois ont été effectués.
Le rebond de réplication fait réapparaître les cellules VIH-spécifiques
Les chercheurs ont observé, parallèlement au rebond du virus dans le plasma après arrêt des antirétroviraux, une augmentation transitoire des cellules T CD4 et de cellules T CD8 VIH-spécifiques.
Dans ces certains cas, les cellules T CD4 ont disparu avant même la reprise du traitement antirétroviral, ce qui pourrait suggèrer que le pic de réplication virale ait pu avoir un effet stimulant mais délétère sur ces cellules.
Ces résultats sont à rapprocher de ceux obtenus par Bruce Walker (Boston) sur les sujets en stade d’infection primaire aiguë (voir notre dépêche du 25/10) . Ils montrent qu’il est effectivement possible de restaurer transitoirement l’immunité cellulaire VIH-spécifiques T CD4 et CD8 chez des patients infectés de façon aiguë et chronique en les réexposant au virus.
Restaurer les défenses immunitaires par la vaccination thérapeutique
“Plutôt que de proposer des interruptions thérapeutiques pour restaurer l’immunité VIH-spécifique, nous devrions utiliser d’autres outils. Nous pensons que des immunisations thérapeutiques devraient permettre de restimuler en toute innocuité les cellules T CD4 et CD8 avant d’interrompre, de suspendre transitoirement, ou d’alléger le traitement antirétroviral non dénué d’effets secondaires”, précise à caducee.net le Pr Brigitte Autran.
“Il reste cependant à déterminer quels candidats vaccins thérapeutiques utiliser. Enfin, il se peut que cela ne suffise pas pour restaurer l’immunité cellulaire VIH-spécifique et qu’il soit nécessaire d’y associer des adjuvants, en l’occurrence des cytokines comme l’interleukine-2, mais peut-être aussi l’interleukine-12, voire d’autres molécules capables de restimuler le réseau des cellules présentatrices d’antigènes. La stratégie idéale pour y parvenir est encore à inventer”, conclut ce chercheur.
Source : 12e Colloque des ‘Cent Gardes’ : rétrovirus du sida et maladies animales apparentées. Marnes-la-Coquette. 25-27 octobre 1999, organisé par la Fondation Mérieux et Pasteur Mérieux Connaught, en collaboration avec l’Agence Nationale de Recherches sur le Sida (ANRS).
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