Des médicaments expérimentaux contre le VIH pourraient améliorer la prévention
Tandis que l'épidémie du sida touche à la fin de sa deuxième décennie, les spécialistes de la santé publique affinent leurs stratégies de lutte contre cette maladie mortelle. Ils peaufinent de nouvelles technologies visant à prévenir l'infection, notamment les vaccins, les médicaments et les microbicides. Par ailleurs, les découvertes récentes sur le comportement du VIH peu après l'infection pourraient ouvrir la voie à l'amélioration des stratégies de prévention.
"Les responsables de la planification familiale doivent insister sur le port du préservatif et continuer d'étoffer les autres mesures de prévention qui ont fait leurs preuves", déclare le docteur Willard Cates, vice président de FHI chargé des affaires biomédicales. Outre la promotion du port du préservatif, les interventions à l'efficacité prouvée regroupent la prévention des autres maladies sexuellement transmissibles (MST), puisque la présence d'autres MST favorise la transmission du VIH, et le fait d'encourager les clients, par le biais du counseling, à réduire le nombre de leurs partenaires sexuels.
A l'heure actuelle, ces interventions s'adressent souvent à toutes les populations, ce qui revient cher. De nouvelles recherches donnent à penser qu'une stratégie importante de prévention pourrait consister à se concentrer sur les personnes récemment infectées, dans les premières semaines ou les premiers mois qui suivent la contamination par le VIH.
Cette phase précoce de l'infection pourrait bien être le facteur qui contribue le plus, à lui seul, à la transmission du VIH, affirme le docteur James S. Koopman, professeur d'épidémiologie à l'université du Michigan. La charge virale est élevée, le sida n'a pas encore affaibli ses nouvelles victimes ; et ces porteurs récents ont probablement des rapports sexuels avec d'autres partenaires à haut risque. Réunies, toutes ces conditions peuvent déclencher une explosion de nouvelles infections.1
Si les individus identifient leur infection à un stade précoce et qu'ils aident les responsables de la santé publique à entrer en contact avec leurs partenaires sexuels, on peut cerner les "points chauds" de l'infection. On peut ensuite enrayer la transmission en exhortant les personnes concernées à réduire leur comportement à risque.
Pour autant, des doutes planent quant à l'importance de cette phase précoce de l'infection pour la transmission du VIH par voie sexuelle. S'il est clair que le taux sanguin de VIH est plus élevé immédiatement après la contamination, la charge virale peut ne pas être exceptionnellement élevée dans les sécrétions vaginales ou séminales. Les données n'ont pas clairement démontré que les sujets séropositifs pour le VIH sont plus infectieux au cours de cette période, soulignent les chercheurs.
En dépit de ces réserves, il y a peut-être beaucoup à gagner en se concentrant sur la phase précoce de l'infection. "Même si on découvre un jour que le risque de transmettre l'infection n'est pas plus élevé à une certaine période qu'à une autre, il reste dans notre intérêt d'identifier précocement les personnes infectées", fait observer le docteur Margaret A. Chesney, co-directrice du Centre des études sur la prévention du sida à l'université de Californie, à San-Francisco (UCSF). "Nous pouvons alors les aider à changer de comportement afin d'éviter qu'elles n'en infectent d'autres. Nous pouvons placer le souci de sécurité et de non-transmission du virus dans le contexte de la sollicitude pour autrui."
Des préservatifs toute la vie ?
Le fait d'adapter les messages en vue de prévenir la transmission pendant la phase précoce de l'infection pourrait aussi encourager davantage de gens à adopter de saines pratiques sexuelles. Le docteur Cates, de FHI, et d'autres experts suggèrent de recommander l'utilisation du préservatif entre partenaires sexuels non primaires et pendant les trois premiers mois d'une nouvelle relation. On peut toujours renforcer ce message par la suite.2
"Les gens à qui l'on dit d'utiliser un préservatif toute la vie se récrient, parce que cela leur paraît impensable", dit le docteur Cates. "Mais si on leur dit d'en mettre un pour une courte période de temps, avant de se soumettre à un test de dépistage, ils peuvent s'y habituer et continuer à le faire."
A titre de mise en garde, le docteur Cates souligne que cette approche théorique n'a pas encore été mise rigoureusement à l'épreuve. En outre, ajoute-t-il, elle pourrait entraîner des conséquences désastreuses, par exemple si elle rassurait faussement les gens. Pour autant, il estime nécessaire d'essayer et d'évaluer de nouvelles techniques propres à encourager l'utilisation du préservatif.
Une autre façon d'envisager la prévention consiste à proposer aux personnes à risque d'infection toute une gamme de choix adaptés à leurs circonstances personnelles. Ainsi le département de la Santé de l'Etat de New-York suggère-t-il les options suivantes (classées par ordre de préférence) à l'intention des femmes à risque de VIH : utilisation du préservatif masculin ou féminin en latex en association avec un spermicide ; utilisation du préservatif masculin ou féminin en latex sans spermicide ; utilisation du diaphragme en association avec un spermicide ; ou, en dernier recours, utilisation d'un spermicide sans rien d'autre.3
Indépendamment du message, le counseling des personnes séropositives doit être sensible aux considérations culturelles et protéger les droits de l'individu, dit le docteur Chesney, de l'UCSF. "Une fois qu'ils ont été informés de leur séropositivité, il faut aider les individus concernés à décider comment ils divulgueront cette information à d'autres et comment ils auront accès aux soins", ajoute-t-elle.
Un traitement précoce
Outre l'amélioration des moyens de prévenir la transmission, la recherche porte aussi sur l'amélioration du traitement des personnes qui contractent l'infection. Les scientifiques croyaient autrefois que le VIH, peu après son introduction dans l'organisme, restait latent jusqu'à ce que le sida ne se manifeste, des années plus tard. Or la recherche actuelle démontre que l'invasion virale procède différemment. D'abord, le VIH infecte les cellules du système immunitaire, lesquelles l'acheminent jusqu'aux ganglions lymphatiques. Là, le virus établit des cantonnements, où il se reproduit des milliards de fois par jour.
Au bout d'un certain temps, le système immunitaire se rebelle. Il se met à produire des anticorps et à faire jouer d'autres mécanismes de défense pour diminuer la charge virale et la ramener à un niveau dit "point d'équilibre". Plus la concentration du virus est élevée à ce moment-là, plus la maladie progressera rapidement. Dès lors, l'administration précoce d'un traitement médicamenteux devrait faire baisser le point d'équilibre et prolonger la vie.
Le plus gros obstacle à la mise en route d'un traitement peu après l'infection, c'est que la plupart des sujets séropositifs ne savent pas qu'ils sont porteurs du virus. Cette lacune tient à plusieurs raisons, dont la biologie virale et les méthodes disponibles de dépistage.
Comme le VIH est souvent présent dans le corps pendant une longue période de temps avant l'apparition de symptômes, l'infection peut n'être apparente qu'au moment où se développent des maladies associées au sida. Jusqu'à ce moment-là, les personnes séropositives transmettent le virus à leurs partenaires sexuels sans le savoir.
En outre, la plupart des tests de dépistage du VIH détectent la présence d'anticorps, et non pas du virus. Il peut s'écouler six mois entre le moment où la personne est infectée et le moment où le test se révèle positif.
Dans de nombreuses régions du monde, les gens n'ont pas accès aux tests de dépistage du VIH. Même dans les pays où les tests sont gratuits et anonymes, certaines personnes qui craignent d'avoir été infectées choisissent de ne pas se soumettre à ces examens. Il arrive qu'elles prennent cette décision à cause de l'opprobre associée au sida ou parce qu'il n'y a pas de remède capable de guérir cette maladie et que les traitements, coûteux d'ailleurs, ne sont pas toujours très efficaces.
Les nouvelles perçées réalisées vont peut-être contribuer à lever ces obstacles. Récemment, les chercheurs ont remarqué que beaucoup de personnes exposées au VIH avaient une crise aiguë d'une maladie semblable à la mononucléose entre deux ou six semaines après l'infection.4 Par exemple, on voit apparaître une éruption cutanée sur la partie supérieure du corps, des ulcères dans la bouche ou sur les organes génitaux, des troubles gastro-intestinaux ou même certaines affections liées au sida, ce qui permet de diagnostiquer cette maladie à un stade précoce.
D'autres scientifiques s'emploient à mettre au point des tests capables d'identifier fiablement et plus tôt les personnes qui viennent de contracter l'infection par le VIH, dit le docteur Robert Janssen, directeur par intérim de la division Prévention, surveillance et épidémiologie du VIH/sida aux U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Ces nouvelles épreuves pourraient s'avérer plus faciles à utiliser dans le monde en développement.
De surcroît, grâce aux nouvelles thérapies, le dépistage précoce du VIH est peut-être moins décourageant. Par exemple, on peut recourir à la plurithérapie, qui associe au moins deux médicaments, pour attaquer le virus à plusieurs étapes de son cycle de vie. Cette approche présente le double avantage de diminuer considérablement la concentration du VIH dans le corps et de rendre le virus moins capable d'acquérir une résistance aux médicaments. Ce genre de traitement peut donc prolonger la vie et réduire le caractère infectieux de la maladie, ce qui est essentiel pour freiner l'épidémie. Toutefois, dans les pays en développement, on ne s'attend pas à la généralisation de cette thérapie coûteuse.
Network, Hiver 1997, Volume 17, Numéro 2.
© Copyright 1999, Family Health International (FHI)
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