L'évaluation des risques en vue d'améliorer le dépistage des MST

"La prise en charge syndromique", une approche qui vise au diagnostic d'une maladie sexuellement transmissible, est fondée uniquement sur les manifestations cliniques et les symptômes que présentent l'individu. Un outil appelé "évaluation des risques" cherche à améliorer la précision du dépistage par syndrome en y incorporant une évaluation du comportement du client ainsi que d'autres facteurs sociaux.

Le seul moyen de confirmer la présence d'une maladie sexuellement transmissible (MST) chez l'être humain est d'identifier le microbe responsable à l'aide d'analyses de laboratoire. Ces épreuves sont généralement onéreuses et nécessitent souvent le retour du client à la clinique ou au dispensaire afin de connaître les résultats et pour recevoir le traitement.

C'est ainsi que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) s'est efforcée a développer une méthode permettant le diagnostic et le traitement des MST sans recours aux analyses de laboratoire. Cette méthode, nommée "la prise en charge syndromique", est fondée uniquement sur les manifestations cliniques et les symptômes que présente l'individu. L'OMS a aussi entrepris, avec d'autres organisations, l'élaboration d'un deuxième procédé appelé "évaluation des risques" qui cherche à améliorer la précision du dépistage par syndrome en y incorporant une évaluation du comportement du client ainsi que d'autres facteurs sociaux associés aux risques de MST. Les gens qui ont de multiples partenaires, par exemple, courent un plus grand risque de MST que ceux qui pratiquent la monogamie.

"L'évaluation des risques de MST est prometteuse, mais les résultats des recherches obtenus jusqu'alors restent ambigus", dit le docteur Willard Cates, vice président des affaires biomédicales de FHI et autorité sur les MST. "Ce qui est clair", poursuit-il, "c'est que toute évaluation des risques de MST doit être adaptée en fonction de la culture, de la prédominance de certaines MST et des autres caractéristiques spécifiques du pays ou de la région en question."

Le diagnostic des clients infectés par le seul biais des signes et des symptômes (la prise en charge syndromique) marche cependant bien dans certains cas. Par exemple, le traitement des hommes atteints d'écoulement urétral pour la blennorragie et la Chlamydia s'avère efficace. Cependant, le traitement des femmes atteintes d'infections cervicales, telles que la blennorragie et la Chlamydia, n'a pas connu le même succès.1 De nombreuses femmes atteintes de blennorragie ou de Chlamydia n'ont aucuns symptômes.

Tandis que les modèles d'évaluation des risques sont étudiés en tant que moyens d'améliorer la précision des diagnostics en vue de traitement, ils peuvent également avoir un rôle au sein des stratégies de prévention des MST. Selon Mme Laurie Fox, chargée d'études visant les services pour MST et les programmes de planification familiale chez FHI, l'évaluation des risques peut, entre autre, s'avérer efficace dans le cadre du counseling en matière du choix d'un contraceptif pour améliorer la prévention des MST. "Il faut cependant que les responsables en question reconnaissent les limites de l'évaluation des risques de MST avant d'incorporer ce principe à leurs services routiniers", dit-elle.

Une liste de pointage

Une évaluation des risques de MST n'est en fait qu'une liste de pointage composée de questions concernant la démographie, le comportement et autres facteurs associés. Ce questionnaire traite de sujets tels que le nombre de partenaires sexuels d'un individu, son âge, s'il a eu affaire à un nouveau partenaire au cours des derniers mois, s'il a déjà eu une MST, s'il a eu des symptômes tels que pertes ou douleurs abdominales, si son partenaire montre de pareils symptômes, si celui-ci a d'autres partenaires sexuels, et si son partenaire voyage fréquemment.

En 1993, l'OMS a développé un outil d'évaluation des risques devant servir en conjonction avec son approche de prise en charge syndromique sur les pertes vaginales.2 (Cette approche est aussi connue sous les noms d'algorithmes syndromiques ou d'ordinogrammes.) "Nous avons suggéré que certaines variables, telles que le fait d'avoir moins de 21 ans, un partenaire symptomatique, ou le fait d'avoir trouvé un nouveau partenaire au cours des trois derniers mois, indiqueraient un accroissement des risques", explique le docteur Monir Islam, chef du service de planification familiale et de la population de l'OMS.

"Mais nous n'aurions pas dû être aussi spécifique, car le risque variera d'un pays à l'autre. De nombreux pays ont pris cette liste pour liste définitive", a-t-il ajouté. Par exemple, dans certains cas, il se peut que la femme ne sache pas si son mari à des symptômes. Certains couples ont systématiquement leurs rapports dans le noir, dans quel cas, la femme peut ne pas s'apercevoir des ulcères génitaux ou des pertes urétrales de son mari.

Chez les femmes ayant des pertes vaginales, une évaluation des risques de MST basée sur les facteurs locaux semble améliorer l'identification de celles qui sont atteintes de blennorragie ou de Chlamydia. Malheureusement, il arrive souvent aussi que cette méthode identifie une MST lorsqu'il n'y en a pas, menant ainsi à des soins inutiles.

Le traitement des individus sains qui ont été menés à penser qu'ils avaient une MST peut être éprouvant sur le plan émotionnel, surtout lorsqu'ils doivent en informer leurs partenaires. Ainsi, une femme non infectée qui demande à son mari, sain lui aussi, de se faire traiter peut insinuer que l'un des deux a été infidèle. L'utilisation excessive d'antibiotiques lors du traitement peut également augmenter la résistance des organismes de MST à l'antibiotique en question.

Une étude concernant 996 femmes qui fréquentaient un dispensaire de soins prénataux en Haïti a déterminé qu'une évaluation des risques, effectivement basée sur les facteurs de risque locaux, avait permis d'identifier près de 90 pour cent des femmes infectées. Cependant, cette étude a aussi identifié de nombreuses femmes non infectées comme ayant besoin de traitement. Parmi les femmes désignées pour traitement selon le modèle, seule une sur cinq était, en effet, atteinte.

Dans le cas des femmes symptomatiques, estime Mme Frieda Behets, membre de la faculté de médecine de l'université de la Caroline du Nord (UNC) et chargée de l'étude en Haïti3, l'évaluation des risques peut améliorer le seuil de sensibilité des diagnostics cliniques parmi les femmes infectées. (Afin de juger de la valeur de tels modèles, les chercheurs comparent les résultats d'une évaluation des risques aux analyses de laboratoire.)

Une étude de 964 femmes qui fréquentaient un dispensaire de soins prénataux dans une zone rurale en Tanzanie a comparé neuf modèles différents d'évaluation des risques. Comme en Haïti, l'évaluation des risques basée sur les facteurs socio-démographiques locaux a amélioré la précision des diagnostics concernant les femmes atteintes de blennorragie et de Chlamydia. Un de ces modèles d'évaluation des risques a effectivement désigné 69 pour cent des femmes atteintes par la maladie, mais elle a incorrectement identifié pour traitement en moyenne sept femmes non infectées pour chaque véritable infection trouvée.

Les évaluations locales demandaient à chaque femme (toute étant enceinte) si elle avait moins de 25 ans, si elle était mariée, le nombre de partenaires qu'elle avait eu au cours de l'année passée, si elle avait eu des symptômes quelconques d'infection génitale, si elle avait déjà accouché auparavant (indiquant que le début de son activité sexuelle n'était pas récent) et, le cas échéant, si son accouchement le plus récent datait de plus de cinq ans (indiquant la possibilité d'une baisse de fertilité due à la présence d'une MST). Les réponses étaient quantifiées, avec l'atteinte d'un certain chiffre indiquant un besoin de traitement pour la blennorragie et la Chlamydia.4

Une étude entreprise au Zaïre sur les femmes enceintes vivant en milieu urbain a utilisé les résultats d'un test LED (indice leucocytaire) effectué sur l'urine en plus d'autres critères tels que l'âge, l'état conjugal, le nombre de partenaires et les symptômes présents. Le LED, un simple test qui ne nécessite pas d'analyse en laboratoire, permet de prédire la présence d'une infection en fonction d'un tableau de couleurs pour indiquer un nombre élevé de globules blancs. Cette approche a permis d'identifier près de trois cas d'infection sur quatre chez les femmes.5

Comportement du partenaire

Au moyen d'une analyse des études menées sur l'évaluation des risques de MST en Afrique, Susan Chen et ses collègues de FHI ont conclut que parmi les femmes mariées et monogames, le comportement du mari pouvait être un meilleur indicateur des risques encourus par ces femmes que ne l'était le comportement des femmes elles-mêmes. Le mari risquait d'infecter son épouse d'une maladie contractée lors de rapports extra-conjugaux. Pour que le comportement du mari puisse servir à l'évaluation des risques, il faut que la femme puisse décrire avec précision le comportement de son partenaire.6

Des recherches effectuées sur des femmes enceintes dans un dispensaire du Kenya ont démontré que l'évaluation des risques n'offrait généralement que peu de résultats dans le dépistage de la blennorragie et de la cervicite à Chlamydia.7 "Les femmes étaient à risque principalement du fait du comportement de leurs partenaires, et il était très difficile d'obtenir des informations précises concernant ces derniers", explique le docteur Stephen Moses, membre du programme de recherches conjointes entreprises par la faculté de médecine de l'université de Nairobi et par l'université de Manitoba (Canada) qui dirigeait l'étude.

Une étude effectuée récemment dans un centre de planification familiale en Jamaïque a également trouvé que le principe de l'évaluation des risques n'était pas efficace dans la détection des MST. Le moyen le plus prédictif de mesurer une infection de MST était le test LED.8 Dans le cas de la Jamaïque, un grand nombre des femmes infectées ne présentaient aucun symptôme. "Il est très difficile de dépister une infection cervicale chez les femmes asymptomatiques", dit Mme Behets de l'UNC qui a participé à l'étude. "A l'heure actuelle, l'évantail des moyens à notre disposition est limitée au point d'en être frustrant." FHI a dirigé les travaux en collaboration avec le ministère de la Santé jamaïcain.

Le Technical Guidance/Competence Working Group de l'USAID est en train d'établir, à l'aide d'un grand nombre des variables évaluées lors de ces études, des lignes directrices visant l'adaptation des moyens d'évaluation des risques de MST aux situations locales.


Network, Hiver 1997, Volume 17, Numéro 2 .
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© Copyright 1999, Family Health International (FHI)


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